LES OMISSIONS D'UNE POLITIQUE POUR LA CAPITALE

 

Le gouvernement du Québec a dévoilé durant l'été sa Politique relative à la capitale nationale. Dans un concert d'éloges, on a même entendu clamer: "Jour historique" pour Québec! Si les gens de la CCNQ, du CRCDQ, de l'université, de l'ÉNAP et de la mairie pavoisent, l'oeil de celui qui s'intéresse précisément à l'avenir de la région de la capitale au sein de l'économie mondiale y voit matière à suspicion.

La Politique, accompagnée d'une Stratégie de diversification économique et déjà doté d'un Fonds de 20 millions $ sur deux ans pour concrétiser ses engagements, n'est pas modeste. On veut faire de la capitale rien de moins qu' "un modèle de développement économique"!

Il n'est pas possible, en 1998, d'élaborer une politique et une stratégie de diversification économique pour une région de l'importance de Québec, sans y inclure des éléments d'amélioration de sa compétitivité internationale. Mondialisation oblige, les gens d'affaires se préoccupent énormément de ce qui peut faciliter - ou compliquer! - leurs démarches sur la scène économique internationale. "Le rayonnement international est considéré comme une condition inhérente au développement économique de la capitale," avance d'ailleurs le document, qui endosse complètement le plan d'action en la matière proposé par le Conseil régional de concertation et de développement de Québec (CRCDQ).

Cette initiative de l'État laisse malgré tout sur leur faim ceux qui attendent que la capitale du Québec soit un endroit plus attrayant pour les acteurs du commerce international. Elle pèche beaucoup par omission.

Côté infrastructures d'abord. Une telle politique ne doit pas obligatoirement susciter l'emballement et la mobilisation. Mais peut-on traiter de l'importance du réseau ferroviaire à Québec sans dire un mot sur l'avenir du projet de TGV? Où est la vision d'avenir pour garder Québec bien branchée sur le reste du continent nord-américain?

On reste tout autant sur sa faim pour le port. Pas un mot sur la demande de la Table régionale qui demandait au gouvernement des engagements fermes en regard de l'implantation d'un parc industrialo-portuaire sur la Rive-Sud de Québec. Rien! Et encore rien, concernant un engagement formel visant à doter le port d'une gare maritime adéquate et appropriée à l'industrie des croisières internationales, pourtant en pleine croissance.

Un des axes - et non le moindre - de la Politique, celui sur Les secteurs de développement prioritaires, laisse aussi une périlleuse impression d'omission. Il évite de traiter directement les questions de commerce international. Un engagement parle bien "d'appuyer la technorégion... en offrant des avantages comparatifs mondialement reconnus". On s'engage aussi "à développer le potentiel des multinationales présentes sur le territoire". Bien maigre programme! En novembre dernier, un des candidats à la mairie de Québec proposait, dans la lignée du concept de zone franche, la mise en place d'une "Zone économique spéciale" vouée au commerce international, qui offrirait des avantages aux entreprises et maximiserait le développement de ce secteur de notre économie régionale. A la fin des années 80, un groupe de promoteurs rêvait de doter la région de Québec d'une espèce de quartier d'affaires international. Ce n'était pas une mauvaise idée. A Montréal, le développement du Quartier international est déjà un acquis et fait partie de l'arsenal dont dispose la ville pour stimuler son développement. Y-a-t-il ce genre de projet dans les cartons de la ville, de la CCNQ ou du gouvernement?

Sans que cela ne constitue une omission, il faut enfin garder à l'esprit que si le ministre responsable de la région de Québec, Jean Rochon, parle d'engagements ayant pour but de faire de Québec "une ville au rayonnement international", c'est en bonne partie à travers des lunettes politiques qu'il faut voir ces avancées du gouvernement. "Dans la mesure où le Québec aspire à devenir un État souverain..." et "en ayant à l'esprit le rôle accru ... [que le Québec] entend jouer sur la scène internationale", comme le dit le premier ministre Lucien Bouchard, "...le gouvernement estime nécessaire d'accroître le rôle de [la capitale] sur le plan international." Travailler "...à renforcer la représentation diplomatique internationale au sein de la capitale", n'est pas sans intérêt. (Surtout si c'est pour y améliorer les services commerciaux disponibles. Québec accueille actuellement 21 postes consulaires - il y en a 85 à Montréal -, dont seulement trois sont dirigés par un chef de poste, fonctionnaire consulaire de carrière. Les gens d'affaires de Québec doivent encore téléphoner à Montréal pour parler affaires même avec le Consulat de France.) Mais les efforts d'ouverture de l'économie de la capitale sur l'économie mondiale doivent dépasser l'enjeu concernant l'avenir politique du Québec. Elles ne doivent même pas en dépendre. Souhaitons que l'actuel gouvernement du Québec n'efface pas les nécessités de survie économique, pour les soumettre aux aléas de son option politique. La nécessaire internationalisation de l'économie de la capitale ne requiert pas nécessairement un pays souverain.

Le gouvernement veut, par ailleurs, réévaluer et préciser le rôle des organismes de développement économique en vue d'une réorganisation majeure. Bravo! Trouvez-moi dix personnes qui comprennent tout cela: CLD, CRCD-Q, CRCD-CA, CCNQ, MICST, MRI, MDR-Q, SPEQM, CUQ, DÉC, ailleurs - ne l'oublions pas - que chez le ministre responsable de la capitale?

Daniel Allard
Rédacteur en chef


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