Accès Pérou
Portrait de la situation politique

par Manuel Delfin,
dir. du bureau du Québec à Lima
(collaboration spéciale)

(Lima) Le Pérou vit une période turbulente. Il traverse une tempête politique qui menace la stabilité économique et sociale que le pays avait réussi à rétablir après plus de 10 ans de sacrifices.

Tout a commencé par l’annonce de la candidature controversée du président Fujimori à un troisième mandat présidentiel; selon la nouvelle constitution, le président peut être réélu pour seulement deux mandats consécutifs, mais la nouvelle constitution ayant été votée après le premier mandat du président, celui-ci  n’entre donc pas en ligne de compte.

L’opposition avait alors proposé la réalisation d’un référendum afin que le peuple puisse décider si le président Fujimori avait le droit de se présenter aux élections ou non. Mais cette motion n’a pas obtenu les votes nécessaires au congrès.

Durant la campagne préélectorale, les observateurs internationaux et les partis de l’opposition ont souligné de nombreuses irrégularités. Le processus continua son cours et Alberto Fujimori et Alejandro Toledo obtinrent les votes nécessaires pour passer au deuxième tour électoral. Le deuxième tour des élections fut encore une fois marqué par des irrégularités.

M. Fujimori a gagné les élections, ce qui a provoqué des protestations et l’annonce d’une marche pacifique organisée par les partis d’opposition, "La Marcha de los Cuantro Suyos", que vous avez sûrement pu voir à la télévision. Les protestations se sont concentrées durant les trois jours précédant la proclamation officielle au congrès du nouveau mandat du président Fujimori, soit le 28 juillet 2000. Les manifestations pacifiques sont finalement devenues violentes puisque dans le centre ville de Lima, il y a eu des affrontements entre les manifestants et la police: quatre personnes sont mortes asphyxiées dans l’incendie provoqué d’un bâtiment de la Banque Nationale du Pérou et plusieurs autres ont été blessées.

L’Armée péruvienne a ratifié la présidence de M. Fujimori. La cérémonie de ratification du président en tant que chef de l’armée se tient normalement après le 28 juillet, mais cette fois-ci la cérémonie s’est tenue avant.

Une importante délégation de l’OEA (Organisation des États Américains) a visité le Pérou à la fin du mois de juin. La mission comptait sur la participation de Loyd Axworthy, président de l’Assemblée générale de Windsor, et du secrétaire général de l’OEA, M. Gaviria. Un agenda d’activités a été présenté pour renforcer la démocratie au Pérou. La délégation a présenté son agenda au président Fujimori, à l’opposition et aux représentants de la société civile.

Après la mission, une commission permanente de l’OEA s’est installée à Lima pour faire le suivi des activités proposées par l’OEA et acceptées par tous les partis lors de la visite de la délégation. La commission permanente présidée par M. Latorre travaille en étroite collaboration avec le défenseur du peuple M. Santisteban. Autour de la table des négociations, on retrouve des membres du parti du président Fujimori, des membres de l’opposition et des représentants de la société civile.

Suite à l’installation de la table de négociations de l’OEA, un incident important est venu marquer l’environnement politique du Pérou au mois de septembre: l’apparition dans les médias d’un vidéo qui montre le chef du service d’intelligence nationale du Pérou, Vladimiro Montesinos (un des plus proches conseillers du président) donnant un pot-de-vin à un nouveau membre du Congrès de l’opposition, afin qu’il passe dans les rangs du parti de M. Fujimori. Cet incident est à l’origine d’une cascade d’événements commençant par l’annonce du président Fujimori d’écourter son mandat présidentiel. Des investigations ont par la suite débuté afin d’en connaître plus sur les activités illicites de Vladimiro Montesinos et de ses collaborateurs.

Les négociations autour de la table de l’OEA à Lima sont passées par des hauts et des bas. Le plus important accord entre les membres du gouvernement, les membres de l’opposition et ceux de la société civile a été l’accord sur la tenue de nouvelles élections présidentielles le 8 avril 2001.

Après l’annonce du président Alberto Fujimori de raccourcir son mandat, Vladimiro Montesinos est parti se réfugier au Panama pour revenir au Pérou un mois plus tard, le gouvernement du Panama ne lui ayant pas donné le statut de réfugié. Rapidement, le président Alberto Fujimori a remplacé les chefs des Forces armées afin d’assurer la sécurité nationale et de minimiser les possibilités de coup d’État. Parallèlement à cela, il a lancé une opération pour capturer l’ancien chef du service d’intelligence national qui est toujours introuvable (un avis de recherche international a été lancé).

Malgré les menaces de coup d’État, le mécontentement des politiciens de l’opposition et de la population, le gouvernement continue de travailler. Un nouveau programme de relance de l’économie a été mis en place, le programme de privatisation a repris, un accent particulier a été mis sur l’agriculture. Le ministre de l’Économie, Carlos Bolona, a annoncé que son ministère continuera avec ses politiques et actions pour assurer la stabilité économique du pays.

Suite à de nombreuses rumeurs et aux déclarations des différentes personnalités représentant le secteur politique et économique, le 19 novembre 2000, le président du conseil des ministres, Federico Salas, a annoncé en compagnie de Ricardo Marquez, deuxième vice-président, et de Carlos Bolona que le président Alberto Fujimori avait démissionné.

Des analystes politiques considèrent que le président Fujimori était un obstacle dans le processus de démocratisation du Pérou. Selon les spécialistes, un scénario envisageable était la démission des vice-présidents et un probable avancement de la date des élections, décision que devra prendre Valenti Paniagua, nouveau président du congrès péruvien, après la démission des vice-présidents.

Dans les prochains mois, d’importantes décisions seront prises afin d’assurer la stabilité politique et économique du pays et prépareront le terrain pour la tenue de nouvelles élections.