Nordicité: un bilan tiède pour 2001

par Daniel Allard

 

Les promoteurs du concept d’un rendez-vous biennal sur la nordicité à Québec devront beaucoup travailler, dans les deux prochaines années, s’ils veulent reconduire le Sommet mondial de la nordicité. Après le premier rendez-vous de l’hiver 1999, et la version ajustée de l’accueil du Congrès international des villes d’hiver tenu à Québec en 2001, le 3e Sommet mondial de la nordicité est prévu pour 2003. Mais les résultats de 2001 donnent à réfléchir, du moins pour ce qui regarde l’affluence des participants.

Les organisateurs ont bizarrement soutenu, jusqu’aux derniers moments, qu’ils attendaient entre 300 et 400 participants. Une publicité dans la revue spécialisée Winter Living d’octobre 2000 parlait même de 650 participants! Or il fut impossible de trouver une salle de conférence avec ne serait-ce que 100 personnes présentes! Où étaient donc les participants? Tous à jouer dehors et à profiter du Carnaval de Québec? Cette question a hanté les murs du Centre des congrès de Québec pendant les quatre jours de l’événement. Le thème de ce congrès de l’Association des villes d’hiver avait pourtant beaucoup à offrir. Entre le 30 janvier et le 2 février 2001, une quarantaine de conférenciers se sont succédés pour étudier Les changements climatiques et leurs impacts sur les communautés du Nord.

Qu’est-ce, d’abord, qu’une «ville d’hiver»? La définition de Patrick Coleman, le président de Winter Cities Association of North America est simple: les villes où la température moyenne en janvier est sous zéro degré.

En discours d’ouverture, le ministre de l’Environnement du Québec, qui était alors Paul Bégin, a fait connaître les ambitieuses intentions du Québec en matière de lutte au réchauffement de la planète. Le ministre a d’abord rappelé que lors de la conférence de Kyoto en 1997, «...suite aux pressions exercées par le Québec, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6% au-dessous du niveau mesuré en 1990, d’ici l’année 2012» et qu’il «...importe maintenant que cet objectif soit partagé de façon équitable et dans les meilleurs délais entre les provinces et territoires.»

Il a fait savoir qu’à cet égard, les ministres canadiens de l’Environnement et de l’Énergie avaient décidé, en octobre dernier à Québec, de mettre sur pied un groupe de travail pour étudier cette question et proposer aux ministres des scénarios de répartition de l’objectif canadien sur une base territoriale et sectorielle.

Toujours en octobre dernier, le gouvernement du Québec a pour sa part publié un premier plan d’action qui propose plus de 30 mesures. On sait maintenant qu’un Programme obligatoire d’inspection et d’entretien des véhicules sera implanté par phases à compter de 2002. On favorisera par plusieurs moyens, l’utilisation du transport en commun, le développement de technologies de propulsion plus propres, l’initiation des conducteurs de véhicules lourds à de meilleures pratiques de conduite. Voulant lui-même donner l’exemple, le gouvernement du Québec veut augmenter de 20% l’efficacité énergétique des bâtiments publics et celle de sa flotte de véhicules. «Et c’est ici dans la Capitale Nationale, siège du gouvernement du Québec, que débuteront nos efforts» a assuré le ministre québécois.

Il a aussi expliqué qu’une nouvelle tentative de résoudre les différends internationaux concernant la lutte aux changements climatiques aura lieu, du 21 mai au 1er juin, à Bonn, en Allemagne. En novembre dernier, les débats à la Conférence internationale sur les changements climatiques, tenus à La Haye, s’étaient terminés dans une impasse. D’ici là, la poursuite des travaux de préparation à la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto a d’ailleurs conduit le ministre de l’Environnement du Québec à inviter les pays francophones à venir à Québec pour participer à un atelier de formation sur les projets admissibles au mécanisme de développement propre. Un atelier qui se tiendra sous l’égide de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie et qui devrait avoir lieu au cours du mois de mars 2000, à Québec.

QUÉBEC EN RETARD FACE À TORONTO ET OSLO

La conférence du biologiste Claude Villeneuve a d’ailleurs montré qu’il importe de regarder ce qui se fait hors-Québec. En avance sur une ville comme Québec, la ville de Toronto a déjà son «Toronto Atmospheric Fund» (TAF). Même chose pour la ville européenne d’Oslo, qui a un fonds permettant de générer, chaque année, pas moins de 10 millions $US afin de financer des projets de lutte à la pollution.

Des initiatives municipales avant-gardistes qui pavent pourtant une voie incontournable pour l’ensemble des villes de la planète. Il faut savoir que toutes les «Villes d’hiver» de la planète sont inscrites à l’Annexe 1 du Protocole de Kyoto et qu’à ce titre, elles vont devoir payer pour réduire leurs émissions polluantes afin de permettre aux pays en développement de disposer d’une marge de croissance.

L’avenir sera très bientôt fait d’émissions généralisées de «quota de GES» (Gaz à Effet de Serre) et de marchandage des droits et des propriétés de tels quotas. Déjà des «bourses de SO2», et plus récemment aussi pour le CO2, existent sur Internet et concrétisent un véritable marché des «droits de pollution». Une nouvelle arène du monde de la finance dans laquelle une compagnie de la région de Québec compte bien avoir un rôle significatif, d’ailleurs. Invités à présenter l’état de leur technologie, les représentants de CO2 Solution Inc., ont profité du congrès des villes d’hiver pour mousser leur approche misant sur la récupération et le recyclage des gaz CO2.  

EXPORTATION MASSIVE D’EAU

Questionné à propos d’un sujet délicat: l’exportation massive d’eau douce du Québec, le conférencier Jean Burton a été très clair. «L’exportation? Ca dépend où l’on capte cette eau. Si c’est en surface, à partir des rivières sur la Côte Nord, pas de problème. J’ai aucun problème avec ça» a répondu l’expert du fleuve Saint-Laurent. Une déclaration dont peut se réjouir ce maire de Sept-Iles, qui a un projet d’exportation en ce sens. Mais Jean Burton ne verrait pas l’exploitation des eaux des Grands Lacs sous un oeil aussi positif. Même si les cinq Grands Lacs totalisent ensemble 23 000 kilomètres cube d’eau douce et que le lac Supérieur à lui seul est le deuxième plus grand au monde en volume d’eau douce, il faut toujours garder à l’esprit que la pluie ne renouvelle que 1% de toute l’eau des Grands Lacs annuellement.

Toujours concernant le système Saint-Laurent - Grands Lacs, monsieur Burton a expliqué pendant sa conférence que depuis l’été 2000, les bateaux réduisent volontairement leur vitesse entre Montréal et Sorel pour protéger les berges environnantes. De nouvelles pratiques plus écologiques pas si évidentes que cela en a l’air, car pour soudainement aller à basse vitesse, certains navires doivent changer le type de carburant qu’ils utilisent. Mais cet obstacle n’a pas fait reculer les compagnies maritimes, qui ont largement répondu positivement à cette initiative. Preuve que la sensibilité environnementale de tous les usagers du Saint-Laurent est grandissante.

LA ROUTE EXPÉRIMENTALE DE LA FORET MONTMORENCY

La visite technique de la route expérimentale à la Forêt Montmorency aura permis à une vingtaine de participants de découvrir un aménagement scientifique au coeur de la nature québécoise. Dans cette zone à peine à une heure de route au Nord de Québec, avec un 0,5 degré, la température annuelle moyenne est tout près du point de congélation. C’est là qu’un groupe de chercheurs universitaires ont installé une route d’un kilomètre de long, de 10 mètres de largeur et de 2,5 mètres de profondeur, qui inclut aussi un pont de bois.

Le Site Expérimental Routier de l’Université Laval (SERUL) a été construit à partir de l’automne 1999 et est ouvert depuis l’automne 2000. Un partenariat avec la compagnie forestière Daishowa garantit son exploitation pour 10 ans. Les lourds camions forestiers mettent à rude épreuve cette portion de route criblée de capteurs, de senseurs et d’outils d’analyse qui nourrissent en données les expériences en cours.

OUJÉ-BOUGOUMOU, UN SUCCÈS DU NORD

Oujé-Bougoumou (www.ouje.ca), c’est le nom d’un village amérindien de la Nation Cris du Nord québécois bâti de zéro durant les années 90. Le choix de relocaliser cette population, à 740 km au nord de Montréal, sur un nouveau site, près du lac Opemiska, mena à construire 125 unités d’habitations en ayant la possibilité de penser à tout. Plus bel exemple: un réseau de conduite d’eau assure les besoins de chauffage pour 600 personnes en récupérant le bran de scie, un déchet industriel d’une usine toute proche, pour en faire une source d’énergie durable.

L’ensemble de ce concept a d’ailleurs attiré l’attention des Nations Unies qui lui accordèrent un prix «We The Peoples» en 1995. Un succès qui n’a pas été unique, car la réussite des habitants d’Oujé-Bougoumou faisait aussi partie du Pavillon du Canada, à l’Expo 2000 d’Hanovre, en Allemagne, l’été dernier. Autant d’éléments que le conférencier Abel Bosum, du Grand Conseil des Cris, était fier de partager avec son auditoire.

L’exemple d’Oujé-Bougoumou pourra-t-il inspirer les constructeurs de villes du Nord de l’avenir, face au nouveau défi des menaces du réchauffement planétaire? Dans une des conférences, des diapositives présentant l’Arctique d’ici 50 à 70 ans révélaient des changements ahurissants. Selon ces projections, il ne restera qu’un bout de glace, dans cette zone particulièrement fragile de la planète, comparativement à la situation actuelle. Si l’on est d’accord avec l’idée que «l’Arctique est un système d’alerte avancée pour l’environnement de la planète», avancée par Yvan Pouliot, le président du c.a. du Sommet mondial de la nordicité en allocution d’ouverture du congrès, il faut s’attendre à vivre dans un tout autre monde.

AU JAPON EN 2002

Le prochain rendez-vous des membres du Winter Cities Conference est donné au Japon, à Aomori, du 7 au 10 février 2002, sous le thème général «Environment, Culture & Lifestyle» Fostering Vibrant Northern Living. Un autre réseau du monde du froid, celui du Northern Intercity Conférence of Mayers (NIC) Conférence des maires des villes nordiques sera aussi de la partie pour des assises officielles. Il en sera de même pour le 8e International Winter Expo, un événement biennal qui avait été tenu à Montréal, en 1992.

http://www.city.aomori.aomori.jp/wcc2002/

Dans l’intervalle, quelques jours plus tôt et toujours au Japon, le XIe Congrès international de la Viabilité hivernale de l’Association mondiale de la Route (AIPCR) se tiendra à Sapporo, du 28 au 31 janvier 2002. Ce choix du «pays du soleil levant» pour ces rendez-vous du monde de l’hiver et du froid durant l’année 2002 est d’ailleurs tout à fait pertinent, car il faut savoir que les zones froides et enneigées concernent environ 60% du territoire du Japon!

http://www.piarc-sapporo2002.road.or.jp

22 villes de 10 pays sont membres du Winter Cities Conference
Trois villes du Canada:
Prince George,Winnipeg et Yellowknife
Sept villes de la Chine:
Changchun, Harbin, Jiamusi, Jilin, Jixi, Qiqihar et Shenyang
Trois villes du Japon:
Aomori, Sapporo et Takikawa
Trois villes de Suède:
Kiruna, Lulea et Stockholm
Nuuk
, au Danemark (Groenland)
Maardu, en Estonie
Taebaek, en Corée du Sud
Ulan Bator, capitale de la Mongolie
Tromso, en Norvège
Anchorage, capitale de l’Alaska, USA

UNE NORDICITÉ CONTAGIEUSE
DU GOLF SUR LA BANQUISE À RIMOUSKI EN 2002
UNE PREMIERE EN AMÉRIQUE

Le concept de la nordicité entend aussi l’acclimatation à l’hiver. Une réalité qui pousse à l’audace. La recherche de l’adaptation au froid va pousser des gens de Rimouski, une ville côtière dans l’est du Québec, à offrir l’hiver prochain un véritable parcours de golf de neuf trous sur la banquise du fleuve Saint-Laurent.

Rimouski deviendra ainsi le deuxième endroit dans le monde, après le Groenland, où la pratique du golf sera possible en plein hiver. Une compétition sportive y aura d’ailleurs lieu du 22 au 24 février 2002. Une première du genre en Amérique du Nord, grâce à l’initiative de l’Agence de commercialisation touristique Québec maritime et son partenaire, l’Office du tourisme et des congrès de Rimouski.

Les organisateurs s’inspirent de l’exemple d’une petit village du Groenland, où se tiendra cette année le 3e Championnat mondial de golf sur glace, une manifestation sportive qui n’accueillerait que 40 joueurs, à cause de la capacité d’accueil très limitée du village hôte.

Pour obtenir gratuitement le logiciel d’analyse de projets d’énergies renouvelables, de Ressources naturelles Canada: http://retscreen.gc.ca

Sur les villes d’hiver:

www.wintercities.nmu.edu