Bio Agro Contact
Une 3e édition qui parle de nouveaux produits-santé et de consommateurs inquiets, mais qui oublie presque les OGM!

par Jean Rousseau


La troisième édition de Bio Agro Contact (www.cqvb.qc.ca) a eu lieu au Centre des Congrès de Québec les 7, 8 et 9 novembre 1999. Cette conférence regroupait majoritairement des intervenants québécois du monde de la transformation bioalimentaire. Environ 350 participants ont écouté industriels et chercheurs présenter leurs dernières réalisations. Les financiers invitaient de potentiels entrepreneurs à explorer les avantages des fonds de démarrage. En toile de fond à tout ce réseautage, les multiples formes des produits alimentaires et les tendances qui façonnent l'acte social par excellence: manger.


Jean Leclerc, directeur général des Biscuits Leclerc (www.leclerc.ca) et président d'honneur d'Agro Bio Contact 99, a décrit les nombreux défis qui guettent l'exportateur. Biscuits Leclerc vient de lancer une nouvelle gamme de barres granola et devra l'adapter à chacun des marchés visés. Aux États-Unis, les consommateurs souhaitent des produits un peu plus sucrés. Au Mexique, les températures plus chaudes affectent le conditionnement du produit. En Grande-Bretagne la peur des organismes modifiés génétiquement (ogm) est telle qu'un produit devra en être exempt pour trouver preneur (voir encadré sur les ogm). Le rythme de vie accéléré des Nord-Américains a créé un besoin pour le "dash food". Les gens mangent dans leur voiture et 30% des enfants sont laissés à eux-mêmes à l'heure du petit déjeuner. De plus, 10% de la population est au régime à un moment ou l'autre. La recherche et développement a joué un rôle important chez Biscuits Leclerc car 75% de leurs ventes provient de produits qui n'existaient pas il y a cinq ans. De plus, il était un temps où les produits Leclerc n'étaient pas consommés avant 10 heures le matin. Le lancement d'une gamme de céréale associée à des personnages de bande dessinée de la Warner Brothers offre cette opportunité. Concurrencer des géants comme Kellogg's Co. (www.kellogg.com) est également possible selon M. Leclerc.

Les organismes modifiés génétiquement (OGM)

La controverse entourant les ogm vient d'atteindre le continent nord-américain. Les Européens, échaudés par l'épisode de la vache folle en Grande-Bretagne et des poulets arrosés de dioxine en Belgique, remettent en question les affirmations officielles selon lesquelles leurs aliments ne comportent aucun risque pour la santé. Le seul article scientifique indiquant des effets néfastes dus aux ogm a été publié dans Lancet [354, 1314 et 1353 (1999)]. Il montrait que des rats de laboratoire nourris avec des pommes de terre modifiées génétiquement développaient des anormalités. Ce résultat et le congédiement subséquent de l'auteur a généré bien des spéculations. Pour les organismes réglementaires d'homologation, les ogm ne représentent pas de risque spécifique. Ils devraientt donc être traité comme les aliments conventionnels.

Un article publié le 1er juin 1999 dans le Daily Mail de Londres par le Prince de Galles (www.princeofwales.gov.uk/speeches/agriculture_01061999.html) questionne cette attitude. Pour bien des consommateurs, le principe de précaution que l'on applique aux drogues pharmaceutiques devrait également s'étendre aux ogm. Cette demande est une hérésie pour les gouvernements américain et canadien qui financent activement la recherche et la mise en marché des ogm. La société civile n'a pas tardé à répondre et a manifesté son mécontentement à ces mêmes gouvernements lors du sommet de l'organisation mondiale du commerce (www.wto.org) à Seattle, le 30 novembre 1999.

Les mouvements de boycottage contre les OGM en Europe commencent à porter fruit de ce côté-ci de l'Atlantique (voir le site de GreenPeace pour plus d'information sur les produits alimentaires avec ou sans ogm: www.greenpeace.fr). Le 30 novembre 1999, la compagnie canadienne McCain (www.mccain.com), premier fabricant mondial de frites surgelées, a rejeté l'utilisation de pommes de terre modifiées génétiquement. La crainte des consommateurs, réelle ou fausse, a motivé la compagnie. Les compagnies Heinz (www.heinz.com) et Gerber (www.gerber.com) ont également annoncé qu'elles cesseraient d'utiliser des ogm car leurs consommateurs désirent des céréales pour bébés sans altération. Près de 60% de la nourriture traitée (emballée) que l'on retrouve dans les supermarchés canadiens contient des ogm. Les bières de la compagnie Molson contiennent des ogm. Plus de la moitié de la canola cutivée au Canada est altérée génétiquement, de même que la moitié du maïs et le quart du soya. L'huile de canola canadienne est à toute fin pratique invendable en Europe car les produits contenant des ogm ne peuvent être distingués de ceux n'en possédant pas.


ALIMENTS FONCTIONNELS ET PRODUITS NUTRACEUTIQUES
L'existence de relations entre la qualité de l'alimentation et la santé est un phénomène connu. En 500 av. J.-C., Hippocrate déclarait déjà: ''Laissez la nourriture être votre médecine''. Au-delà des vertus diététiques des aliments, les consommateurs souhaitent que la nourriture les aident à combattre les maladies chroniques liées au vieillissement. Les industries bioalimentaires ont réalisé l'importance de cette tendance. Elles recherchent les composantes alimentaires offrant des avantages majeurs pour la santé, et tente de faciliter l'accès à ces composantes sous la forme de produits nutraceutiques et d'aliments fonctionnels (voir encadré ci-dessus).

Un produit nutraceutique est fabriqué à partir d'aliments mais vendu sous forme de pilules, de poudres (potions) ou sous formes médicinales qui ne sont pas généralement associés à des aliments. Le produit s'est avéré avoir un effet physiologique bénéfique ou assurer une protection contre des maladies chroniques.

Un aliment fonctionnel est semblable en apparence aux aliments conventionnels, il fait partie de l'alimentation normale, il procure des bienfaits physiologiques démontrés et/ou réduit le risque de maladie chronique au-delà des fonctions nutritionnelles de base.

(Définitions proposées par le Bureau des sciences de la nutrition de la Direction des aliments
de Santé Canada www.hc-sc.gc.ca/hpb-dgps/therapeut/htmlfrn/ffn.html)

Ces produits se buttent à un problème légal. Au Canada, des allégations d'ordre thérapeutique voulant qu'un produit puisse guérir, traiter ou atténuer une maladie ou une affection réfèrent à une drogue. Un aliment fonctionnel soumis aux même critères de qualité, innocuité et efficacité d'une drogue serait très coûteux. Aucune compagnie bioalimentaire n'a suivi cette voie. La seule affirmation thérapeutique qui s'applique aussi bien aux aliments qu'aux drogues touche la prévention ou la réduction des risques de développer une maladie chronique. Néanmoins, la loi canadienne sur les aliments et drogues interdit la vente ou la publicité de tout produit s'il est présenté à titre de mesure de prévention.

Aux États-Unis, il est possible de faire des allégations par rapport aux aliments et aux suppléments alimentaires. La Food and Drug Administration (www.fda.gov) a mis en place un mécanisme d'approbation de ces allégations, caractérisant la relation d'une substance nutritive avec une maladie ou un problème de santé associés au régime alimentaire. Le mécanisme est moins lourd que pour l'approbation d'une drogue et doit être basé sur des avis officiels de diverses agences fédérales. Douze allégations ont été approuvées par la FDA jusqu'à maintenant (voir Tableau 1).

Tableau 1
La FDA permet l'utilisation de 12 allégations sur les étiquettes d'aliments associant des composantes de l'aliment à un risque de maladie (http://vm.cfsan.fda.gov/~dms/fdhclm.html)

Aliment ou composante d’un aliment Relation à la maladie      
Calcium   Prévient l’ostéoporose
Lipides dans un régime alimentaire Causent le cancer
Sodium Cause l’hypertension
Gras saturés et cholestérol dans un régimealimentaire   Causent des maladies coronariennes
Produits céréaliers, fruits et légumescontenant des fibres Préviennent le cancer
Fruits, légumes, et produits céréaliers ayantdes fibres (fibres solubles en particulier) Préviennent les maladies coronariennes
Fruits et légumes   Préviennent le cancer
Acide folique   Prévient des malformations du tube neural
Sucres avec groupement alcool (ex. sorbitol) Protège contre la carie dentaire
Fibres solubles dans certains aliments (avoine et enveloppe de psyllium) Préviennent les maladies coronariennes
Protéines de soya Préviennent les maladies coronariennes  
Aliments de blé entier Préviennent certains types de cancer incluant poumon, côlon, œsophage et estomac

Plusieurs de ces allégations sont très générales et ne facilitent guère la tâche aux consommateurs. De fait, le marché du nutraceutique compte plusieurs aventuriers. Un porte-parole de la compagnie française Bio-Inova (www.bioinova.com) a d’ailleurs affirmé que 40% des produits nutraceutiques mis en vente en France sont frauduleux. (Bio-Innova est une compagnie oeuvrant dans les domaines pharmaceutique et nutraceutique. Elle a annoncé la formation d’un partenariat avec la Société générale de financement du Québec pour l’implantation de son siège social nord-américain à Montréal, un projet évalué à 10 millions $.)

UN NOUVEL INSTITUT DE RECHERCHE
Les difficultés conjoncturelles de définition des aliments fonctionnels semblent être le lot d’une industrie en effervescence. Ce dynamisme s’exprime également par le côté novateur de ses applications, résultats des activités de recherche agroalimentaire. Plusieurs représentants de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval ont profité de la conférence pour faire état de l’avancement de leurs projets. La grande vedette a été le professeur Paul Paquin  (alpha.eru.ulaval.ca/stelawww/donnees/membres/francais/paul-paquin.html et oraweb.ulaval.ca/aln/owa/chercheur.index_html?P_NUMERO_ALERION=134109).

Professeur titulaire de la chaire industrielle du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (propriétés fonctionnelles des protéines sériques) au département des sciences des aliments et de nutrition de l’Université Laval, M. Paquin a présenté la création du nouvel Institut de recherche sur les aliments fonctionnels et nutraceutiques (IRAFN). Il en sera le directeur. Avec un financement prévu de 17,3 millions $, l’Institut investira près de 6 millions $ dans des équipements analytiques. Il comptera plus de 70 chercheurs et 250 étudiants aux cycles supérieurs. Il regroupera 4 unités de recherche portant sur les produits nutraceutiques, les aliments fonctionnels, la nutrition humaine et l’économie agroalimentaire.

Parmi les projets de recherche poursuivis à l’institut, il y aura la mise au point d’une boisson nutraceutique à partir de jus de fruits et de protéines laitières (Sylvie Gauthier, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/39111.html et Yves Pouliot, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/39111.html). On étudiera les mécanismes d’action d’antioxydants, obtenus d’extraits végétaux. Ces antioxydants pourront alors servir à des fins alimentaires (Dominique Michaud, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/643593.html et alpha.eru.ulaval.ca/phytowww/CV/d_michaud.html, Claude Willemot, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/103719.html, Joseph Makhlouf, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/29523.html). L’impact des méthodes de culture, pré et post récolte, sera évalué dans le but d’augmenter la valeur nutraceutique de la canneberge (Joseph Arul,  www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/32631.html, Yves Desjardins, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/198831.html, Ismaël Fliss,  www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/727947.html, Claude Willemot, Joseph Maklouf). Les acides gras conjugués, présents dans le lait, améliorent certaines fonctions immunitaires et diminuent les risques de maladies cardiaques. Quels sont les effets de l’alimentation de la vache laitière sur la composition de ces acides gras? (Yvan Chouinard, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/636381.html, et Nathalie Bergeron, www.ulaval.ca/vrr/rech/Cherc/75606.html).

BIOTEPP (BIOTECHNOLOGIES ÉCOLOGIQUES POUR LA PRODUCTION DES PLANTES)
Les multiples épandages d’insecticides ont entraîné la sélection d’insectes résistants. Pour venir à bout de ces super-insectes, il faut créer des insecticides encore plus puissants ou introduire des plantes génétiquement modifiées. Pourquoi alors ne pas utiliser des armes naturelles? Biotepp (www.biotepp.ca), compagnie de Charlesbourg (QC) avec un second laboratoire à Saskatoon (SA), offre une solution basée sur l’utilisation de virus spécifiques aux insectes nuisibles. Des virus de type baculovirus ont la propriété de s’attaquer de façon sélective à certains arthropodes, et de n’être efficaces que dans l’écozone ou aire géographique de l’insecte indésirable. Ces virus sont non agressifs envers d’autres espèces. Ils possèdent de plus la propriété d’être facile à produire en grande quantité.

Imme-Gerke, présidente de Biotepp, a présenté la stratégie de la compagnie pour développer un produit. Cela consiste à recueillir les insectes indésirables que l’on retrouve dans un écozone. Grâce à des méthodes d’échantillonnage, Biotepp est en mesure d’extraire d’un insecte porteur le baculovirus qui pourra affecter sa croissance et ultimement provoquer sa mort. Le baculovirus sélectionné est alors présenté à un élevage d’insecte pour qu’il puisse se multiplier après infection des larves. Les larves sont recueillies et forment le matériel de base pour la solution de baculovirus. Cette solution est purifiée, traitée et peut alors servir pour des épandages.

Deux produits sont actuellement à l’étude et ont été soumis aux organismes réglementaires pour homologation. Le VIROSOFTCP4 visera Cydia pomonella sur la pomme dans l’écozone 4. Il est mieux connu sous le nom de carpocapse ou ver de la pomme. Le VIROSOFTBA3 s’attaquera à Mamestra configurata sur le canola dans l’écozone 3. C’est un petit insecte ravageur, le légionnaire Bertha, qui s’attaque au canola. Biotepp espère obtenir des nouvelles positives pour l’homologation de ses produits au printemps, et commercialiser ses produits dès cet été.

 

ABK-Gaspésie était aussi une des entreprises en croissance rapide ayant un kiosque lors de Bio-Agro-Contact 1999. 

Lors du Gala des 2000, tenu à Québec, le 21 janvier dernier, ABK-Gaspésie a remporté le prix Créateur d'emplois BRONZE,  dans la catégorie Biotechnologie, tout juste derrière Les Laboratoires AEterna, prix Créateur d'emplois ARGENT,  et Anapharm, prix Créateur d'emplois OR..

 

BioEnvelop TECHNOLOGIE
Nagui Naoum
, président de BioEnvelop Technologie (www.bioenvelop.com), a surpris l’auditoire en parlant d’un emballage pour pizza congelée. Cet emballage biodégradable pourrait être laissé sur la pizza lors de la cuisson, et mangé avec la pizza ! Cette solution intégrée d’emballage est la raison d’être de BioEnvelop. Ses enduits liquides biodégradables et ses équipements d’application sont destinés à remplacer la cire synthétique, le polyéthylène et autres produits similaires à usage unique.

Fruits de recherches conduites à l’Institut national de recherche scientifique, INRS Institut Armand-Frappier à Laval (www.iaf.uquebec.ca), BioEnvelop utilisent des protéines issues des sous-produits de l’industrie laitière. Elle est en mesure de produire des films par un procédé de réticulation de ces protéines. Pour M. Naoum, cette technologie offre la possibilité de permettre de nouvelles recettes de cuisson des mets surgelés en permettant aux composantes de cuire ensemble, tout en conservant leur saveur individuelle. Une usine de production expérimentale est présentement testée au Centre de recherche et de développement des aliments (CRDA) à Ste-Hyacinthe (res.agr.ca/sthya/index.htm). En novembre 1999, elle produisait l’équivalent de 50000 L/an. En septembre 2000, une usine pilote conçue conjointement par l’lNRS-IAF, devrait produire 1 million de L/an. Une usine de production à grande échelle serait construite en septembre 2001. Le coût de la technologie ne sera compétitif avec les films de polyéthylène que d’ici deux ou trois ans.

L’AVENIR DU BIOALIMENTAIRE
Rémy Trudel
, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) déclarait lors de la dernière journée de la conférence: ‘’Dans le bioalimentaire, ou on fait un grand bond, ou on reste dans le creton.’’ (Curieusement, le ministre a répété systématiquement tout ce qu’il disait à trois reprises.) Cette interpellation voulait rappeler aux participants que l’industrie bioalimentaire au Québec représente des investissements supérieurs à 1 milliard $CDN/année.

La technologie des aliments fonctionnels et des produits nutraceutiques au Canada (www.biotech.ca/services/kitfrn.html), le nombre grandissant de compagnies impliquées dans ce domaine (strategis.ic.gc.ca/SSGF/bo01285f.html) et le suivi des investissements annoncés en transformation bioalimentaire au Québec du 1er janvier au 30 novembre 1999 (www.agr.gouv.qc.ca/ae/transfo/suivi.htm) démontrent la vitalité de cette industrie. La quatrième édition de Bio Agro Contact aura lieu à Saint-Hyacinthe, Québec, les 15, 16 et 17 octobre 2000. Elle se déroulera sous le thème de la commercialisation des biotechnologies.

 

"Le BIOAgroalimentaire à l'aube de l'an 2000", titrait le gros cartable vert, blanc et jaune de la 3e édition de ce "CONTACT" qui alterne entre Québec et Saint-Hyacinthe depuis sa création en 1997.

Prochain rendez-vous:
Les 15, 16 et 17 octobre 2000
À Saint-Hyacinthe

Thème: commercialisation des biotechnologies