Quand les maires de banlieue chiâlent par électoralisme…
par Benoit Routhier
 

Une foule de maires du Québec tremblent, ces temps-ci, de crainte de perdre leur job! Le Livre blanc de la ministre déléguée aux Affaires municipales, Mme Louise Harel, préconisant la création de communautés métropolitaines pour les régions de Hull, Montréal et Québec et suggérant, dans un deuxième temps, la fusion de plusieurs municipalités, a semé la terreur dans les banlieues.

Si bien que dans la banlieue de la capitale plusieurs conseils municipaux ont décidé de tenir une consultation dont on peut questionner l'honnêteté.

D'abord, la consultation ne porte pas sur l'opportunité de réaliser des fusions, quelles qu'elles soient. Les élus de ces villes font porter la consultation sur une proposition du maire de Québec, M. Jean-Paul L'Allier, de créer deux villes dans la région métropolitaine de recencement (RMR), une sur la Rive-Nord, l'autre sur la Rive-Sud. C'est ainsi que les citoyens de Sainte-Foy, de Charlesbourg, de Vanier, de Beauport et quelques autres ont été appelés à dire s'ils désirent que leur ville se fusionne à Québec.

Mais avant de tenir la consultation, les administrations municipales ont pris bien soin d'expliquer à leurs citoyens que le seul but que M. L'Allier vise avec son projet, c'est de s'accaparer de la richesse de la banlieue pour payer son immense dette due à une mauvaise administration.

Lavage de cerveau!
Après ce lavage, imaginez le résultat de la consultation! Aussi bien demander aux banlieusards s'ils acceptent de donner leur portefeuille et leur porte-monnaie à l'administation de la Ville de Québec...

D'ailleurs, cette proposition de deux villes et une communauté n'est pas la meilleure de M. L'Allier. Imaginez: deux villes surmontées d'un organisme supramunicipal. Le maire qui présidera ce dernier organisme dirigera l'autre!

Faire porter la consultation sur une telle proposition, en insistant sur les comparaisons entre la situation financière de Québec et la banlieue, c'est assez "politicailleur" merci! Il n'y a qu'à regarder et lire les éditions spéciales que des villes comme Sainte-Foy et Charlesbourg ont fait parvenir à leurs électeurs. Le dossier fusion de Charlesbourg, par exemple, répond aux arguments du maire L'Allier en faisant constamment référence aux difficultés financières de Québec.

Quand Québec dit que la fusion des 13 villes de la CUQ créera une nouvelle ville plus forte pour faire face à la mondialisation, la concurrence et le développement économique, Charlesbourg répond que le maire de Québec ne cherche qu'à régler ses problèmes budgétaires et réduire sa dette en redistribuant les coûts plutôt élevés de son administration.

Québec dit que la mise en commun des services et des équipements municipaux engendrera des économies importantes! Charlesbourg écrit que Québec tente de s'approprier une part démesurée de la richesse de la CUQ afin de répartir les coûts de son administration et accroître ses revenus.

Québec dit-elle que la fusion amènera une meilleure vision d'ensemble du développement et réduira la concurrence entre les villes! Charlesbourg réplique que le maire L'Allier veut imposer sa vision du développement de la région, laquelle fut développée en fonction des intérêts propres de la Ville de Québec et au détriment du dynamisme des autres villes de la CUQ et que Québec souhaite éliminer la saine concurrence.

Québec dit que sa proposition " Deux villes, une communauté " donnera un élan de développement économique en plus de solutionner des problèmes d'aménagement du territoire, d'identification des priorités et de gestion des équipements municipaux! Charlesbourg écrit que Québec "vise principalement à régler les problèmes financiers de la Ville de Québec".

Haute démagogie!
Tous les maires de banlieue font de la démagogie quand ils répliquent à Québec qu'ils n'ont pas à payer pour la mauvaise administration passée de la capitale. Ils savent très bien que Québec, parce qu'elle est une ville-centre, paie pour une foule de services dont bénéficie la banlieue sans débourser. Pourtant, les citoyens de Québec sont plus pauvres que ceux de la banlieue.

Et quand ces maires accusent M. L'Allier d'égoïste qui ne pense qu'à profiter de la banlieue au bénéfice de Québec, oublient-ils que le maire de Québec est résidant de Sainte-Pétronille, à l'Ile d'Orléans, et qu'à l'automne 2001 il ne sera plus maire de Québec? Ses motivations sont autres. Il a une vision de Québec capitale et de Québec région.

Chiâlage calculé?
Tout ces maires de banlieue crient en fait pour pas grand-chose, car le gouvernement n'ira jamais imposer des fusions aux villes d'une certaine importance démographique! Il fera deux choses. Il remplacera la CUQ par une communauté métropolitaine qui aura la région métropolitaine de recensement comme territoire. Puis, il étouffera financièrement les municipalités de 5 000 citoyens et moins, ce qui les forcera à se regrouper à d'autres. Le gouvernement ne fera alors qu'utiliser la même méthode employée par le gouvernement libéral lors des fusions qui ont donné naissance aux Charlesbourg et Beauport actuelles.

Mais ce sera un bon pas. De couper des subventions à des municipalités qui les reçoivent uniquement parce qu'elles sont petites, et qu'elles restent petites parce qu'elles ne veulent pas perdre ces subventions, c'est de la bonne gestion.

Fusionner des villes comme Sainte-Foy, Charlesbourg, Beauport et bien d'autres qui possèdent une population importante ne servirait par ailleurs pas à grand-chose. Ce serait surprenant que ça améliore les services et c'est presque certain que ça ne coûterait pas moins cher. Et au gouvernement on sait trop les conséquences d'imposer des fusions à ces municipalités.

Par contre, la création d'une communauté métropolitaine serait une bonne manière d'en arriver à faire payer par la région les coûts des équipements et des services qu'offre la Ville de Québec et dont la population de toute la région métropolitaine de recensement profite. Question de justice. Et ça stimulerait le développement économique de la région qui pourrait s'assurer d'une plus grande visibilité au niveau international.

Mais les maires de la CUQ sont déjà ouverts à participer aux coûts de ces services. Alors pourquoi chiâlent-ils, sinon pour se faire du capital politique en vue des élections de cet automne et de l'an prochain?