LE MOT DE ROUTHIER

Le Canada et le Québec ressemblent de plus en plus à des républiques de banane

par Benoit Routhier

Qu'on ne vienne plus me dire que le Québec et le Canada sont des exemples de démocratie et d'intégrité! La quantité de scandales qui ont terni l'image des gouvernements de ce pays et de cette province depuis plus d'un an m'amène à considérer de plus en plus ces gouvernements comme des gouvernements de républiques de banane!

Quelles sont les caractéristiques d'une république de banane? Une des principales, c'est la propension des dirigeants à se graisser la patte et à graisser les pattes de leurs amis à même les fonds publics. Or, à quoi assistons-nous depuis déjà un bon bout de temps au Québec et au Canada? Je ne ferai pas ici de liste exhaustive des abus de ces gouvernements. Je me contenterai des derniers, qui suffisent amplement à démontrer qu'un redressement s'impose de toute urgence.

AU QUÉBEC

Au Québec, le cas qui a retenu l'attention ces derniers temps, c'est l'attitude des dirigeants de la Caisse de dépôt et placement. La Caisse de dépôt et placement, c'est, tout le monde le sait, le bas de laine des Québécois. Or du temps de l'ex président-directeur général Jean-Claude Scraire, les dirigeants n'ont pas hésité à piger allégrement dans ce bas de laine pour se donner, à Montréal, un «abri» des plus confortables. Du grand luxe, comme l'ont démontré les médias, qui n'était absolument pas nécessaire. Et M. Scraire était même prêt à y installer une cave à vin composée de vins de grand cru, des vins qui coûtent la peau des fesses et que la plupart des contributeurs à la Caisse de dépôt et placement n'ont absolument pas les moyens de se procurer. Le nouveau président a abandonné le projet. Après le dévoilement des abus commis, il aurait été drôlement culotté de poursuivre le projet...

La construction à Montréal de l'édifice qui sera le siège social de la Caisse de dépôt et placement subit par ailleurs des dépassements de coûts importants. Moins importants que la rumeur qui a circulé un moment de 300 millions $, mais des dépassements importants quand même. D'ailleurs il semble qu'il s'agisse d'une pratique quasi généralisée de faire subir des dépassements de coûts exagérés dans la réalisation de projets gouvernementaux ou para-gouvernementaux. Serait-ce que les entreprises font des soumissions basses pour s'assurer d'avoir le contrat, quitte à revenir à la charge par la suite avec des dépassements de coûts, prétextant des travaux non prévus? Si c'est le cas, c'est au gouvernement d'établir des règles strictes afin que les soumissions reflètent les coûts réels du projet au point que l'entreprise sera responsable de tout dépassement, si jamais il y en avait. Mais quand ce sont des amis du régime qui obtiennent un contrat, c'est tentant de faire preuve de générosité, n'est-ce pas? Il est tentant d'ajouter des travaux en cours de route, des travaux dispendieux.

LES PRIMES DE DÉPART

Un autre exemple d'abus dans ce bon gouvernement du Québec, c'est les primes de départ ainsi que les rentes de retraite qu'on sert aux dirigeants des organismes para-gouvernementaux. L'exemple le plus flagrant d'abus c'est la prime de 18 mois de salaire accordée à un dirigeant de la Société des alcools du Québec (SAQ) qui a quitté son emploi après 23 mois seulement. « Pas de problème, c'est l'argent du p'tit monde, pis le p'tit monde ça pas de pouvoir!» On raisonne comme ça dans une république de banane, on raisonne ainsi au Québec!

Par ailleurs, est-ce moral que le président-directeur génréral d'Hydro-Québec, M. André Caillé, puisse bénéficier d'une rente de retraite ANNUELLE de plus de 250 000$ après 10 ans? Le président du Syndicat professionnel des scientifiques de l'Institut de recherche d'Hydro-Québec (SPSI) a bien raison de s'indigner : « On se doutait qu'il y avait un «party», mais jamais de cette ampleur. » Des parties aux frais des contribuables qui ont par ailleurs été des victimes bien innocentes des abus commis cette fois par des dirigeants d'entreprises comme Nortel, Enron, etc.

Puis, il y a la ministre Louise Beaudoin qui a engagé des fonds publics pour sonder l'opinion de la population à son endroit. Ça ressemble plus à un faux pas qu'à une erreur grave: 7 000$ qu'elle a décidé de payer de ses poches, maintenant que le fait est connu et que le premier ministre Bernard Landry n'a pas apprécié du tout! C'est anodin, mais le geste indique tout de même une tendance des politiciens et dirigeants à ne pas se gêner pour piger dans les poches des contribuables.

Et que penser de l'affaire de Montréal Mode et de la CADIM, deux filiales de la Caisse de dépôt et placement? La CADIM a décidé de fermer sa porte au vérificateur général du Québec l'été dernier, même si celui-ci y faisait des vérifications depuis 20 ans. La Caisse de dépôt et placement a préféré confier ce travail à une firme privée. Pourquoi donc? L'ex-présidente de Montréal Mode, Mme Chantal Lévesque, aurait acheté pour quelque 6 000$ de la Caisse de dépôt et placement des articles de luxe tels des pantalons Prada, des vêtements Sonia Rykiel, des sacs, lunettes et souliers Gucci. Le gouvernement a institué une enquête. C'était le moins qu'il puisse faire, le scandale avait éclaté! Précisons que Mme Lévesque s'est expliqué et affirmé que ses achats n'avaient rien de plus normal, qu'il lui fallait tester ces produits. Attendons les résultats de l'enquête...

Et que penser de la participation à hauteur de plusieurs millions de dollars de la Caisse de dépôt et placement dans Quebecor Media, une entreprise on ne peut plus privée et plus capitaliste. Une mise de fonds et des garanties à même notre argent, décidées par les dirigeants de cette société para-gouvernementale. La Caisse a mis le doigt dans un engrenage qui la conduit sûrement à des pertes de plus en plus considérables. Qui paie? Le bon peuple qui n'a pas eu un mot à dire au sujet d'une telle dilapidation de ses avoirs. Belle démocratie!

AU CANADA

Au gouvernement fédéral on n'est pas en reste. Politiciens et hauts fonctionnaires ne se gênent pas pour, eux aussi, puiser allégrement dans nos poches pour favoriser des amis et pour s'adonner à un laxisme administratif éhonté! Qu'on se rappelle les contrats faramineux accordés à des entreprises de communication telles GroupAction, dont certaine ne s'est pas gênée pour se faire payer du travail qu'elle n'avait pas exécuté. « Ce n'est pas grave, c'est l'argent du monde ordinaire qu'on vole ».

Le dernier scandale à Ottawa c'est bien celui des coûts du programme d'enregistrement des armes à feu. Selon les premières évaluations, le programme devait coûter un petit deux millions $ aux contribuables. Ce n'est pas cher pour sauver des vies. Ben évidemment que ce n'est pas cher. Mais qu'apprend-on en fin d'année 2002? Le programme à déjà coûté près d'un MILLIARD de dollars et il faut encore y injecter environ 72 millions $. Le gouvernement n'a pas osé faire adopter ce montant par les Communes... C'est vrai que c'aurait été un peu gênant, le scandale ayant fait le tour du pays.

Dans ce cas-ci il faut blâmer les hauts fonctionnaires qui ont très mal géré ledit programme. « Bof! Pas grave, c'est l'argent du peuple! » Espérons qu'ils réussiront à remettre le train sur des rails qui ne seront pas en or 18 carats...

Ce laxisme dans l'administration des fonds publics, cette propension à puiser sans vergogne dans les poches des contribuables pour récompenser des amis du régime, ça ressemble beaucoup à ce qui se passe dans les républiques de banane, je le répète.

Et si les partis d'opposition faisaient leur travail avec plus d'ardeur, peut-être ces abus seraient-ils moins nombreux? Mais non, ils sont trop occupés à préparer la niche pour se payer un "party" eux aussi...


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Commerce Monde #33