OPINION

« Selon le consulat des États-Unis, les résidents permanents n'ont pas suffisamment de prétextes pour rester à Québec »

Le consulat des États-Unis à Québec a refusé de délivrer les visas touristiques pour une famille de résidents permanents sous le prétexte du manque de liens avec leur nouvelle patrie.

Voici une histoire simple comme la vie avec des conséquences graves et inattendues pour une petite famille russe établie à Québec en mars 2002. Nous sommes la famille des résidents permanents. En quittant la ville de Saint-Pétersbourg nous avons apporté ici non seulement tous nos biens, mais aussi un immense désir de s'intégrer à la société québécoise. La possibilité de devenir de vrais citoyens canadiens dans seulement 3 ans forge davantage notre motivation de réussir ici.

Notre fille de 4 ans Alexandra dès son arrivée à Québec fréquente la garderie Patro Roc-Amadour où elle est heureuse avec ses excellents éducateurs et la foule d'amis. Elle commence à parler français et à connaître les habitudes d'ici. Natalia, la mère de famille, qui parle très bien le Français, s'est tout de suite inscrite dans un club de chercheurs d'emploi. Vers le début du mois de mai, elle s'est trouvé un stage au Service de la culture de la ville de Québec. La réalisation d'un excellent projet « Québec présente les artistes-immigrants » était sa préoccupation pendant presque 4 mois. De plus, Natalia a donné un coup de main à la Ville et au Premier ministre en tant qu'interprète lors de la visite du Gouverneur de Saint-Pétersbourg à Québec. Après le stage, elle a réussi à décrocher un emploi au centre de formation Option Travail pour le projet de sensibilisation des jeunes de la région 03 aux services offerts par les carrefours jeunesse-emploi. Elle prépare également son projet d'entreprise de l'économie sociale. Alexandre, le père de la famille, fréquente les cours de francisation à l'Université Laval.

Notre famille occupe un appartement et possède une voiture. Nos revenus sont équilibrés avec nos dépenses et les économies apportées de la Russie nous permettent de vivre en sécurité. Tout ça pour dire à quel niveau et avec combien de sincérité nous sommes attachés à notre nouvelle belle patrie qui est Québec.

Il y a une semaine, nous avons pris la décision de partir en vacances à Noël aux États-Unis. Rien que pour 3-4 jours pour montrer à notre petite fille Disney Land d'Orlando. Alexandre qui était le musicien extrêmement connu et apprécié en Russie a eu l'occasion de se produire aux États-Unis, il y a 2 ans. Pour Natalia, qui est journaliste de profession, ça devait être un autre voyage à l'étranger, mais le premier en direction des « States ».

Le message vocal du Consulat était clair et court : « Les résidents permanents peuvent se présenter au Consulat sans rendez-vous avec les passeports valables et 1 photo pour chacun des demandeurs de visa ». En étant prudent nous avons apporté une foule de documents complémentaires: le bail, le relevé du compte avec une très belle balance, la lettre d'employeur, l'affirmation du stage et des études universitaires. L'employée du Consulat nous a demandé de débourser tout de suite 100 $US par personne pour l'application et de patienter une quinzaine de minutes.

Nous étions de très bonne humeur et même on a rigolé en disant que probablement c'était notre dernière visite au Consulat pour les visas, car dans 3 ans seulement nous pourrons voyager librement en tant que citoyens canadiens.

La dame au guichet, qui s'était présentée comme le Consul, nous a fait signe de s'approcher : « Madame, vous êtes au Québec depuis déjà 9 mois, mais vous ne travaillez que depuis 1 mois seulement! » Natalia a dû s'expliquer en disant combien d'efforts il a fallu pour décrocher le vrai emploi à plein temps. Elle n'avait pas un seul jour de congé en étant soit en stage soit en recherche d'emploi.

« Mais votre mari ne travaille pas, avec quel argent pensez-vous aller chez nous? »

« Madame, mon mari a 54 ans. Il a travaillé toute sa vie et a pu économiser une somme assez importante pour permettre à notre famille effectuer 4 jours de voyage aux États-Unis. Vous pouvez aussi constater que ce n'est pas sa première visite. Il a déjà eu le visa de travail. »

« Bref, je ne peux pas vous délivrer les visas car vous n'avez pas démontré suffisamment d'attaches au Québec. Je vous conseille de travailler encore 6 mois au même endroit et d'essayer d'appliquer pour la deuxième fois. »

La feuille de papier avec la même tournure imprimée, les passeports avec trois gros tampons rouges prouvant que notre demande était refusée et 300 $US perdus - voici le résultat! Nous étions furieux!!! À bout de nerfs!

« Madame, votre Consulat ne s'est pas donné la peine d'expliquer aux demandeurs les conditions exactes d'attribution du visa (entre autres la nécessité de travailler 6 mois à plein temps et à la même place). Pas comme le fait le Consulat de France, par exemple.

« Aller donc en France! »

« Merci pour le conseil. Vous représentez ici, en une seule personne, tout le peuple américain. Croyez-vous que vos concitoyens vont interdire à une famille d'emmener leur fille à Disney Land? »

« Je pense que vous n'avez pas suffisamment de prétextes pour rester au Canada! Vous pouvez vous enfuir aux États-Unis! Au revoir. »

Et notre argent, et notre réputation avec le tampon rouge dans les passeports, et la dignité humaine, et la justice!

Le soir notre ami russe, étudiant à l'Université Laval, nous a confié qu'il a eu son visa américain pour 3 ans et sans un moindre problème. Le 21 novembre, comme une centaine d'autres néo-québécois, nous avons reçu des mains de M. Bernard Landry le Certificat de bienvenue au Québec. Selon les mots de M. Landry, nous sommes déjà devenus les citoyens de la Province, son espoir et sa fierté.

Nous sommes très fiers et très reconnaissants, mais aujourd'hui nous attendons de notre nouvelle patrie la protection contre la discrimination. M. Landry, pouvez-vous agir auprès des autorités américaines comme garant de fait que les résidents permanents ont tout à gagner en restant au Québec, que c'est leur souhait et qu'ils ont le droit de visiter Disney Land s'ils en ont le désir!

Respectueusement,

Natalia Katayeva, Alexandre Fedorov, Alexandra Fedorova.
Québec (QC), le 3 décembre 2002.


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Commerce Monde #33