«Des jumeaux pour les affaires»

20 partenariats interculturels réussis grâce au programme de la CCIQM

par Daniel Allard

«Si la région de Québec a été dotée d’un organisme tel le Carrefour d’intégration de la Capitale-Nationale, c’est qu’il y a un problème en la matière...» Cette phrase-choc du professeur Gérard Verna, lancée en synthèse du petit-déjeuner Immigrants et Québécois..., organisé par la Chambre de commerce et d’industrie du Québec métropolitain (CCIQM), le 28 mars dernier, était heureusement suivie d’un «...mais il faut aussi reconnaître qu’il y a énormément de travail qui a été fait jusqu’à aujourd’hui». La présence, dès 7h30 du matin, un mercredi froid de mars, de pas moins de 70 personnes dans cette belle salle fenêtrée de l’Hôtel Plaza prouvait déjà sans détour que le défi de l’intégration des immigrants au monde des affaires dans la région de Québec n’intéressait pas uniquement les professeurs d’universités!

Ce n’est d’ailleurs pas dans toutes les villes du monde qu’un immigrant, homme ou femme d’affaires, peut trouver un «jumeau», un «parrain», un «mentor», grâce à l’initiative de la chambre de commerce de sa ville d’accueil. C’est pourtant le cas à Québec depuis 1997.

Heureusement diront plusieurs. C’est d’ailleurs pourquoi il ne s’agissait pas d’un classique petit-déjeuner conférence. Tout le monde a beaucoup travaillé, ce matin-là. Après simplement quelques mots de réchauffement du président de la chambre, Sam Hamad, lui-même syrien d’origine, et d’Augustin Raharolahy, président du Comité de partenariat interculturel (CPI), les échanges ont été entamés simultanément autour de chacune de la dizaine de tables, afin d’étudier et de critiquer l’utilité, l’application, la pertinence, etc... du programme «Des jumeaux pour les affaires».

Particulièrement pro-active en la matière, la CCIQM travaille sur un ambitieux projet: une politique d’immigration pour la région visant à aller chercher dans leur pays les ressources humaines qui combleront les besoins ciblés des entreprises d’ici et à assurer l’intégration de ces personnes.

«En France, un employeur qui a des problèmes financiers peut arrêter ses paiements au gouvernement très facilement. Ici, c’est l’inverse, l’État est parmi les premiers créanciers garantis - bien des entreprises font faillite à cause de ça- et on ne peut pas passer à côté. Un détail qui avait échappé à un patron d’une entreprise de 64 employés et qui a bien failli y passer... Nous l’avons remis sur le droit chemin. Les 64 emplois ont été sauvés», a témoigné le conseiller municipal de la Ville de Québec, Jacques Fiset.

Parmi les remarques des participants du petit-déjeuner, il a été convenu que les gens de Québec sont très accueillants la fin de semaine, «...mais tu es mieux d’avoir ton programme le lundi matin!» Ici, il y a une culture de l’agenda, alors qu’un immigrant fait souvent 36 choses en même temps et parle à trois personnes simultanément... L’éternel problème de l’équivalence des diplômes a aussi été soulevé. «Sur la Rive-Sud, nous étions à mettre en place un service de navette pour du transport pour rapidement nous apercevoir que c’est un service qu’offre déjà le CLSC», raconta un autre, pour montrer que souvent les ressources existent , mais demeurent méconnues. «La clé de tout, c’est le respect. Après, le reste vient assez bien...», a tenu à dire Pierre Dolbec, un homme d’affaires bien connu de la région, qui baigne dans l’international depuis toujours.

Émergence Entrepreneur (le nouveau nom du CREDEQ) a aussi fait savoir à tous qu’il est toujours l’incubateur d’entreprises technologiques de la grande région de Québec, mais qu’il vient d’accepter d’accueillir sa première entreprise étrangère: «Afin de l’aider à adapter son plan d’affaires et son implantation en Amérique, nous avons ouvert notre porte à une entreprise de France, MUSICALIS.NET», a raconté Jo Lanoë. Une première pour l’organisme.

Message aux futurs jumeaux québécois: «Faites attention de ne pas tuer l’originalité de l’entrepreneur immigrant en essayant de l’intégrer et d’adapter son projet», a témoigné un autre participant. On a aussi mentionné qu’une trousse d’accueil pour les familles anglophones était en préparation par l’organisme English Voice of Québec.

PREMIER BILAN SATISFAISANT

Le programme «Des jumeaux pour les affaires» a été mis sur pied par la  CCIQM, en 1997. Soit durant l’année suivant la création du CPI, que coordonne depuis C. Robert McGoldrick, un permanent de la chambre de commerce. Gagnante du Prix national du rapprochement interculturel, catégorie Milieu des affaires, la CCIQM avait créé, en octobre de cette année 1996, son propre CPI, pour assurer le développement d’actions concrètes. En octobre 1998, un Comité de sensibilisation des chefs d’entreprises pour l’utilisation des compétences des immigrants fut aussi mis sur pied.

Avec son projet de jumelage, la CCIQM se fixait alors comme objectif d’organiser et de réaliser le jumelage de 20 à 25 immigrants nouvellement arrivés à Québec avec des personnes actives dans la communauté des affaires de la région de Québec. Démarré sur le terrain en septembre 1997, le premier bilan de l’opération, un an plus tard, révélait que 20 jumelages avaient été réalisés, impliquant un total de 45 personnes, puisque quelques couples avaient provoqué des équipes de «trois jumeaux». Il est intéressant d’apprendre aussi dans ce rapport que pour atteindre ce résultat, 90 individus avaient été approchés.

Réalisé en août 1998, un questionnaire-bilan révéla également que 15 des 20 paires de jumeaux ont considéré «satisfaisant et utile» leur jumelage, alors que les 5 autres ont trouvé l’expérience «déficiente à quelques égards». Mais tous ont affirmé que le projet était très valable et souhaitaient le voir repris dans le futur. D’ailleurs, tous les jumeaux, même ceux qui n’ont pas trouvé l’expérience totalement satisfaisante, ont déclaré qu’ils comptaient garder le contact avec leur jumeau.

RELANCE DU PROGRAMME

Le souhait des participants de 1997-98 est d’ailleurs en voie de se réaliser. Car Robert McGoldrick travaille actuellement à la relance d’un nouveau cycle de jumelage. «Actuellement, la demande est plus forte que l’offre. C’est-à-dire qu’il y a plus d’immigrants demandeurs que de jumeaux québécois disponibles. Il faut donc que nous recrutions des gens d’affaires québécois intéressés à vivre cette expérience très enrichissante sur le plan personnel», explique celui qui est toujours le coordonnateur du partenariat interculturel à la CCIQM.

Monsieur McGoldrick ne se limitera d’ailleurs pas à simplement relancer un second cycle du programme «Des jumeaux pour les affaires». En 2001, la date du 1er novembre a été avancée comme possibilité, une «soirée reconnaissance» est prévue «...pour récompenser les entreprises qui embauchent et intègrent des immigrants», explique-t-il.

Actuellement, ce programme d’initiatives de la CCIQM est conduit en partenariat avec Développement économique Canada, Patrimoine canadien et le Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration du Québec.

ANECDOTE SUR LES PERCEPTIONS INTERCULTURELLES

 Une enquête récemment conduite par l'ONU a posé la question suivante: "Pourriez-vous s'il vous plaît nous donner votre avis sur le manque d'alimentation dans le reste du monde?" Ce fut un énorme échec pour les raisons suivantes:

1. En Afrique, personne ne connaît la signification du mot "alimentation".

2. En Europe occidentale, personne ne connaît la signification du mot "manque".

3. En Europe de l'Est, personne ne connaît la signification du mot "avis".

4. En Amérique du Sud, personne ne connaît la signification des mots "s'il vous plaît".

5. Et enfin aux États-Unis, personne ne connaissait ce que "le reste du monde" signifiait.