Industrie du bois
L’exportation québécoise accumule les menaces

par Daniel Allard et Myriam Fimbry

 

Bien qu'on y compte plus de 1 000 scieries, la très grande majorité de la production du bois de sciage du territoire québécois provient des 174 usines que contrôle actuellement l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. Au Québec, neuf planches sur dix portent l'estampe de l'AMBSQ, la plus importante agence de classification de bois d'oeuvre du Canada.

Avec 37 605 emplois dans l'industrie en 98 et 12 513 en forêt, pour un total de 50 119, l'industrie du sciage - incluant la seconde transformation - est au coeur du développement économique du Québec. L'industrie de la transformation du bois fournit même 100% des emplois manufacturiers dans 135 villes ou villages! Nouvelle réjouissante: alors qu'en 1997 cette industrie injectait quelque 4 milliards $ dans l'économie québécoise, les chiffres (non confirmés) de 1999, avec 5MM$, montrent que la croissance est encore au rendez-vous!

"Mais attention, le Québec est maintenant dans la situation où il exploite presque 100% de sa ressource et le potentiel de croissance de l'industrie doit maintenant viser les gains en valeur ajoutée sur le traitement de la matière première. Il ne peut plus compter sur l'augmentation brute de la cueillette de bois en forêt" prévient Jacques Robitaille.

Après une carrière de presque 28 ans dans la fonction publique québécoise à des postes reliés au monde de la forêt, dont sept comme sous-ministre des Richesses naturelles, celui qui est pdg de l'AMBSQ depuis juin 98 parle avec assurance! Fondée en 1953, sans y exercer de monopole - elle comptait, fin 1999, 129 membres réguliers représentant 174 usines et 231 membres associés -, cette association regroupe maintenant la majorité des plus importants producteurs de bois de sciage du Québec.

OÙ VONT LES EXPORTATIONS QUÉBÉCOISES?

Dans quels pays cette industrie dirige-t-elle ses exportations? "Environ 60% des expéditions vont sur des marchés hors du Canada et 70% de ce 60% va aux États-Unis", résume-t-il. Mais cette réponse globale cache une distinction importante entre la destination du bois de sciage résineux du Québec, dont les exportations dépendent presque à 100% du marché américain (40,8% va au Canada et 58,2% s'exporte aux États-Unis, laissant un maigre 0,9% pour tout l'outre-mer, dont 0,5% pour l'Europe entière et même 0% pour l'Asie, en 1998) et celle du bois de sciage feuillus, passablement plus diversifiée (45,4% au Canada et 33,6% aux États-Unis, contre 17,6% en Europe, 2,2% en Asie et 1,1% en Afrique et Moyen Orient, toujours pour 1998).

Mais le pdg, ingénieur de formation, priorise actuellement un autre combat: retourner au libre accès du marché des USA, soit à la situation d'avant 1996. Ce changement de position radical, pris lors de la  dernière assemblée générale de l'association en octobre dernier, sera d'ailleurs de plus en plus dans l'actualité, car l'entente actuelle sur les quotas imposés au Québec, à l'Ontario, à l'Alberta et à la Colombie-Britannique se termine le 31 mars 2001.

"Abstraction faite du problème des quotas, les prix sont bons et les taux de change nous ont favorisé à date, mais la surchauffe est terminée aux États-Unis, et notre industrie est cyclique... et au Québec on parle d'une nouvelle Loi des forêts! Ce que l'AMBSQ dit au gouvernement du Québec, c'est faites attention aux orientations que vous allez prendre, pour ne pas rompre l'équilibre de notre industrie, qui est bien plus fragile que ne le démontrent les apparences", synthétise, trop  diplomatiquement, Jacques Robitaille. La réalité, c'est que les coups viennent de tous les côtés dans cette industrie stratégique du Québec!

AUTRES MENACES

Parmi les autres menaces: les importations de bois d'oeuvre d'outre-mer en Amérique du nord, qui ont presque doublé depuis deux ans. D'où provient ce bois? Bien sur de Scandinavie, mais aussi de plus en plus du Chili et de la Nouvelle-Zélande. "Et avec les plantations d'après-guerre en Europe, qui arrivent à maturité... ne vous inquiétez pas, la planète ne va pas manquer de bois de sitôt... et on n'a pas encore parlé des réserves de la Russie!", explique-t-il.

"Et depuis quelques années, l'Europe représente également un autre problème pour les exportateurs québécois de bois de sciage: une barrière non-tarifaire, le problème de la nématode du pin, fait que nous ne pouvons plus expédier de bois verts en Europe. Nous exportions 6% en Europe jusqu'en 1993 et maintenant, en 1999, c'est mois de 1% de nos exportations", continue-t-il.

Autre menace pour les marchés habituels de la production québécoise: les produits de substitutions (béton, plastique, et en moindre mesure l'aluminium, mais surtout l'acier). "Le lobby de l'acier aux États-Unis va mettre pas moins de 100 millions $US en 5 ans pour la promotion de l'acier dans l'industrie de la construction. Ils visent 25% du marché nord-américain. Ils font même de la publicité que je qualifie de vicieuse, avec des histoires exagérée de termites qui mangent une maison en Louisiane. Nous, on pense évidemment répliquer, avec une campagne "Wood is good-Le bon choix, c'est le bois", patronnée par le Conseil canadien du bois, dont nous sommes un important membre", ajoute-t-il.

L'acier d'ossature - pour les murs intérieurs des maisons neuves - et les blocs de béton - pour les murs extérieurs - grugent des parts de marché de plus en plus significatives sur le marché des matériaux de construction dans les maisons neuves aux États-Unis: 6,6% de plus pour l'acier et 8,5% de plus pour le béton, en 36 mois (période 1994-1997), faisant reculer d'autant les parts de marché du bois, qui sont passées pour la même période de 94% à 84,7% pour les murs extérieurs et de 98% à 92% pour les murs intérieurs.

Ajoutez les dossiers autochtones, particulièrement celui avec les Cris et la mise à jour de la Loi sur les forêts du Québec, qui date de 1986 et qui va subir son premier grand ménage en 2000, Jacques Robitaille n'a pas beaucoup de temps de loisir!

LES BONNES NOUVELLES

Tout ne va pas mal pour les exportateurs de bois du Québec! Depuis 1995, le Bureau de Promotion des Produits Forestiers du Québec (Q-WEB, pour Québec Wood Export Bureau) et qui a d'ailleurs ses bureaux avenue de Bourgogne, à Sainte-Foy, remplace l'ancien Bureau de promotion des produits du bois. Q-WEB est une osbl à caractère promotionnel et technique créée dans le but de favoriser l'exportation outre-mer des produits du bois à valeur ajoutée du Québec. Grâce à Q-WEB, l’industrie québécoise possède des bureaux au Royaume-Uni (à Ripon, dans le North Yorkshire), en Allemagne (à Aachen) et à Tokyo, en Asie. Et depuis janvier 2000, un autre bureau asiatique est en opération, à Shanghaï, en Chine. "Je vais probablement retourner en Chine en mai prochain", précise d’ailleurs Jacques Robitaille.

 

Q-WEB À TRAVERS LE MONDE

Le Bureau de Promotion des Produits Forestiers du Québec (Q-WEB) est une organisation sans but lucratif à caractère promotionnel et technique créée dans le but de favoriser l'exportation outre-mer des produits du bois à valeur ajoutée du Québec.

Québec Wood Export Bureau
979, avenue de Bourgogne
Bureau 540
Sainte-Foy (Québec)
G1W 2L4
CANADA
(418) 650-6385
(418) 650-9011
info@quebecwoodexport.com

Allemagne
Leopold W. Lükge, Directeur
Erzberger Allee 67
D-52066 Aachen
DEUTSCHLAND 
49 (0) 241 57 18 50
49 (0) 241 57 36 33

Royaume-Uni
James C. Coulson, Directeur
42 Market Place
Ripon
North Yorkshire
HG4 1BZ
UNITED KINGDOM           
44 (0) 1765 601551
44 (0) 1765 608081
coulson@tft.u-net.com
 

Dél. Gén. Québec à Tokyo
Chrys Kikuchi, Attaché commercial
Stephen May, Attaché commercial
Kojimachi Hiraoka Bldg., 5th Floor
1-3 Kojimakchi, Chiyoda-ku
Tokyo 102
JAPAN
81 (3) 3239-5137
31 (3) 3239-5140
qc.tokyo@mri.gouv.qc.ca

L’homme est aussi très fier d'être l'un des principaux artisans de la venue à Québec, en septembre 2003, sous l'égide de la FAO, du 7e Congrès mondial du bois: "Dans à peine trois ans, quelque 5000 spécialistes du bois seront à ce rendez-vous, le plus gros qu'aura connu Québec et toute l'histoire de Centre des congrès", conclut-il avec une fierté évidente.

Mais à plus court terme, l'homme se concentre aussi sur la foire Technibois 2000, la 2e Conférence annuelle nord-américaine sur le bois de sciage résineux et le 47ième Congrès annuel de l'AMBSQ, qui animeront le Centre des Congrès de Québec entre le 1e et le 6 mai prochain.

Quelques opportunités d'affaires à l'étranger

Par Myriam Fimbry

Le Sud-Est des États-Unis: un marché prometteur

Le marché de l'habitation est en forte croissance dans le Sud-Est des États-Unis. "Venez nous voir! ", conseille Louise Fortin, attachée commerciale à Atlanta (Géorgie) pour le Ministère de l'industrie et du commerce, lors d'une rencontre à Montréal avec une vingtaine d'investisseurs québécois, à l'occasion du Salon de l'habitation (29 février). Louise Fortin vit depuis 20 ans dans cette ville de 4 millions d'habitants et elle voit les projets de construction pousser comme des champignons en Géorgie. Même constat en Alabama, en Floride, en Louisiane, dans le Mississipi et dans le Tennessee. Elle souligne que le Sud-Est américain connaît la meilleure croissance continue de toute l'histoire des États-Unis. Le secteur des maisons préfabriquées est en forte progression: les investissements devraient doubler en 2008 par rapport à 1998.

Attention au style, toutefois: "Le marché du Sud est très traditionnel", prévient Louise Fortin, qui décrit des maisons aux volets verts, avec des colonnes et des meubles rustiques. Les produits naturels sont très à la mode: le marbre, le granit, un plancher de bois franc ou des carreaux de céramique plutôt que de la moquette. On préfère les matériaux faciles à entretenir, les portes et les clôtures en PVC plutôt qu'en bois. Les couleurs choisies, comme le beige, indiquent un retour à la nature. À la mode, aussi, les articles de jardin: "...dans le Sud, on peut jardiner neuf mois sur douze!". Le bois canadien de qualité et de bonne finition a une excellente réputation. La demande est forte en produits innovants que l'on ne peut pas trouver aux États-Unis.

Louise Fortin conseille enfin vivement de soigner le catalogue: "Les promoteurs en reçoivent des dizaines. Il faut que dès la page de couverture, ils reconnaissent votre produit. Indiquez les prix en dollars américains et les dimensions en pouces. Étudiez d'abord le marché et adaptez votre produit. Venez rencontrer les gens sur place. Ou si vous avez un bon contact, envoyez un échantillon gratuit. Il faut que vous facilitiez tout pour les Américains, parce que eux n'ont pas le temps."

Les occasions d'affaires au Pérou

Le secteur de la construction devrait y connaître une croissance de 6 à 7% en 2000. Actuellement, la pénurie de logements dépasse le million d'unités au Pérou; 180 000 logements sont en demande sur les marchés de Lima et de Callao. Miguel Romero, doyen du Collège des Architectes du Pérou, présent au Salon de l'habitation de Montréal, le 1er mars 2000, invitait les investisseurs canadiens à s'intéresser de près aux perspectives d'affaires dans son pays, même si les Péruviens résistent encore aux entreprises étrangères dans le domaine des nouvelles techniques de construction. D'après les spécialistes du secteur de la construction, la catégorie de logements bon marché offre les meilleures perspectives de croissance. Une grande partie du marché du logement comprend des maisons unifamiliales de un à trois étages.

Entre autres gros projets, Miguel Romero cite le programme de logements pour les travailleurs miniers à 25 km au nord de Lima, avec vue sur les montagnes de la Cordilière blanche. La compagnie Antamina prévoit la construction de 700 maisons unifamiliales de 62 à 270 mètres carrés, ainsi que d'une clinique, d'un club, d'écoles primaire et secondaire, d'une bibliothèque, d'un centre communautaire, etc. Le projet se chiffre à 2,5 milliards $US. Il existe au Pérou de grands fabricants de matériaux de construction: ciment, briques, carrelages, revêtements de sol en vinyle, tiges en fer et articles de plomberie. La plupart des autres matériaux de construction utilisés sont importés ou fabriqués par des PME péruviennes. Armoires en mélanine, portes, planchers en bois lamellé, fibociment, articles pour les installations électriques, piscines et équipements nécessaires à leur entretien, jaccuzis, douches et baignoires préfabriquées en matières plastiques figurent parmi les principales importations, qui viennent du Chili, de la Colombie, de Panama, d'Espagne et des États-Unis.

 

15,5M$ pour la construction d'une
scierie-école modèle à Duchesnay

Pour Jacques Robitaille, cette annonce récente est une bonne nouvelle: "Tout l'aspect formation est aussi une préoccupation importante de l'AMBSQ et la confirmation du projet de Duchesnay permettra à la région de Québec de continuer d'améliorer la qualité de la formation dispensée."

Comment compare-t-il le Québec à ses rivaux étrangers? "Nous sommes encore loin du modèle allemand - qu'il admire manifestement - et au niveau de la formation professionnelle en lien avec le secteur des produits forestiers, la Colombie-Britannique est en avance sur le Québec... et j'avoue qu'en France et dans les pays scandinaves, ils ne sont pas démunis non plus..." Le Québec serait-il en retard? Jacques Robitaille ne pense pas qu'il faille sonner l'alarme: "On donne une excellente formation au Cégep de Sainte-Foy, on a aussi Forintek Canada, un institut de recherche national de haute qualité", ajoute-t-il.

Même dans les scieries, l'ordinateur
est devenu plus important
que la scie elle-même!

"Dans le futur, l'expansion de la production au Québec sera faible, car notre forêt est presque exploitée à son maximum. Mais juste par les gains technologiques la production a pu être augmenté de 12% depuis 1993, surtout grâce à l'arrivée de l'informatique dans les scieries. Bien peu de gens savent qu'aujourd'hui on fait du sciage en courbe et que ce n'est donc plus l'arbre qui s'ajuste à la scie, mais la scie qui s'ajuste et maximise l'exploitation d'un arbre!"

Qu'importe le rang dans le monde qu'occupe le Québec en matière de qualité de la formation, l'École de foresterie et de technologie du bois et le nouveau centre de recherche - lieu d'enseignement, de perfectionnement et de R&D - permettront assurément d'accroître les compétences des nouveaux travailleurs face à l'avenir d'une industrie que Jacques Robitaille voit surtout du côté des nouvelles générations de "bois d'ingénierie"!

 

PROCHAINES FOIRES INTERNATIONALES IMPORTANTES EN l’AN 2000

Technibois 2000
(Québec, Canada) 4-6 mai

Carrefour international du bois
(Nantes, France) 24-26 mai

Technomueble
(Guardalajara, Mexique) 8 juillet

IWF (International Woodworking Machinery & Furniture)
(Georgia, USA) 24-27 août 

Pour en savoir plus: www.quebecforestier.com