Quand Levi Strauss a oublié le Business Intelligence

par Frédéric Turcotte
Directeur du développement stratégique
ClicNet Télécommunications Inc.

 

La 15e conférence annuelle de la Society of Competitive Intelligence Professionals (SCPI), qui se déroulait du 29 mars au 1er avril 2000, à Atlanta, était placée sous le thème de l’avantage compétitif de l’utilisation de l’intelligence. De nombreuses présentations ont repris des angles classiques de la veille tels: l’utilisation d’Internet, celle des sources secondaires, l’analyse, etc. Mais pour une des premières fois, des conférenciers ont abordé une dimension souvent oubliée: l’utilisateur de l’intelligence et comment faire en sorte de donner de la valeur au travail de Business Intelligence (BI). Ben Gilad, un vétéran de SCIP, a particulièrement approfondi cette question. Voici un bref survol de sa présentation.

Qu’est-ce que le Business Intelligence? Poser la question à un patron d’entreprise et il vous dira sans aucun doute: «Savoir ce que font les compétiteurs et connaître leurs plans».  Mais il y a bien plus, soulignent le spécialiste.

L’EXEMPLE DE LEVI STRAUSS

En 1996, la célèbre marque de jeans Levi redevient une compagnie privée sous la direction de Robert Haas. Il souhaitait, à l’époque, revigorer et restructurer la compagnie sans avoir à parler aux analystes et journalistes qui s’interrogeaient sur la perte de terrain de la compagnie. Sa gestion fut tout à fait inspirée des écoles d’administration américaines et de Harvard et la situation a continué de se détériorer. La capitalisation boursière est passée de 14 à 8 milliards $ - alors que celle de Gap augmentait de 7 à 40 MM$ -, les parts de marché passaient de 48 % en 1990 à 25 % en 1998 et 29 usines furent fermées, provoquant la disparition de plus de 16 000 emplois.

Selon l’analyse de Gilad, Levi n’a pas vu ses compétiteurs venir à l’horizon, son Competitive Blindspots comprenait les Lee, Calvin, Gap et toute une série d’autres fabriquants de vêtements qui n’étaient pas nécessairement des jeans et très présents sur le territoire américain.

Les dirigeants de Levi ont aussi commis une grave erreur: ils ont sous-estimé la défense de la marque.  Sa mauvaise lecture de l’environnement concurrentiel et du marché ne lui a pas permis de comprendre que les enfants ne portent pas ce que leur parents ont portés et ils ne font pas leurs achats aux mêmes endroits. Levi Strauss n’a pas utilisé le BI pour comprendre son environnement et aider au processus de décision. Robert Hass est resté accroché aux anciens principes d’une économie qui est en train de passer à une autre étape de son développement, de vivre une seconde révolution industrielle. L’avènement du commerce électronique et de la rapidité croissante des échanges commerciaux, du développement des produits accéléré et du regroupement de produits et de services (bundling) font en sorte de piéger de grandes sociétés que l’on croit solidement établie.

Toujours selon Gilad, dans une économie de plus en plus numérique, où les faits et gestes de la compétition et de celle à venir doivent être analysés pour projeter et anticiper leurs prochaines actions, l’intelligence d’affaires doit être une préoccupation de tous les jours.

 

Nouvelle chronique

Cette chronique prendra une nouvelle direction à partir du prochain numéro de COMMERCE MONDE. L’intelligence d’affaires continuera d’y être traité à l’occasion, mais nous élargirons le spectre de l’information stratégique au sein des entreprises pour y inclure des éléments de technologies, de «knowledge management» et de commerce électronique.  Nous espérons vous y retrouver.

Frédéric Turcotte