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Chronique Réussir en Chine

Huit points pour mieux communiquer (2ièm partie)
Réapprendre la politesse, mais la politesse à la chinoise

Par Jules Nadeau, consultant en affaires asiatiques
Communik-Asie (
jules@communikasie.com)


La politesse à la chinoise consiste beaucoup plus à respecter le rituel, l'étiquette et les règles traditionnelles. Il en va ainsi d'abord et presque exclusivement avec les gens de son entourage et de son propre réseau.

La Chine étant le «pays des rituels et de la bonne conduite», il faut réapprendre une série de nouvelles règles de politesse -- qui peuvent être parfois contraires aux nôtres. Confucius (551-479 av. notre ère) a été le premier à parler de la notion des rites.

Moins soumis à ce type de protocole, les Occidentaux doivent être courtois et aimables avec n'importe qui, n'importe où, y compris dans les endroits publics. Un dentiste chinois d'origine malgache estime que la politesse à l'occidentale est plus « sincère » parce qu'elle est plus personnelle, plus spontanée et moins codifiée. Au contraire, avec des inconnus dans des endroits publics comme à la porte d'un cinéma, un Asiatique va moins hésiter à sauter la queue. Au téléphone, si c'est un mauvais numéro, on vous raccrochera vite au nez parce qu'on ne vous connaît pas du tout.

Évitons surtout d'affirmer trop rapidement, comme une institutrice québécoise m'a déjà dit peu de temps après son arrivée à Hong Kong, que les «locaux» ne sont pas polis dans les stations de métro. Tout dépend du point de vue. Un Chinois peut, lui aussi, facilement se plaindre de vous. Tout est relatif.

L'hospitalité est souvent beaucoup plus sophistiquée et poussée en Asie que chez nous, à ce point qu'on se sent parfois mal à l'aise de recevoir un ami chinois qui nous a déjà fait connaître sa propre ville. Autre précepte de Confucius : « Accueillir un ami qui vient de loin, n'est-ce pas la plus grande joie ? »

QUI EST LE PLUS PONCTUEL ?

Les Chinois sont-ils plus ponctuels que nous? Difficile à dire. En tout cas, le cellulaire demeure indispensable pour avertir en cas de retard. À la question « quelle est la plus grande vertu », le réputé cinéaste Wong Kar-wai (qui nous a donné « In the Mood for Love » et « 2046 ») a spontanément répondu : « La ponctualité ! » Mais ce Hongkongais est pourtant reconnu comme un perfectionniste qui ne remet pas toujours ses films à temps dans les grands festivals comme à celui de Cannes.

Les salutations se font souvent à l'occidentale avec la poignée de main ou bien avec un léger salut de la tête en lançant un « ni hao ? » bien articulé, « comment allez-vous ? » Voilà le moment choisi pour faire preuve de votre savoir-faire et accorder la priorité aux supérieurs hiérarchiques et aux aînés. Même en des circonstances plus informelles, la bise à l'italienne sur les deux joues ne fait pas encore partie des moeurs intimes asiatiques et les amoureux en conservent l'exclusivité.

La poignée de main passe très bien d'un continent à l'autre, mais il ne faut pas se surprendre du peu de vigueur qu'y met votre interlocuteur. Probablement par manque d'habitude ! De plus, une Pékinoise me disait : « Trop serrer la main d'une femme peut lancer un message équivoque. »

Obligatoire et imprimée en quantités suffisantes, la carte d'affaires en deux langues contient le logo et des renseignements précieux qui laissent connaître votre nationalité et votre statut. Certains y attachent tellement d'importance qu'ils se font imprimer des cartes à rabat énumérant au complet toutes leurs affiliations professionnelles, soit une vingtaine d'associations. Quasiment tout le CV sur une puce de carton ! Pas de carte d'affaires, pas d'identité. Vous n'existez tout simplement pas ! Toujours les placer dans la même poche pour être capable de l'extraire rapidement sans avoir à fouiller tout le costume de façon gênante.

Placée à l'endroit, du bon côté, la carte se donne avec les deux mains selon un cérémonial simple mais précis. On l'examine avec respect pendant quelques secondes comme s'il s'agissait d'un chèque de paye. Le moment idéal pour un premier regard de part et d'autre. Un commentaire aimable sur le nom d'autrui ou la ville d'origine amorce bien la conversation et aide à vite mémoriser le patronyme.

Les places à occuper dans une salle de réunion font partie de la bienséance élémentaire et il est préférable d'attendre qu'on vous indique où vous asseoir. Les places d'honneur sont toujours celles qui permettent de faire face à l'entrée. Il est bien de s'informer d'avance sur le rang des quelques personnes à rencontrer. Par rapport à lui, le numéro un vous fera prendre la place d'honneur, soit immédiatement à sa droite. Notez ce détail dans les photos officielles des médias chinois.

Comme si c'était inscrit dans la constitution de la République populaire de Chine, une tasse de thé chaud est toujours promptement servie au visiteur. Une bouteille thermos est d'ailleurs toujours prête pour ébouillanter les feuilles de thé. À défaut de thé, c'est au moins une petite bouteille d'eau.

Les sujets de conversation ? Discrétion et indiscrétion? Les Chinois ont moins de réserves que nous et posent des questions directes sur le prix de votre appartement ou votre âge. Ne soyez pas surpris de vous faire demander ce genre de précisions. Ce n'est pas une affaire de politesse.

LA MODESTIE EN TOUT TEMPS

Les manières à table sont très différentes d'une culture à l'autre. Le fait de manger en groupe des plats collectifs avec des baguettes autour d'une table ronde suppose des règles particulières. Rien de comparable avec l'assiette individuelle attaquée avec un couteau et une fourchette où chacun s'occupe de ses propres affaires. Dans ce contexte, tout ce qui fait plaisir à ses voisins immédiats est de mise comme leur servir un premier morceau de volaille avant de porter les baguettes à sa bouche pour la première fois.

Reconduire ses invités jusqu'à l'extérieur de la maison ou du bureau et aller parfois jusqu'à leur véhicule fait partie du manuel d'étiquette. Il est recommandé de protester poliment, « ne vous déplacez pas » mais les signes d'au revoir de la main s'étirent parfois et ne prennent fin que lorsque les visiteurs sont complètement disparus au bout de la rue. Une immigrante de Côte-des-Neiges m'a déjà reconduit jusqu'à ma voiture ce qui l'obligeait à descendre et remonter trois étages. « Vous êtes le premier étranger qui entre chez nous », de me surprendre la très courtoise personne. L'absence de ce rituel, chez nous, étonne bien des Chinois qui se sentent ainsi offensés et croient avoir fait mauvaise impression.

Traditionnellement, la modestie est de rigueur partout en Asie mais cette vertu se perd chez les plus jeunes. Quoi qu'il en soit, mieux vaut éviter d'acquiescer vigoureusement de la tête lorsqu'on vous complimente pour un travail bien fait, afin d'éviter de paraître imbu de vous-même ou complètement ridicule. Dans ce contexte bien précis, « nali nali » veut dire « je ne mérite pas vos compliments ».

Dans tout ce qui précède, au fil des années, un bon sens de l'observation aide à bien se tirer d'affaires. Plus énigmatique toutefois, surviennent des cérémonies plus intimes comme les funérailles et les mariages où le rituel touche au domaine des coutumes et du spirituel, comme nous le verrons dans le prochain article.