David Cliche, ministre responsable des inforoutes au Gouvernement du Québec

"Stratégiquement positionné au Conseil du Trésor, mon poste est maintenant au coeur de toutes les décisions du gouvernement."  
                                       David Cliche

Entrevue avec David Cliche, ministre responsable des inforoutes au Gouvernement du Québec.  

 

Lorsqu'il a formé son nouveau gouvernement, le premier ministre Lucien Bouchard a élevé le dossier des inforoutes au niveau d'un ministre à temps plein et c'est à David Cliche qu'il a confié les commandes de cet enjeu stratégique. C'est à ce titre de ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux qu'il a accepté de nous accorder cette entrevue, le 25 août dernier.

Entrevue réalisée par Daniel Allard

(CMQC) Monsieur le ministre, il y a quinze mois à peine, des analystes qui critiquaient la toute nouvelle Politique québécoise de l'inforoute parlaient d'un beau train... sans conducteur! Qu'en pensez-vous? (David Cliche) "Ce que je trouve, c'est que la Politique est excellente! Elle est cependant très vaste. Ce que j'apprécie..., c'est que: un, je suis responsable à temps plein de cette politique, ...[comparativement à avant] où deux ministres étaient responsables de son application... et conduisaient la carriole, ...ce qui pouvait rendre plus difficile sa mise en oeuvre accélérée...; l'autre chose, c'est mon positionnement stratégique à l'intérieur du Conseil du Trésor, qui me met au coeur des décisions... et me permet d'intercepter immédiatement les problèmes d'incohérences avec l'architecture globale que nous sommes en train de développer. Tout passe ici, vous savez. Et je contrôle aussi tous les achats gouvernementaux à titre de ministre délégué aux Services gouvernementaux, l'ancien Approvisionnements et Services. Tout cela fait vraiment que je suis à pied d'oeuvre pour mettre la Politique en application de manière accélérée et d'identifier les éléments à prioriser...

À ce titre, la priorité qui s'ajoute à ce que nous avons fait à ce jour, c'est le développement des transactions et du commerce électroniques..."

(CMQC) Avec rang de ministre délégué, quelles sont vos moyens pour agir concrètement sur le quotidien des Québécois? Depuis trois ans, on a beaucoup entendu parler du FAI, mais que comptez-vous faire de plus? (D. C.) "D'abord, il n'y a rien qui monte au Conseil du Trésor qui porte sur les nouvelles technologies de l'information dont je ne sois mis au courant... Pour ceux qui connaissent la politique et l'appareil gouvernemental, c'est beaucoup... Ensuite, il faut faire deux choses: d'abord que l'État devienne un modèle dans les transactions électroniques; deuxièmement, s'il y a un mot clé..., c'est CONFIANCE. Il faut que les Québécois, qu'ils soient à titre individuel ou à titre d'entreprise, prennent confiance dans les transactions électroniques. Il y a deux moyens de faire cela: d'abord que l'État donne le pas et devienne un utilisateur modèle des transactions électroniques et du commerce électronique; et deuxièmement, il faut créer un environnement qui correspond à nos valeurs sociétales et qui va donner confiance aux utilisateurs québécois... Tout ce que je fais en ce moment tourne autour de ces deux grands axes là: développer l'État modèle et créer de toutes pièces une architecture d'encadrement qui va donner confiance...

Concrètement, concernant l'architecture, on travaille à vitesse grand V, et j'ai un objectif très optimiste... idéalement nous aurions dans les mois qui viennent, certainement dans la prochaine année, une législation habilitante, c'est-à-dire, par exemple, qu'un commerçant qui voudrait utiliser cette législation là pourrait assurer les gens avec qui il fait transaction que des notions aussi fondamentales que le document et la signature... ont un poids légal... Les deux éléments essentiels sur lesquels nous travaillons en ce moment sont la signature et le document... L'idée c'est que l'État donne... des possibilités d'utiliser des systèmes, une architecture, qui ont un support légal. L'État ne vient pas contrôler tout le commerce électronique. Mais l'État donne des outils. Il y a là-dedans des questions d'accréditations, de clés d'accès, d'encryptage, on est là-dedans actuellement, avec le Sertir (Serveur transactionnel d'information et de repérage), le serveur transactionnel gouvernemental qui éventuellement va encadrer toutes les transactions électroniques entre le [gouvernement du] Québec et ses fournisseurs...

Quand on aura fait cela, ce que je prévois, c'est une explosion du commerce électronique au Québec, au même titre que, en ce moment, nous sommes les champions au monde des transactions bancaires par guichet électronique... Une explosion qui nous permettra de rattraper, d'ici 4-5 ans, le retard, je ne le nie pas, que nous vivons actuellement...

Je voudrais aussi rajouter un autre élément ici, que j'ai soumis au Forum et qui a fait consensus. Il faut également travailler avec des multiplicateurs! Ce n'est pas évident, prenons un exemple, pour un producteur de 2X4 à Sacré-Coeur au Saguenay, qu'il a avantage à avoir un site de commerce électronique! Ce à quoi nous travaillons actuellement - et l'utilisation du Fonds de l'Autoroute électronique cette année va sans doute aller en grande partie là-dedans, je vous le dis là, en honorant bien sûr tout ce qui a déjà été annoncé jusqu'à maintenant - mais les ressources résiduelles, je vais les investir à développer des  trousses avec des multiplicateurs pour développer des secteurs de l'économie... vers le commerce électronique. Les secteurs avec lesquels on va travailler - car il y avait déjà des trains en marche, mais on va mettre du charbon dans la bouilloire pour accélérer la marche du train - sont:

  • le plein air;

  • les matériaux de construction;

  • l'horticulture;

  • la tôlerie, ferblanterie et industrie de l'acier;

  • l'agro-alimentaire et

  • l'industrie des comptables. 

L'idée, c'est d'avoir des trousses où quelqu'un expliquerait pourquoi le commerce électronique est avantageux pour eux, comment le faire, pour s'assurer que ces secteurs comprennent leur intérêt... Ensuite il y aura des success stories qui deviendront l'exemple, sinon la norme, et là ça va décoller et tout le monde va en vouloir des trousses comme ça."

(CMQC) Le milieu des PME du Québec, pour toutes sortes de raisons, semble toujours hésitant à rentrer de plein pied dans le monde du commerce électronique. On parle maintenant d'un retard important de deux ans. Avez-vous l'intention d'intervenir sur ce plan? (D. C.) "Je vous ai parlé des trousses. On vient d'investir 1M$ pour engager 250 jeunes qui ont travailler dans les PME durant l'été... pour susciter le virage électronique. Également, on finance l'Institut de commerce électronique qui fait la tournée des chambres de commerce de toutes les régions du Québec pour les sensibiliser et leur faire valoir l'intérêt du virage électronique du Québec. Toutes ces actions là s'additionnent. Et je n'exclus pas, également, cet automne, une espèce de publicité grand public-PME sur l'importance du virage électronique... et on est aussi en train de développer, avec le MIC (ministère de l'Industrie et du Commerce) une trousse générale de développement du commerce électronique."

(CMQC) Quel avenir réservez-vous au Fonds de l'Autoroute de l'Information (FAI)? (D. C.) "Il va d'abord honorer ses engagements antérieurs. Ensuite, à partir de ce qu'il me reste, moi je suis en train de développer les trousses. L'effort va aller là cette année. C'est un peu novateur, mais le Fonds va aller là! Il n'y aura pas d'appel de grands concours..."

(CMQC)  Quelle est votre position personnelle concernant la fiscalité, la taxation et le Web? (D. C.) "La fiscalité actuelle des entreprises au Québec, elle est bonne... Le matériel informatique est déductible à 100%, les logiciels... à 125%. Les entreprise ont les outils fiscaux pour prendre le virage électronique.

En ce qui regarde de taxer, par exemple, les courriers électroniques, non, on n'est pas là! Sauf qu'on s'attend à ce que les transactions électroniques soient soumises aux mêmes règles de commerce pour la taxation. Pour nous, je n'ai pas envisagé de taxer les courriels ou les transactions électroniques, mais le fruit des transactions électroniques devra être traité comme les autres réseaux de commerce et il faudra que les taxes habituelles se perçoivent. On n'envisage pas de mettre de nouvelles taxes. Au contraire, notre objectif, c'est de diminuer les taxes et les impôts des Québécois et des entreprises.

La fiscalité des entreprises, je le répète, elle est relativement bonne. Elles nous le disent, d'ailleurs, les entreprises... Si elles ont peur que l'on vienne chambarder ça... avec le Cheval de Troie de l'électronique, je vais être très clair avec elles, il n'en est pas question! Mais elles doivent cependant comprendre que l'État s'attend à ce que le commerce électronique soit soumis aux mêmes règles de droit fiscal que le commerce papier..."

(CMQC) Que pouvez-vous dire sur ce projet d'un Centre mondial du commerce électronique qui mijote, depuis janvier au moins, dans les bureaux du Groupe Vaugeois, à Montréal? (D. C.) "Je les rencontre très prochainement! Ils sont dans mon agenda." Complément de réponse en date du 9 septembre: Deux désistements de la part des gens du Groupe Vaugeois avaient depuis lors fait en sorte que la rencontre avec le ministre Cliche n'avait toujours pas eu lieu à ce jour.

(CMQC) Le premier ministre Bouchard avait répondu: "Question de priorité", lorsqu'interrogé, il y a environ un an, sur le projet de Zone virtuelle de libre-échange incluant le Québec, l'Ontario et le Mid West américain (les États des Grand-Lacs). Vous savez que la région de Québec a tissé, depuis quatre ans, des liens étroits avec les gens d'affaires du Maine, grâce particulièrement aux rencontres Co-Entreprise. Partagez-vous l'analyse du premier ministre qui n'inclut pas immédiatement les États de la Nouvelle-Angleterre dans ce projet de zone de libre-échange? (D. C.) "... À cette étape-ci, oui! Une chose à la fois. Moi, ma vision, c'est éventuellement tout le nord-est jusqu'à la Floride même, qui représentent nos marchés limitrophes... Commençons par faire des cas succès. Ensuite, on élargira."

(CMQC) Merci!