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Création de l'Union africaine
L'ambassadeur Michel E. Perrault attend la suite

par Daniel Allard

Les derniers mois ont vu les dirigeants des pays d'Afrique changer la vénérable Organisation pour l'unité africaine (OUA) en Union africaine. Pour plusieurs, ce n'est qu'un nouveau nom pour la même chose, un organisme très politique qui ne change pas grand-chose aux malheurs du continent.

Entre ses rendez-vous à Rivière-du-Loup et Ottawa, le 12 septembre 2002, l'ambassadeur du Canada au Cameroun, Michel E. Perrault, a accepté de faire un arrêt à Québec, le temps d'une interview, pour discuter de cette Afrique des années 2000. Une Afrique qu'il observe en plein coeur de son immense territoire puisqu'à Yaoundé, la capitale camerounaise, l'ambassadeur Perrault a également la responsabilité de couvrir les mêmes fonctions pour le Tchad et la République centre africaine (RCA).

« Au Cameroun, les gens semblent sceptiques face à l'UA... Comme pour l'Union européenne, il y aura établissement d'une Commission... Je n'ai pas le sentiment que tout ça va changer fondamentalement grand-chose. Il faut attendre la suite...

À coup sûr, on s'y occupera beaucoup du NEPAD (le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) sans en avoir le secrétariat, car le Secrétariat permanent du NEPAD est et restera, semble-t-il, à Pretoria. Mais ce n'est pas une coïncidence de voir arriver l'Union africaine avec le NEPAD. C'est en juillet 2001, à Lusaka, lors du dernier congrès de l'OUA, que fut adopté le NEPAD », rappelle-t-il.

L'AFRIQUE À L'HEURE DU NEPAD

« C'est pathétique de voir le fossé qui existe entre l'Afrique et le reste du monde. » L'ambassadeur Perrault n'a pas peur d'exprimer, sans nuance, une opinion qui collerait plutôt à un porte-parole d'organisme humanitaire. C'est peut-être parce qu'il sait aussi qu'un nouveau momentum se met progressivement en marche, en faveur d'un renouveau en Afrique, et que les pays industrialisés comme le Canada ont tous promis - particulièrement au dernier Sommet du G7 - de ne pas se défiler. L'heure est effectivement au NEPAD.

Ce fameux NEPAD, qui résonne partout depuis quelques mois, comme l'écho d'une Invincible armada voguant au secours du continent de toutes les misères, qu'est-il au juste?

« Il faut bien comprendre que le NEPAD est essentiellement un document, écrit par les Africains, adopté par les Africains. Ce n'est pas la naissance d'une organisation propre. Ce n'est pas une structure. C'est un document politique, un nouveau paradigme, pour gérer l'avenir en servant donc de guide... Oui, si le NEPAD est bien compris et surtout bien mis en oeuvre, il va y avoir une réelle amélioration en Afrique », croit-il.

Concrètement, chaque pays viendra donc solliciter le NEPAD pour du financement de projet, pour obtenir une approbation préalable. Parce que plus un projet collera aux objectifs et aux priorités du NEPAD, plus il trouvera ensuite facilement du financement. C'est ce qu'il importe de comprendre.

Le Canada engage 6 milliards $
sur cinq ans
en ressources actuelles ou nouvelles
en faveur du développement en Afrique

Comme le disait par ailleurs récemment le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, devant l'Assemblée générale des Nations unies à l'occasion du débat de haut niveau sur le NEPAD: « ...les pays africains doivent donner corps au NEPAD. [Ceux]... qui mettront en oeuvre tous les aspects du NEPAD, y compris en matière de bonne gouvernance, bénéficieront d'une aide accrue de la part du monde industrialisé. » En appelant aussi les entreprises à revoir le stéréotype trop bien ancré selon lequel il n'est pas payant d'investir en Afrique, à l'heure où pour le Canada il s'agit d'un engagement de 6 milliards $ sur cinq ans en ressources actuelles ou nouvelles en faveur du développement en Afrique.

Le NEPAD est-il en train de transformer le Cameroun, le Tchad et la RCA? Loin de s'en réjouir, l'ambassadeur constate que pour l'instant, aucun pays de l'Afrique centrale ne semblent embarquer dans la nouvelle dynamique que propose le NEPAD: « Nous savons que le rôle de la société civile va être très important. Nous, nous essayons de les encourager », se contente-t-il d'ajouter.

OPPORTUNITÉS POUR LE CANADA

« Tout l'aspect du renforcement des capacités va offrir beaucoup de place aux compagnies canadiennes », prédit-il d'une manière globale.

Reprenant l'exemple du Cameroun, il explique qu'actuellement, « même les Camerounais ont peur d'investir chez eux, car ils n'ont pas suffisamment confiance aux institutions juridiques du pays. »

L'ambassadeur souligne également l'existence du Programme Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), qui implique des remises de dettes et qui va aussi dégager des sommes d'argents importantes.

Mais les véritables nouvelles sommes d'argents importantes que les gens d'affaires canadiens impliqués dans la coopération internationale doivent surveiller arriveront d'ailleurs. « Lors de la Conférence de Monterrey (Mexique, février 2002), le Canada a annoncé une augmentation de 8% par an de l'Aide publique au développement pour les 10 prochaines années. Pour l'ensemble des bailleurs, on parle de 12 milliards $US sur 10 ans, dont 50% qui ira pour l'Afrique, 6 milliards $US », rappelle Michel Perrault.

DES OPPORTUNITÉS DANS LES TROIS PAYS

En poste depuis deux ans, Michel Perrault est par ailleurs en mesure de décrire la réalité des trois pays qu'il couvre: « Au Cameroun, il y a des opportunités dans le domaine de la forêt. Il y a de la demande en énergie pour l'hydro-électricité. L'agro-alimentaire représente aussi un secteur d'intérêt, parce qu'il y a énormément de choses qui poussent dans ce pays. En santé, il faut retenir le domaine des produits pharmaceutiques génériques.

Du pétrole
a été découvert
au Tchad

Au Tchad, on gère maintenant la découverte du pétrole. Il y a effectivement du pétrole au Tchad. Depuis deux ans, un pipeline de 1100 kilomètres est en construction. Il doit être terminé fin 2003. Ce qu'il faut surtout retenir de la RCA, c'est son secteur minier, avec un sous-sol très riche.

L'AFRIQUE : UN BEAU RISQUE

À Ottawa, fin octobre, Mme Constance Freeman parlait des pays africains face au Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) : qu'en est-il maintenant de leur responsabilité, de leur autonomie, de leur gouvernance et de leur obligation de rendre des comptes? Mme Freeman, spécialiste reconnue de l'Afrique, est directrice du bureau régional du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), à Nairobi, au Kenya.

Si le NEPAD, tel qu'entériné par les membres du G8, en juin dernier, à Kananaskis, en Alberta, a semé l'espoir parmi les pays africains, ce partenariat revendique aussi la volonté des Africains de tracer eux-mêmes le chemin menant à leur développement. Comme le souligne Mme Freeman :

« Le NEPAD est une déclaration audacieuse et sans précédent sur la responsabilité africaine face à l'avenir du continent. Cette affirmation du leadership africain indique un changement de discours radical qui permet de laisser de côté les justifications et les blâmes habituels ... NEPAD change cette dynamique....Et cela signifie que les gouvernements africains s'engagent désormais à respecter et à mettre en vigueur des modèles rigoureux de pratiques démocratiques ».

Mme Freeman est directrice régionale du bureau du CRDI pour l'Afrique orientale et australe à Nairobi, au Kenya. De 1999 à 2001, elle a été conseillère principale au African Center for Strategic Studies (ACSS), à Washington. Auparavant, elle a oeuvré comme directrice des études africaines au Center for Strategic and International Studies (CSIS) où la presse, le gouvernement et les entreprises la consultaient abondamment comme spécialiste de l'Afrique. Elle a également servi à titre de diplomate pour les États-Unis pendant 14 ans et a dirigé le personnel des politiques économiques du Bureau africain. Elle détient un doctorat en philosophie (développement économique) de l'École des études internationales de Denver, au Colorado.

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