TV interactive
ZAQ joue parmi les grands

par Daniel Allard

 

La «iTV» s’en vient et attention à votre portefeuille! Bientôt, l’écran de votre téléviseur ne fera pas que vous présenter la dernière conquête de Tiger Woods sur un quelconque terrain de golf; en même temps, une petite icône « cliquable » vous permettra un «surf» de commerce électronique B2C avec lequel l’achat de l’équipement de golf en pleine action ne sera pas plus loin que le bout de vos doigts. À moins que la flèche de votre moniteur ne change de couleur directement en passant sur le pantalon de Mr. Woods et que cette transaction vous intéresse davantage!

Bientôt, ce n’est pas dans un an. L’entreprise montréalaise ZAQ livre ses premiers produits iTV à Vidéotron à la fin septembre. On y est, quoi! Mais pas moyen d’en savoir plus pour l’instant. Paul Allard, le pdg de ZAQ, apprend vite à se faire prudent. L’entreprise qu’il a co-fondée avec Michel Caron en 1995 est inscrite à la Bourse de Montréal depuis le 15 août. Même s’il considère qu’il est en excellente position, il refuse tout triomphalisme.

Après cinq ans en affaires dans le monde de l’Internet, le tandem Allard-Caron a touché un peu à tout et maintenant il se donne une mission d’entreprise avec un focus très précis : ZAQ Solutions Interactives, de son nom complet, ne fait dorénavant que dans la convergence télévision-Internet. L’accès à Internet via la télévision, la iTV, la télévision interactive.

Qu’est-ce que de la TV interactive? La iTV va permettre d’offrir des services à valeur ajoutée aux téléspectateurs. Ce n’est donc pas la TV sur Internet, ni la vidéo sur demande et encore moins le Web sur la télé. En clair, la iTV c’est essentiellement de déployer le commerce électronique - de plus en plus présent sur le Web – à la télévision.

Dans ce marché en pleine émergence, ZAQ s’occupera du développement d’applications et de services, qui seront vendus aux opérateurs de réseaux, les MSO (Multiple Services Operators). ZAQ sera producteur de contenu uniquement dans le domaine des jeux (Games), comme pour ce qui a déjà été fait pour Loto-Québec avec la loterie sur cédérom Les Trésors de la tour. Un contrat de l’ordre du million $, qui aura permis à ZAQ de participer à une première mondiale et d’obtenir rapidement une visibilité internationale.

 

UN MARCHÉ EN PLEINE ÉMERGENCE

«La iTV va s’implanter aux USA deux fois plus vite qu’Internet, soit en 3 ans, plutôt que 5-6 ans», croit Paul Allard. «Et représentera un marché de 63 milliards $US en 2010 aux USA», poursuit-il en citant comme source Paul Kagan Associates (fév. 2000). Le géant Microsoft a récemment investi 600 M$US dans Rogers pour justement développer la iTV. En 2005, il y aura plus d’Européens qui utiliseront la iTV, plutôt qu’un PC, pour naviguer sur le Web!

Mais la statistique la plus importante, pour Paul Allard, c’est que 25% des foyers américains n’auront jamais d’ordinateur à la maison (selon Volpe Technology Group-Mars 2000). «Il y a ici une niche importante pour offrir une valeur ajoutée sans devoir changer les habitudes des gens. La iTV sera l’outil de prédilection qui aura le plus de pénétration pour le B2C. Ce sera la plate-forme de prédilection. Même en Chine continentale, la télévision atteint 92% de pénétration. En occident, c’est 99%», analyse-t-il.

Qui va gagner, dans la guerre du commerce électronique, entre le PC et la TV? « Les deux », répond Paul Allard. Le PC sera la principale porte pour le B2B (Business to Business), le commerce électronique d’entreprises à entreprises, et la TV le sera pour le B2C (Business to Consumers), le commerce électronique du type entreprises à consommateurs.

De toutes façons, pour ZAQ, l’aboutissement des batailles technologiques n’a aucune importance. « Notre clientèle, c’est les MSO (Multiple Services Operators), et qu’ils soient câble, satellite, télécom, nos produits seront toujours compatibles», rassure le pdg. Et des MSO, Vidéotron et Rogers de ce monde, il y en a beaucoup plus qu’on pense. Seulement sur le marché nord-américain, il y aurait pas moins de 13 000 opérateurs de réseaux!

ZAQ ne sera évidemment pas seul dans le marché de la iTV. Il y a présentement 5-6 joueurs respectables dans le monde dans ce domaine actuellement. ZAQ a déjà la chance de savoir d’où viendra la compétition: essentiellement de la Californie et de Londres, au Royaume-Uni, ironiquement grâce aux opérations passées de Vidéotron dans ce pays européen. Les noms de ces joueurs à surveiller sont encore peu connus du grand public :

  • Wink (USA)

  • Respond TV (USA)

  • NDS (UK)

  • Worldgate (USA)

  • Canal + (France)

  • Liberate (USA)

  • Power TV (USA)

  • Open TV (USA)

«Et il y a aussi Microsoft, un joueur toujours à retenir, parce qu’ils ont beaucoup d’argent», précise Paul Allard.

 

ZAQ N’A AUCUN COMPLEXE DEVANT SES COMPÉTITEURS

Faut-il croire en ZAQ? Sera-t-elle profitable un jour? «Le marché sera de 3 à 6 milliards $US, en Amérique seulement, d’ici 2-3 ans et il y aura 7-8 joueurs. ZAQ ne sera pas le dernier du groupe. Alors faites vos propres calculs…» a vite répondu Paul Allard à un «avocat du diable» de la salle. Mais devant la trentaine d’investisseurs et de journalistes ayant répondu à leur invitation à dîner, le 24 août dernier, dans un restaurant de Sainte-Foy, les trois représentants de l’entreprise, après des présentations similaires à Toronto et à Montréal, n’ont pas voulu faire miroiter des recettes faciles et immédiates: «ZAQ sera rentable dans une vision à moyen terme. Pas de profit avant trois ans», a bien spécifié Yves Simard, le v-p finances et relations avec les investisseurs.

En juillet 2000, l’entreprise a complété un financement privé de 17,5 M$ impliquant, entre autres, Rogers Communications Inc., ainsi devenu un investisseur stratégique de ZAQ, avec 9% du capital. Mais l’éventuel « joint venture » avec la multinationale de Singapour SKL International Holdings Ltd., négocié dans le cadre de la même opération de financement et qui offrait des portes vers l’Asie, ne fait finalement pas partie des acquis. SKL n’a toujours pas rencontré ses engagements de convention de souscription. «Mais ils continuent encore de nous envoyer des Email pour dire qu’ils sont à constituer le financement nécessaire», explique le pdg qui a pour l’instant mis une croix sur cette porte asiatique.

Pour entreprendre une nouvelle étape de son plan d’affaires «…qui la conduira vers des alliances, des partenariats et des acquisitions lui permettant de renforcer son offre dans le domaine…», l’équipe de ZAQ avait aussi décidé de faire un appel public à l’épargne. D’une valeur initiale de 1$ lors de son lancement, le 15 août 2000, l’action de ZAQ s’échange actuellement autour de 5$ sous le symbole «ZAQ». Précisément 79 074 294 de ses actions de catégories A ont alors été inscrites à la Bourse de Montréal. ZAQ avait choisi de devenir une société publique grâce à une opération boursière de type RTO (Reverse Take Over) négociée avec les dirigeants de Ressources Plexmar, une minière qui a cédé le contrôle des actions de sa filiale à part entière 3730077 Canada en échange, finalement, de 8% de celles de ZAQ inc.

Bien financée, l’entreprise a aussi l’avantage d’opérer dans la métropole québécoise: «L’avantage d’être à Montréal, c’est de n’avoir besoin que de 15M$ pour réussir, plutôt que 50M$ si nous étions à San Francisco», ne se gêne pas pour dire Paul Allard, un gradué en génie de l’Université Laval, originaire de Québec, ville où sa famille habite encore et où son entreprise compte par ailleurs beaucoup d’investisseurs.

Allier la force d’attraction de la télévision avec la puissance commerciale de l‘Internet semble une irrémédiable formule gagnante. Mais tous ces atouts de ZAQ garantissent-ils le succès?

«Pourquoi ZAQ? D’abord pour l’équipe répond immédiatement le pdg. Pierre Boivin, l’actuel président du c.a. qui vient de remplacer Claude Castonguay après trois ans à ce poste, passe dix heures par semaine avec nous. Tous les membres de notre conseil d’administration sont personnellement actionnaires», précise-t-il aussi en guise de qualité de leur engagement. Paul Allard aime aussi le riche carnet d’adresses d’Anthony R. Moore, administrateur du c.a. de ZAQ, mais aussi vice-président de Summer Lightning et cofondateur et associé-dirigeant de Moore, Clayton & Co.

Pour réussir, l’équipe a aussi pris la décision de se donner une structure corporative à deux têtes. D’abord parce qu’elle préfère ne pas mélanger les volets conception et commercialisation. Ensuite parce qu’elle a bien l’intention de démontrer rapidement sa capacité à générer des revenus avec ZAQ Technologies. ZAQ inc. possède donc à 100% les sociétés ZAQ.iTv inc. et ZAQ Technologies inc., respectivement sous la responsabilité de Pierre Rinfret et de Pierre Poirier. Environ 65 personnes travaillent actuellement pour le groupe.

www.zaq.com