La mort peut-être trop vite annoncée du secret bancaire suisse

par Benoît Lapointe, avocat
Email : lapointe.ben@qc.aira.com

 

Secret bancaire : la fin de l’exception suisse?, titrait Le Monde du 12 février dernier. La mort annoncée du secret bancaire, tel était aussi le thème de l’émission Temps présent diffusée le 11 janvier précédent à la Télévision suisse romande. Ce que l’on qualifie parfois de véritable institution helvétique semblerait ainsi menacée à un point tel que certains prédisent déjà sa disparition à plus ou moins brève échéance. Les résistances opposées par les banques suisses – au premier chef privées - et le Conseil fédéral (gouvernement) à l’encontre des pressions visant à son démantèlement, ne constitueraient que de vains efforts. Tel est le courant qui domine sinon en Suisse, du moins en Europe, depuis quelques mois.

Comment se fait-il que ce pilier structurel de la place financière helvétique, qui figure au titre des images d’Épinal que l’on entretient à l’endroit de la Suisse, en soit venu à être ainsi menacé? Constamment montré du doigt lorsque éclatent au grand jour des affaires d’argent troubles, le secret bancaire est voué aux gémonies depuis plusieurs années déjà par certains Suisses eux-mêmes, dont le plus connu est le sociologue Jean Ziegler. Les dénonciations sont venues aussi régulièrement de l’étranger; cette fois, cependant, elles revêtent un caractère nouveau, se muant en pressions de plus en plus fortes en faveur de son abolition. D’où viennent ces contraintes, et sur quels fondements reposent-elles?

LE CONTEXTE DES PRESSIONS EXERCÉES EN SUISSE
Dans les conclusions du Conseil européen de Nice des 7-11 décembre derniers, il était demandé à la Commission et à la présidence de l’Union européennes (UE) d’engager au plus vite des discussions avec les États-Unis et d’autres pays tiers afin que ceux-ci adoptent des mesures équivalentes à celles que l’on retrouve dans le projet de directive européenne relative à l’imposition des revenus de l’épargne des non-résidents, dont nous examinerons le contenu un peu plus loin. Ainsi peut-on assez arbitrairement dater le début officiel d’un processus de discussion et, dans quelques semaines, de négociation, dont l’objectif est de faire adopter par certains pays, et notamment les paradis fiscaux d’Europe, des mesures visant à ce que les ressortissants de l’UE ne puissent contourner les dispositions de la future directive européenne en déposant leur épargne dans ces pays.

En réalité, les menaces, ne seraient-ce qu’indirectes, pesant sur le secret bancaire suisse ne datent pas d’hier. En effet, l’UE – et, auparavant, la Communauté européenne – discute depuis plusieurs années de l’harmonisation des dispositions législatives et réglementaires de ses États membres sur la fiscalité de l’épargne de leurs résidents déposée dans une banque ou une caisse d’épargne d’un État membre dont ils ne sont pas résidents. Les discussions sur ce dossier délicat ont en fait commencé il y plus de douze ans, en février 1989, lorsque la Commission européenne proposa d’instaurer un <système commun> de retenue à la source de 15 %, tentative qui échoua à l’époque en raison du refus de l’Allemagne d’entrer en matière dans un dossier pour lequel l’unanimité des États membres est requise. Mais, en juillet 1993, suite à l'établissement de la libre circulation des capitaux au sein de la Communauté européenne (1er juillet 1990) et à l’instauration du marché unique européen (1er janvier 1993), l’Allemagne maintenant réunifiée entreprit de relancer le projet. Des contacts exploratoires eurent lieu avec des pays tiers, dont la Suisse, en vue de les convaincre de s’aligner sur le dispositif alors envisagé par la Communauté, de manière à éviter une fuite de capitaux en direction de ces pays. En mars 1994, M. Otto Stich, alors président de la Confédération helvétique, informa Mme Christiane Scrivener, commissaire européen responsable de la fiscalité, que son pays était prêt à engager des discussions, mais insista sur le maintien du système suisse de l’impôt anticipé ainsi que sur son taux de 35 %. En juillet de la même année, M. Theo Waigel, ministre allemand des finances, proposa cependant une <norme minimale> ne privilégiant ni la solution de la retenue à la source (dont le taux serait de 15 %) ni celle du système de la déclaration obligatoire des banques au fisc. Le Luxembourg et la Grande-Bretagne s’opposant fermement à une telle proposition, les discussions s’enlisèrent.

En mai 1998, neuf ans après sa première tentative avortée, la Commission proposa l’adoption d’une nouvelle directive fondée sur une<coexistence> de deux modèles laissés au choix des États membres. Ceux-ci pouvaient opter soit pour une retenue à la source de 20 % sur les intérêts versés à des non-résidents, accompagnée d’une restitution d’une partie des recettes au pays de domicile du contribuable, soit pour un échange d’informations entre administrations fiscales et son corollaire, une déclaration obligatoire de la banque au fisc comprenant les données pertinentes sur le contribuable.

Les pourparlers reprirent sur cette nouvelle base. En avril 2000, la Grande-Bretagne modifia toutefois radicalement sa position, en acceptant d’élargir le champ d’application de la future directive européenne aux euro-obligations. Ce changement de cap se comprend aisément : en effet, l’un des principaux facteurs ayant assuré le développement de la City fut la création, dans les années soixante, de l’euromarché, caractérisé par l’absence de taxation des non-résidents. L’introduction d’une retenue à la source en Grande-Bretagne sur les revenus de l’épargne des non-résidents risquait fort d’entraîner, de l’avis de Londres, l’émigration de l’euromarché. En contrepartie de sa proposition, la Grande-Bretagne exigea l’abandon, à terme, de la coexistence des deux systèmes au profit du seul échange d’informations.

Les négociations se poursuivirent suivant ce nouveau tableau de la situation, deux camps s’opposant résolument : d’un côté, la Grande-Bretagne, désirant généraliser le mécanisme d’échange d’informations entre les autorités fiscales nationales; de l’autre, le Luxembourg, la Belgique, l’Autriche et la Grèce, très attachés au secret bancaire, favorisant l’instauration d’un système de retenue harmonisée à la source.

Telle était la situation lorsque le Conseil européen de Feira (Portugal) s’ouvrit le 19 juin 2000. Un compromis fut néanmoins trouvé relativement aux principes de la future directive, suivi d’un accord définitif concernant le contenu essentiel de celle-ci, lors du Conseil européen des ministres de l’économie et des finances (Conseil écofin) du 27 novembre suivant. Ce déblocage s’explique certes par la défense énergique des intérêts de la Grande-Bretagne, de même que par la position nouvelle de l’Allemagne suite à l’arrivée au pouvoir des sociaux-démocrates, mais également par l’évolution générale des conceptions, toujours plus favorable à l’échange d’informations, en particulier sous l’influence de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et des États-Unis.

Aux termes du compromis de Feira, tel que complété par l’accord du 27 novembre 2000, les pays membres de l’UE ont convenu de lutter contre l’évasion fiscale en généralisant, à partir de 2010, l’échange d’informations entre administrations fiscales nationales, de façon à garantir la taxation des ressortissants de l’UE, y compris lorsque ces derniers effectuent leurs placements en dehors de leur pays d’imposition. Cette solution revient, de fait, à supprimer le secret bancaire. D’ici là, une période de transition est prévue, au cours de laquelle certains pays membres qui ont obtenu de ne pas mettre immédiatement en œuvre le système d’échange d’informations (il s’agit de l’Autriche, de la Belgique et du Luxembourg) pourront opter, à la place, pour un système de retenue à la source, dont nous verrons plus loin le mécanisme. Le taux de la retenue sera de 15 % dès l’entrée en vigueur de la directive, c’est-à-dire normalement le 1er janvier 2003, et ce jusqu’au 31 décembre 2005; du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009, il s’établira à 20 %. Le Luxembourg a toutefois subordonné son accord au passage, le 1er janvier 2010, à l’échange d’informations, à la condition que, avant l’adoption et la mise en œuvre de la directive, l’UE soit parvenue à imposer aux États-Unis et aux tout principaux pays tiers (Suisse, Liechtenstein, Monaco, Andorre, Saint-Marin) l’adoption de <mesures équivalentes> à l’échange d’informations entre administrations fiscales. Les Quinze décideront, le 31 décembre 2002 au plus tard, si ces mesures présentent des assurances suffisantes, de manière à ce que, dans l’affirmative, ils puissent adopter et mettre en oeuvre la directive.

Même si les menaces pesant sur le secret bancaire suisse se sont précisées lors du Conseil européen de Nice, dans les faits celles-ci ont véritablement pris naissance lors du Conseil européen de Feira. Il était même aisé pour la Suisse de les entrevoir bien avant, c’est-à-dire dès le Conseil européen d’Helsinki (10 et 11 décembre 1999), qui avait demandé un rapport concernant les principes sur lesquels devrait reposer la future directive. La Suisse savait donc qu’elle devrait éventuellement négocier avec l’UE relativement à l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne des non-résidents, et que ces négociations étaient susceptibles de remettre en question son secret bancaire.

LA RÉPONSE DU CONSEIL FÉDÉRAL
Au printemps dernier, des discussions exploratoires sur ce sujet, de même que sur la fraude douanière (détournements de subventions agricoles, contrebande de cigarettes, etc.), qui concerne aussi, dans une certaine mesure, le secret bancaire, ont eu lieu entre des représentants de la Suisse et de l’UE. Les premiers y ont fait part de leur désir de ne pas traiter isolément les futures négociations concernant la fiscalité de l’épargne et la fraude douanière : pour que celles-ci soient équilibrées, la Suisse souhaite qu’elles incluent, outre ces deux questions, les sujets laissés en suspens lors des négociations bilatérales ayant mené aux accords signés le 21 juin 1999, de même que le sujet délicat de l’adhésion éventuelle de la Suisse aux accord de Schengen (sur la coopération policière et judiciaire en Europe) et à la convention de Dublin (sur le pays de premier asile). L’UE ayant donné au Conseil fédéral des assurances suffisantes sur ce dernier point, mais sans garantie quant au résultat final, la Suisse a finalement accepté de négocier en ce qui concerne l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne des non-résidents, mais en indiquant clairement que ces pourparlers doivent se dérouler dans le cadre de ses dispositions actuelles relatives au secret bancaire et à l’impôt anticipé à la source

Au soutien de sa défense du secret bancaire, le Conseil fédéral, en accord avec les banques suisses, et parmi elles au premier chef les banques privées, fait valoir que son abolition entraînerait d’énormes conséquences macro-économiques pour le pays. En effet, le secret bancaire constitue l’un des pivots de l’important secteur du private banking, qui génère environ 11 % des recette fiscales du pays et fournit des dizaines de milliers d’emplois. Plus généralement, soutient-on, le maintien du secret bancaire s’avère primordial pour la prospérité du pays, voire la force du franc; sa disparition, qui entraînerait le départ d’une grande partie de la clientèle de la place financière suisse vers d’autres paradis fiscaux assurant la confidentialité des transactions bancaires, conduirait à des conséquences désastreuses pour l’économie de la Confédération helvétique. Berne est donc prête à discuter avec l’UE pour trouver la meilleure manière de remédier à l’évasion fiscale, mais sans remettre en question le secret bancaire.

L’ISSUS PROBABLE DU BRAS DE FER ENTRE L’UE ET LA SUISSE
L’UE a fixé le 31 décembre 2002 comme date butoir pour la conclusion d’une entente sur des mesures dites équivalentes avec les États-Unis et les principaux pays tiers, en premier lieu la Suisse, avant d’adopter puis de mettre en œuvre sa directive relative à l’imposition des revenus de l’épargne des non-résidents. Ce délai nous apparaît toutefois trop court pour convaincre les autorités helvétiques d’abolir, d’ici au 31 décembre 2009, une institution d’une grande importance pour la place financière et, plus largement, l’économie suisses. Il est illusoire, en effet, d’escompter que la Confédération helvétique abandonne si hâtivement, même face à d’énormes pressions, une institution qui comporte des enjeux macro-économiques considérables et contribue pour une grande part à la prospérité de sa place financière.

Au-delà des considérations économiques, il est également nécessaire de considérer l’ancrage très profond du secret bancaire dans la mentalité helvétique, qui tient pour une bonne part au lien étroit entre ce dernier et le développement du protestantisme en Suisse. S’ajoute à cette considération le fait qu’à certains égards, le secret bancaire se révèle une composante de la neutralité helvétique; conséquemment, exiger son abandon rapide revient à requérir brutalement une modification profonde de l’essence même de la Suisse. L’on peut comprendre, dès lors, le refus catégorique opposé par le Conseil fédéral aux demandes formulées par l’UE en vue de l’abolition du secret bancaire.

D’autre part, comme la Suisse doit néanmoins faire montre d’ouverture dans ses négociations avec l’UE, il est de son devoir de proposer des alternatives valables à l’abolition du secret bancaire. C’est bien ce qu’elle tente de faire en offrant d’étendre le champ d’application de son système d’impôt anticipé à la source. En vertu de celui-ci, qui s’applique théoriquement à tous les revenus de capitaux, l’<agent débiteur> (l’émetteur d’un titre financier), c’est-à-dire les banques et les sociétés suisses qui paient un intérêt ou distribuent un dividende à un non-résident, doivent prélever automatiquement 35 % du montant brut et les remettre au fisc. Le nom du bénéficiaire de l’intérêt ou du dividende n’apparaît toutefois pas. À l’heure actuelle, les non-résidents ne sont pas soumis à cet impôt s’ils effectuent, par l’intermédiaire d’une banque suisse, un placement dans une société non suisse. Cette situation serait corrigée par la proposition faite par le Conseil fédéral.

L’UE, dans le cadre du système transitoire s’appliquant à certains États membres avant l’entrée en vigueur du système d’échange d’informations, ne retient pas le système suisse de l’impôt anticipé à la source perçu auprès de l’agent débiteur; elle a, en revanche, adopté un système dit de retenue à la source auprès de l’<agent payeur>. Celui-ci est le dernier intermédiaire, c’est-à-dire celui qui effectue directement le versement de l’intérêt (le système transitoire ne couvre pas les dividendes) au bénéficiaire. Il s’agit en général d’une banque. La retenue sera effectuée sur les intérêts de l’épargne versés par un agent payeur domicilié dans un pays de l’Union à des particuliers domiciliés dans un autre État de l’Union. Ce mécanisme est censé éviter l’évasion fiscale. Toutefois, étant donné que l’agent payeur peut facilement être choisi en dehors de l’UE, il est nécessaire, pour l’application efficace d’un tel système, d’obtenir la coopération des principales places financières situées en dehors de l’UE, dont la Suisse.

Le Conseil fédéral a ainsi examiné la faisabilité en Suisse d’une retenue à la source selon le principe de l’agent payeur. Un tel système s’appliquerait dans le cadre de ses relations avec l’UE, de sorte que les agents payeurs basés en Suisse seraient soumis à une obligation fiscale identique à celle des agents payeurs établis dans les pays de l’UE. Malheureusement, la stratégie sous-jacente du Conseil fédéral semble consister à établir que le système proposé par l’UE entraînera des effets néfastes : d’abord pour les banques suisses, qui, fonctionnant actuellement avec le système de l’impôt anticipé, devront investir énormément pour introduire cet autre système fiscal; ensuite, pour la place financière suisse dans son ensemble, en raison du risque élevé qu’une grande partie de la clientèle constituée des non-résidents (dont on estime que 60 % sont des citoyens de l’UE) retire ses capitaux de Suisse et les transfère dans des banques localisées dans des places financières où ce système ne s’appliquera pas, notamment en Asie du Sud-Est.

En démontrant les effets néfastes de l’introduction en Suisse du système de la retenue à la source auprès de l’agent payeur, le Conseil fédéral espérerait gagner du temps, convaincu que, dans l’intervalle, une attitude intransigeante des États-Unis et des places financières asiatiques face au projet européen de directive fiscale fera finalement réaliser à l’UE que le système de la retenue à la source perçue auprès de l’agent payeur est irréalisable.

Pour les raisons précédemment mentionnées, l’on peut aisément comprendre que le Conseil fédéral cherche à défendre le secret bancaire suisse. Il doit néanmoins rechercher, de bonne foi, une solution de compromis avec l’UE, qui consisterait, en l’occurrence, en l’adoption du système de la retenue anticipée auprès de l’agent payeur. Les négociations actuelles, même si elles ne conduisent pas à l’abolition du secret bancaire, se traduiront de toute façon par des coûts supplémentaires pour la place financière suisse. Ceux-ci ne constitueront après tout qu’un moindre mal, en comparaison des effets semble-t-il désastreux qu’entraînerait l’abolition du secret bancaire. L ‘un des sept conseillers fédéraux, M. Kaspar Villiger, chef du Département fédéral des finances, semble du moins l’avoir compris, puisqu’il est n’écarte maintenant plus l’idée d’introduire en Suisse le système de la retenue auprès de l’agent payeur.

Au demeurant, le Conseil fédéral serait d’autant moins autorisé à refuser l’introduction en Suisse d’un tel procédé qu’il a déjà consenti, devant la demande pressante du fisc américain, à l'établissement du système dit de l’<intermédiaire qualifié>. En vertu de ce mécanisme, qui complète les procédures d’entraide administrative et judiciaire entre la Suisse et les États-Unis, les banques suisses sont tenues de signaler au fisc des États-Unis les contribuables américains qui détiennent des titres américains. Les banques suisses ont dû accepter ce système, dont la mise en place leur a coûté cher, parce qu’elles craignaient, par mesure de rétorsion, d’être écartées du plus grand marché mondial des capitaux.

Certains croient que le système de l’intermédiaire qualifié institutionnalise l’échange d’informations entre la Suisse et les États-Unis, et, en conséquence, permet la levée systématique du secret bancaire. Aussi la Suisse serait-elle malvenue de refuser à l’UE ce qu’elle a déjà accordé aux États-Unis. En vérité, le secret bancaire n’est levé qu’avec le consentement du client : en effet, celui-ci peut soit autoriser la banque à fournir des informations le concernant au fisc américain, soit payer un impôt à la source de 31 %. La Suisse pourrait négocier une solution analogue avec l’UE, ce qui lui permettrait de conserver l’essence de son secret bancaire.

Même si la Suisse se résout à introduire le système de la retenue auprès de l’agent payeur, il ne pourrait néanmoins s’agir que d’une solution à moyen terme. Les pressions internationales sur son secret bancaire pourraient, en effet, devenir trop fortes pour que la Suisse puisse réussir à le conserver bien longtemps : pressions venant de l’UE, bien sûr, mais également de l’OCDE. Cette dernière, qui plaide depuis quelques années pour plus d’ouverture de la part de ses membres (dont la Suisse) en matière d’accès aux informations bancaires à des fins fiscales concernant les non-résidents, a entrepris, par l’adoption des Principes directeurs pour le traitement des régimes fiscaux préférentiels dommageables, de les inciter à mettre fin à ce qu’elle qualifie de <pratiques fiscales dommageables>, de manière à ce que celle-ci soient éliminées d’ici au 31 décembre 2005.

Quoi qu’il en soit, certains acteurs de la place financière suisse ont bien compris la menace qui plane sur le secret bancaire, et n’ont pas attendu les demandes pressantes de l’UE et de l’OCDE pour entreprendre une mutation de leurs pratiques bancaires. Ainsi, les deux plus grandes banques suisses, l’UBS (Union des banques suisses) et le Credit suisse Group, de même que quelques établissements de gestion de fortune, misent déjà davantage sur leurs produits et leurs réseaux de distribution que sur le secret bancaire. La mutation a donc commencé. Les banquiers privés n’auront éventuellement d’autre choix que d’entreprendre un processus analogue. Leurs mises en garde sur les dommages potentiels causés à la place financière suisse par l’abolition du secret bancaire n’y changeront rien; elles n’auront pour seul effet que de retarder l’inévitable.