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Bilan de 2003 « ANNÉE INTERNATIONALE DE L’EAU POTABLE »
par Daniel Allard

L’ONU avait décrété 2003 « ANNÉE INTERNATIONALE DE L’EAU POTABLE ». Les premiers bilans ont été décevants. La tâche de faire disparaître la soif et la maladie causé par l’eau non potable au bénéfice de l’ensemble de l’humanité se révèle quasi sur-humaine ! Mais dans la foulée de 2003, des gestes et des messages encourageants pointent à l’horizon. L’eau deviendra-t-elle un « Droit de la personne » ? On peut raisonnablement l’envisager.

« Le Conseil mondial de l’eau est un organisme qui travaille à une gouvernance mondiale de l’eau. Et son président, William Cosgrove, a complètement changé d’avis à ce propos. Il milite maintenant pour inscrire le Droit à l’eau  dans une Charte », explique Frédéric Lasserre, professeur adjoint au département de géographie et directeur de l'Observatoire de Recherches Internationales sur l'Eau (ORIE), depuis l'officialisation de sa création, en novembre 2003, par l'Institut québécois des Hautes Études internationales (IQHEI) de l'Université Laval.

Quel est son bilan à lui de 2003 l’année de l’eau ? « Je suis optimiste dans la mesure ou on en a parlé. De nouvelles organisations non gouvernementales se sont créées… Je suis inquiet, également, car bien que des petits pas sont effectués, je ne suis pas sûr que les progrès seront assez rapides pour éviter que le stress n’aboutira pas à des crises sociales et politiques ». Mais il n’a pas vraiment peur des « guerres de l’eau ».

Selon ce chercheur, les guerres de l’eau, que la presse à sensation aime bien prédire, sont plutôt improbables : « Imaginez-vous un pays en envahir un autre pour ses ressources en eau ? Mais que faire après ? Détourner des fleuves à grands frais ? C’est irréaliste. L’eau n’en vaut pas le coût pour l’instant», affirme Frédéric Lasserre.

« Les guerres de l’eau
sont
improbables »

La solution, elle passe beaucoup plus par la négociation et c'est d'ailleurs l'exemple que donnent actuellement le Canada et les États-Unis. « Une Charte, actuellement au stade de l'accord préliminaire, existe entre les États limitrophes des États-Unis, du Québec et de l’Ontario sur les prélèvements à permettre dans le bassin des Grands Lacs. Les négociations se poursuivent et une entente devrait se signer en 2004 », confirme le chercheur.

Mais n'oublions pas que « (…) l’Arizona a déjà déployé sa Garde nationale pour empêcher la Californie de construire un barrage sur un fleuve limitrophe. Il n'y avait pas eut de coup de feu, mais les esprits étaient très échaudés », raconte-t-il, pour montrer que l'affaire n'est pas simple.

UNE QUESTION DE PARTAGE PLUS QUE DE RARETÉ

Toute l'eau liquide qui circule actuellement sur Terre offre à l'humanité 6500 mètres cubes d'eau par habitant par an. C'est ce qui est actuellement disponible, à l'échelle de la planète entière, dans l'état actuel de l'environnement mondial. C'est donc beaucoup, mais malheureusement cette eau est très mal répartie à travers le monde.

La Terre
nous offre présentement
6500 m3 d'eau liquide/hab/an

« Dans certains pays du Moyen-Orient, déjà l'agriculture ne croit plus à cause des pénuries croissantes d'eau. L'Égypte, par exemple, se doit d'importer de plus en plus pour nourrir sa population et les objectifs d'autonomie alimentaire sont en périls. (…) À Las Vegas, il y a maintenant des particuliers qui doivent payer de 250 à 300$ par mois juste en facture d'eau », donne-t-en en exemple.

Et où les situations de crise pourraient le plus dégénérer, selon lui ? Frédéric Lasserre allume des lumières rouges dans les zone suivantes :

• Asie central ;
•  Vallée du Fleuve jaune en Chine du Nord ;
• Inde, au sud du pays pour le partage des eaux du fleuve Cauvery ;
• Palestine (avec Israël) ;
• Bassin du Nil (exemple de course contre la montre pour laquelle les    négociations égyptiennes avec l’Éthiopie se dégrade et n‘augure rien de bon    actuellement).

Il allume aussi des lumières oranges dans les zones suivantes :

 • Les États-Unis (qui ne peuvent pas faire l’économie d’un débat sur la propriété    et le genre d’usage de l’eau qu’il faut privilégier surtout en Californie, au    Nevada et en Arizona) ;
• Mexique (pour sa frontière avec les États-Unis, un problème récurent) ;
• Nord-Est de la Thaïlande (qui envisage le détournement d’un fleuve qui touche    aussi la Birmanie).

Que souhaite-t-il donc réaliser avec le groupe de recherche qu’il dirige maintenant depuis fin 2003 ? « Ce que j’aimerais ajouter à la réflexion c’est l’ensemble des facteurs qui interviennent dans la négociation, lors d’une solution de crise enmatière de gestion de l’eau. L’approche du marché ne marche que lorsque les acteurs ont des moyens financiers… L’approche technique a ses limites aussi (coûts, etc.). Nous voulons avoir une approche multidisciplinaires sur la solution au problème », explique le directeur de l'Observatoire de Recherches Internationales sur l'Eau. Les professeurs Nathalie Barrette, Christian Bouchard et Jean Mercier, qui travaillent avec lui à l’ORIE, sont d’ailleurs tous de disciplines différentes.

*****

En interview, au printemps de 1999, avec Riccardo Petrella, le politologue italien qui préside, depuis 1992, le Groupe de Lisbonne, et qui est aussi connu pour son livre Le manifeste de l'eau, un plaidoyer éloquent appelant à une reconnaissance de cette ressource naturelle stratégique comme « bien commun patrimonial de l'humanité », le cyberjournal COMMERCE MONDE montrait que cette homme d’idée portait un jugement sévère sur ceux qui nous gouvernent, ainsi que sur nos institutions. Cinq années plus tard et une « Année internationale de l’ONU » de plus sur le sujet, son analyse demeure percutante :

« (…)Sur le plan symbolique, l’eau évoque le problème de la vie et doit être considérée comme un bien commun... Symbolisant ici notre déficite politique à pouvoir gérer correctement la ressource. D'autant plus que l'effet de la gestion de type étatisé a été de justifier la tendance actuelle de se tourner vers la privatisation... Finalement, sur le plan humain et social, le problème de l'eau évoque et met en évidence tout le problème de la citoyenneté et de la souveraineté... Il faut établir pour l'eau des moyens, des ingrédients de solidarité humaine, pour une gestion en tant que ressource qui doit être accessible à tout le monde. Par son rapport à la vie, l'eau est primordiale, avant tout le reste, pour l'établissement de contrats mondiaux ».
 

Imaginant un mode de gestion idéal de l'eau du type « gestion par bassin versant », Riccardo Petrella était même prêt à changer des frontières : « Oui, oui! Les Parlements par bassin... Si les structures intergouvernementales se révèlent inadaptées pour assurer une gestion solidaire et durable d'un bassin, il faut alors dépasser les formules des traités intergouvernementaux et inter-étatiques et redonner la gestion aux vrais propriétaires, qui sont les habitants. Il est clair que le problème de la souveraineté n'est pas l'objectif fondamental. On ne va pas dire qu'il faut faire des activités politiques par bassin, suivant une forme de reconstitution sur la base de l'eau des États-Nations. Pas du tout. Mais l'organisation par bassin de forme démocratique, c'est cela que je suggère. Par exemple, l'organisation de parlements et d'assemblées parlementaires qui n'empêcheraient pas une action participative, dans le cadre d'un droit mondial de l'eau et d'une autorité mondiale de l'eau aussi. Il ne faut pas avoir peur de multiplier les formes d'assemblées parlementaires. Moi, je crois que d'organiser des structures parlementaires de manière à gérer par bassin, c'est une bonne piste », disait-il déjà il y a cinq ans maintenant.

Belle matière à réflexion !

 

La cause
Sun Belt Water Inc./Gouvernement de la Colombie-Britannique n’aura pas lieu
 
Sun Belt Water Inc. est cette compagnie des États-Unis qui avait intenté une plainte de l’ordre du milliard de $ contre le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, suite à une législation adoptée en 1991 concernant l’exportation massive de l’eau de cette province canadienne qui avait mis fin aux rêves commerciaux de ses propriétaires. Mais on doit maintenant comprendre que la cause n’ira pas en jugement.
 
En réponse à son courriel au premier ministre Campbell du 19 février 2004, Frédéric Lasserre, professeur adjoint au département de géographie et directeur de l'Observatoire de Recherches Internationales sur l'Eau (ORIE) de l'Institut québécois des Hautes Études internationales (IQHEI) de l'Université Laval a appris que : « The claim was dismissed when the plaintiff failed to post security for costs. »
 
La réponse que signe Robert G. W. Lapper, assistant Deputy Attorney General du gouvernement de la Colombie-Britannique, dans une réponse datée du 16 mars 2004 à la lettre du professeur Lasserre, dit aussi : « (...) the case did not proceed to trial, and consequently no arguments, apart from preliminary ones, were ever made on merits of the claim. »