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Flynn, Rivard est fier et honoré de faire maintenant partie du groupe de partenaires collaborant à la publication sur internet du cyberjournal d’affaires internationales COMMERCE MONDE Québec Capitale.

Le réseau de l'étude légale Flynn Rivard représente un rayonnement qui couvre tout le territoire des États-Unis. Cette chronique va présenter, chaque fois, les enjeux légaux et juridiques d’une stratégie d’implantation étrangère dans une région américaine donnée.

QUELQUES ASPECTS JURIDIQUES DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE * (Partie II)

Par Julien Reid, avocat associé Flynn Rivard, société en nom collectif
et Sarah Marquis, stagiaire

Le commerce électronique serait-il le commerce de l'avenir? L'avènement d'Internet a ouvert une toute nouvelle avenue aux entreprises; au lieu d'offrir leurs produits par l'intermédiaire de détaillants, la popularité d'Internet a incité de nombreuses entreprises à vouloir se faire connaître par le Web.

Certaines entreprises ont choisi d'établir simplement un lieu de contact avec la clientèle, tandis que d'autres ont franchi une étape de plus en créant des magasins virtuels, et ce, dans le but de vendre leurs marchandises directement à la clientèle.

Lors de la dernière chronique, nous avons survolé la problématique reliée à la qualification de la page Web des entreprises offrant des biens sur Internet.

Ceci étant, nous pouvons avancer qu'au Québec, l'application du Code civil du Québec ("C.c.Q.") aux contrats électroniques ne posera pas de problème lorsque de tels contrats impliqueront des participants qui se trouvent tous physiquement au Québec. Par contre, et là intervient toute l'importance de la notion du lieu de conclusion du contrat, il n'existe aucune législation uniforme pour des parties ne résidant pas dans la même province ou dans le même pays lorsqu'ils concluent un contrat sur le Web.

Quand un contrat est-il formé ?

Est-ce au moment où le consommateur répond à l'offre du commerçant ? Ou est-ce plutôt au moment où celui-ci reçoit l'acceptation du consommateur ? Différentes théories ont été élaborées à ce sujet. Voici donc, très brièvement, les solutions retenues dans les divers droits nationaux.

Au Québec, l'article 1387 C.c.Q. précise les modalités suivant lesquelles les contrats sont formés.

"1387. Le contrat est formé au moment où l'offrant reçoit l'acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue, quel qu'ait été le moyen utilisé pur la communiquer et lors même que les parties ont convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires."

On constate donc que le Code civil du Québec a opté, en 1994, pour la théorie dite de la réception. L'article 1387 C.c.Q. a créé un régime général, auquel s'ajoutent des dispositions visant à préciser le régime juridique des contrats impliquant des parties à l'extérieur du Québec (voir les articles 3117 et 3149 C.c.Q. qui traitent de la juridiction internationale des autorités québécoises).

De plus, il y a lieu de tenir compte de la Loi sur la protection du consommateur ("L.P.C.") qui s'applique entre le commerçant et le consommateur qui ont leur domicile au Québec. La L.P.C. "chapeaute" le droit de la consommation au Québec, puisqu'elle est une loi d'ordre public. Toutefois, si le client n'est pas un consommateur au sens de la loi (exemple: si c'est une entreprise), c'est le Code civil du Québec qui trouve alors application, étant le régime de droit commun. Le Code civil du Québec a le mérite d'être clair sur la question !

Du côté du reste du Canada et des États-Unis, la Common Law n'offre pas de réponse précise quant au moment où le contrat est formé. Il y a deux courants qui circulent actuellement: la postal rule (courant jurisprudentiel) et la théorie de la réception (courant doctrinal). Cette dernière se rapproche de l'article 1387 C.c.Q. Cependant, l'acceptation doit non seulement être reçue mais l'offrant doit en avoir pris connaissance. En effet, la jurisprudence a maintes fois affirmé que la conclusion d'un contrat implique que l'offrant ait pris connaissance de l'acceptation.

En ce qui concerne la théorie de la postal rule, celle-ci sous-entend qu'une acceptation faite par le truchement des services postaux prend effet dès qu'elle est postée. On compare donc l'envoi d'une acceptation par courrier électronique à l'envoi d'une acceptation par la poste. Une théorie qui ne pose pas de problème lorsqu'un bon de commande est envoyé directement depuis le site Web. Mais qu'en est-il lorsque l'acheteur envoie le bon de commande par courrier électronique ? Devrait-on appliquer la théorie de la réception ou la postal rule ? La jurisprudence américaine est prédominante dans l'ensemble des contrats à distance, et elle est à l'effet que la règle applicable est la règle du postal rule. Toutefois, le courant doctrinal aux États-Unis milite fortement pour l'adoption de la théorie de la réception. Il y a lieu de souligner le projet de loi intitulé The Uniform Electronic Transactions Act qui, en date du 29 janvier 1999, en était à sa sixième version pour la présentation de l'avant-projet pour révision. Ce projet de loi a notamment pour objet de venir compléter la présente version de l'article 2 du Uniform Commercial Code et ainsi d'uniformiser le droit applicable aux contrats électroniques aux États-Unis.

Est-ce que les tribunaux québécois sont compétents pour appliquer une loi étrangère?

L'article 3149 C.c.Q. traite de la compétence des autorités québécoises en matière de litige international. À la lecture du livre Xe du Code civil du Québec, nous constatons que le code fait une distinction entre la compétence des tribunaux et la question de la loi applicable à l'analyse du cas soumis. Ainsi, un tribunal québécois peut être compétent pour entendre une cause et devoir appliquer la loi d'un autre état pour rendre sa décision.

Les dernières lignes pourraient porter à croire que la controverse relative au lieu de conclusion du contrat se trouve en partie réglée car, malgré la clarté de l'article 1387 C.c.Q., il subsiste un doute lorsque le serveur, soit du commerçant ou du consommateur, est situé dans une autre province ou même dans un autre pays. Le consommateur québécois qui fait alors affaires avec un commerçant situé au Québec, mais dont le serveur est au États-Unis, doit-il s'attendre que s'appliquent à son contrat les lois en vigueur aux États-Unis ?

La Cour supérieure du Québec, en janvier 19991 , a eu l'occasion de trancher en partie la question. En effet, le défendeur prétendait que la Cour supérieure n'avait pas juridiction pour entendre cette cause, puisque son site Web dépendait d'un serveur situé à l'extérieur du Canada. La Cour a rejeté l'argumentation du défendeur relative à l'emplacement du serveur à l'extérieur du Canada. Selon la Cour supérieure, le défendeur était résidant au Québec. Il ne pouvait, conséquemment, se cacher derrière le fait que son serveur était situé à l'extérieur du Canada pour éviter les conséquences légales de la réclamation contre lui. En effet, la Cour supérieure se base sur le fait que le demandeur et le défendeur ont leur résidence au Québec, que les affaires qu'ils traitent ensemble sont situées au Québec. Tous ces facteurs sont, selon la Cour supérieure, suffisants pour lui conférer juridiction et la question relative à l'emplacement du serveur, quoique discutable, devient par conséquent une question purement académique.

Les tribunaux, tant en France qu'aux États-Unis, ont reconnu que l'emplacement du serveur dans une juridiction spécifique est un lien suffisant pour intenter une action dans cette juridiction. Nous constatons, par conséquent que la question n'est pas définitivement réglée au Québec.

[1]       Investors Group inc. c. Hudson, [1999] R.J.Q. 599 (C.S.)

*        Les opinions contenues dans le présent texte ne lient que les auteurs et ne peuvent constituer une opinion juridique.