Le e-BI et les dépanneurs américains

par Frédéric Turcotte, consultant
fredericturcotte@hotmail.com

 

En ces temps sombres pour tout ce qui touche la technologie, il est intéressant de constater qu’il y a toujours quelques exceptions de secteurs d’activités qui ne se portent pas trop mal. Business Objects est une de ces compagnies qui - bien que l’action se trouve elle aussi à la baisse - affiche une croissance depuis 44 trimestres. Que fait Business Objects? Elle développe des outils informatiques qui permettent aux entreprises de traiter, d’analyser et d’échanger toute l’information qui provient de la compagnie, des clients, leur profil, leurs achats, etc. permettant ainsi une maximisation de l’utilisation de l’information et, ultimement, une augmentation des profits. C’est un heureux mélange de knowledge management avec une sauce technologique assez développée. C’est ce qu’on appelle du e-Business Intelligence ou du e-Intelligence.

Nous avons déjà présenté dans cette chronique l’importance d’utiliser toutes les sources d’information disponibles pour aider l’entreprise à obtenir de meilleurs résultats en affaires et aussi du grand nombre d’informations disponibles à l’interne qui ne sont pas partagées. Ce vaste fouillis de données prend une tout autre signification lorsque traité et interprété par les applications de e-CRM (Customer Relationship Management) ou de e-BI  qui regroupent, analysent et en produisent des rapports de toutes sortes sur les données des clients, les transactions, le processus d’achats, etc. Toute cette information est maintenant digitalisée et ne demande qu’à être mise en relation et interprétée. Les applications du type Business Objects et SAS partent du principe qu’une donnée est une “pièce”, un “objet” qui peut être mis en relation avec n’importe quelle autres “objets”. Les outils de e-BI permettent de traiter ces données peu importe leur source et de présenter le résultat sous la forme de graphiques simples et de diffuser ces résultats à travers l’entreprise, via un Intranet par exemple. La représentation simplifiée des interactions entre les données provenant du comportement d’achat d’un client permet d’améliorer la compréhension de son processus d’achat. Quoi faire pour que mon client revienne acheter chez moi? Comment le faire consommer davantage? Bref, c’est l’application qui permet aux entreprises de faire comme le club vidéo du coin qui a compris - assez rapidement! - que sa clientèle achèterait des chips et des friandises en même temps que sa sélection de films pour la soirée.

Pour les propriétaires de club vidéos, cette déduction est assez simple, mais lorsque ce sont des visiteurs sur votre site Web qui achètent vos produits, ou lorsque vous avez 200 points de vente différents, comment déchiffrer le comportement de vos consommateurs?  Comment accumuler et comprendre les données pertinentes et identifier des tendances? Les exemples de sociétés qui utilisent ces systèmes sont nombreux,  beaucoup de grandes compagnies comme Compaq, Pepsi, Nortel, mais aussi des gros vendeurs sur Internet tels eBay et Amazon.

Si vous n’avez jamais acheté sur Amazon.com, il est grand temps de faire l’expérience pour apprécier comment ce marchant virtuel vous proposera des disques, des livres et des films, qui correspondent à vos goûts.  Le résultat est épatant! Vous donnez des cotes à vos achats ou encore à des livres et disques que vous avez aimés ou non et le système va vous proposer d’autres choix qui correspondent à vos goûts, à ce que d’autres consommateurs qui achètent ce produit achètent eux aussi, etc. Toute cette logique de personnalisation des achats correspond bien à une autre tendance assez lourde de développer la relation de vente qui devient beaucoup plus individuelle que de viser la publicité de masse.

Le “six pack” de bière qui indique
un ralentissement économique ?

Ce que nous appelons au Québec les dépanneurs (et en anglais convenience stores) sont une source incroyable d’interactions entre un consommateur et un vendeur. Les propriétaires de la chaîne 7-Eleven aux États-Unis l’ont compris et dès 1994 les 5 300 dépanneurs commençaient à être informatisés. Aujourd’hui, cette société contrôle tellement l’information sur ses ventes qui circulent via ses caisses enregistreuses qu’elle peut savoir à quel moment une succursale située quelque part dans le Mid-Ouest américain doit remplir ses étagères de tel produit, à telle heure précise de la journée pour maximiser ses ventes.

L’an dernier, en juillet, les ventes de bières en carton de 6 et 12 bières commencent à diminuer légèrement dans les 7-Eleven américains, alors que les ventes de bouteilles individuelles augmentent. Cette tendance vers la vente à l’unité ou au plus petit paquet se remarque aussi avec les cigarettes et le lait.  Rapidement, la société américaine réajuste son tir avec des emballages contenant moins de produits et augmente ainsi ses ventes. D’un signal très faible à travers l’ensemble de ses succursales (environ 1 % de modification dans ses ventes), 7-Eleven peut modifier son approche face à sa clientèle et augmenter ses profits avec de meilleures ventes sur certain produits.  L’explication des spécialistes américains pour justifier ce passage à de plus petites quantités réside dans  l’inconscience du consommateur. Lorsque ce dernier a un doute sur ses revenus et économies futurs, il a tendance à moins consommer et à acheter de plus petits formats.  Alors bien avant les experts économistes américains et M. Greenspan, les consommateurs avaient donnés une indication du ralentissement de leur économie, ce qui n’a pas empêché 7-Eleven de profiter de ce changement dans l’attitude du consommateur pour augmenter ses profits.

Lectures :
e-Business Intelligence: Turning Information Into Knowledge Into Profit - par Bernard Liautaud