A quand une Mission Québec en Afrique?

     Nos premiers ministres voyagent encore une fois de par le monde, pour soutenir les entreprises du pays. Bravo et merci! Après l'Asie et l'Amérique latine - pour une deuxième fois d'ailleurs - il faut se demander à quand l'Afrique? Ce continent n'apparaît jamais à l'agenda, autant de monsieur Chrétien que de monsieur Bouchard. Pour ce dernier, la première Mission Québec, en Chine, fut l'occasion de dire que la prochaine prendrait la route des États-Unis. Et après?

A croire qu'il n'y a pas de bonnes affaires à faire en Afrique. Dans les cercles d'initiés, on s'amuse pourtant à dire que l'Afrique sera le dernier des grands marchés. Et dieu sait qu'il est grand! Riche d'espace, riche de ressources naturelles, riche de populations à haut taux de croissance, l'Afrique représente certes un immense royaume de convoitises et d'opportunités. Malheureusement, l'image qu'elle porte repousse nos entrepreneurs. Une image passéiste, qui n'a plus sa raison d'être en 1998.

Ce continent ne mérite plus son image de gouffre économique

 

Première erreur, considérer l'Afrique globalement. Ce continent, qu'encore trop de Québécois voient comme un seul pays, en compte exactement 48 sur le continent même et une demi-douzaine qui sont insulaires!

Oui, certains sont en guerre, d'autres si pauvres que les opportunités offertes relèvent plutôt des agences d'aide comme l'ACDI, USAid ou les Organisations Non Gouvernementales (ONG) de coopération. Mais généraliser sur l'Afrique mène directement à une deuxième erreur: croire que tout le continent est un gouffre économique. De grands pans de l'Afrique démarrent, économiquement parlant, et sont, dès à présent, des opportunités à saisir.

Il faut vite cesser de regarder l'Afrique d'hier et intégrer la réalité d'aujourd'hui. Alors que l'Occident rêve encore à des taux de croissance de 3% par an, les 33 PMA (Pays Moins Avancés) d'Afrique, malgré une évolution défavorable des prix des produits de base, ont connu une croissance moyenne de 5,4% en 1995 et de 4,6% en 1996. Depuis 1994, dans 19 d'entre eux, ce taux a dépassé 4% et dix ont vu leur PIB croître de plus de 5%. Une rapide comparaison, sur cinq années récentes, montre bien qu'il ne faut plus s'accrocher à l'image de l'Afrique d'hier et prouve qu'une large tranche des pays africains offrent, maintenant, des contextes de croissance remarquable.

Tableau 1

COMPARAISON 1992-1996 POUR 12 PAYS DANS TROIS RÉGIONS D'AFRIQUE DES TAUX DE CROISSANCE RÉELLE DU PIB

Pays Croissance en % 1992 Croissance en % 1996
Au Nord    
Algérie 1,4 3,4
Égypte 1,9 4,9
Maroc (4,0)* 11,8
Tunisie 7,8 6,9
     
A l'Ouest    
Bénin 4,1 5,8
Cameroun (3,2) 3,5
Côte d'Ivoire 0 6,8
Sénégal 2,4 4,8
     
Au Sud    
Angola 1,4 9,0
Afrique du Sud (2,2) 3,1
Namibie 7,4 3,0
Zimbabwe (5,8) 6,0

Croissance moyenne 0,93 5,75

(Sources: Direction Afrique-Moyen-Orient, MRI, Gouvernement du Québec, 1998)

* Taux de croissance négatif

Les chiffres du tableau ci-dessus sont sans équivoque. Ils ne sont pas le reflet de toute l'Afrique, mais le reflet d'une certaine Afrique. Celui de plusieurs pays qui marchent, progressent même plus vite que nos propres économies de pays riches et autant que bien des dragons d'Asie et d'Amérique latine. Pour le Québec, plus que des opportunités strictement commerciales, il faut aussi y voir la nécessité d'une Francophonie à saisir et à réussir, en lien direct avec nos propres intérêts politiques et économiques internationaux.

Tout ceci mérite bien plus qu'une ou deux visites ministérielles par année. Autant économiquement que politiquement, et avant l'an 2000, l'Afrique mérite une vrai Mission Québec, premier ministre en tête, voire toute la force d'une mission d'Équipe Canada.

Daniel Allard, rédacteur en chef

 


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