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Transfert de technologie
La négociation d'ententes au niveau international

par Daniel Allard

Réussir le développement de son entreprise sur la scène commerciale internationale passe de plus en plus souvent par la négociation d'un transfert technologique dont la négociation est autrement plus complexe que de simplement honorer les droits de brevet. Entre la variable interculturelle et les mille pièges des règles de droits qui diffèrent d'un pays à l'autre, un monde de difficultés pave le chemin. Pour maximiser ses chances, les bons conseils ne seront jamais de trop. C'est ce qu'ont fait deux avocats de Québec, lors d'un séminaire technique, il y a quelques mois, dans le contexte du congrès mondial des technopoles, qui réunissait à Québec des centaines de personnes. Dans un monde qui fait de plus en plus bouger les choses, mais aussi les idées, les bons conseils de Valérie Jordi et Marc Leclerc du cabinet d'avocats Joli-Coeur, Lacasse, Geoffrion, Jetté, St-Pierre sont bienvenus.

Alors comment réussir une bonne négociation d'ententes de transfert de technologie au niveau international?

Première règle: se préparer! Et bien se préparer.

Une bonne préparation devient évidemment un atout, voire une nécessité, pour réussir et permet d'abord d'avoir une approche structurée dans sa démarche de négociation. Imaginez-vous simplement ce qui vous attend si vous négligez de vous préparer, mais que votre vis-à-vis est, lui, très bien préparé? Vous trouverez le temps très long et ressortirez quasi assurément beaucoup plus affaibli que vous auriez dû autrement.

Il y a six éléments clefs à considérer dans la préparation:

  • le pays de destination;
  • l'objet de la négociation;
  • les acteurs;
  • le moment;
  • le lieu;
  • enfin le moyen de réussir cette négociation.

Il faut connaître les contraintes légales du pays en question (lois du travail, environnementales, sur la concurrence, conventions internationales non signées...), de même que sa structure politique (État unitaire, fédéral...).

Déterminer clairement nos objectifs et nos aspirations quant à l'objet de la négociation dès le départ peut permettre d'éviter des pertes de temps impardonnables. « Imaginez ses deux enfants qui se battaient pour la même orange, alors que finalement l'un voulait l'écorce pour jouer et l'autre le fruit pour manger; en discutant sur leurs objectifs dès le départ ils auraient résolu leur différend très rapidement! », image Jean Leclerc.

Des acteurs externes interviennent-ils (gouvernements, associations diverses)? Des acteurs internes à la négociation sont-ils à prévoir? (Déléguer à un agent permettra un détachement émotionnel, mais vous impose une perte de contrôle des événements. Comment faire face à l'agent de l'autre partie?) « L'avantage, avec un agent, c'est que l'autre partie sait qu'il n'est pas décisionnel et elle va donc moins le pousser (...)et cela impose de donner plus de temps pour décider », explique Jean Leclerc.

Se fixer une date limite de conclusion du contrat à négocier, proposer des échéanciers en plus de déterminer à l'avance le meilleur moment pour l'amorcer peut beaucoup aider. Tout comme le choix d'un lieu qui semble à notre avantage.

Faire une liste des points à discuter fait partie des moyens de réussite de la négociation. Et il n'y a pas ici de recette magique quant à l'ordre de présentation (du plus simple au plus compliqué ou l'inverse, ceux sur lesquels on est en position de force en premier ou l'inverse). Il est de bon conseil de préparer ses propositions minimales et de se laisser une marge de manoeuvre. De se proposer pour rédiger l'entente est un avantage sur le plan stratégique.

PRINCIPES GÉNÉRAUX D'UNE NÉGOCIATION

Les principes importants d'une bonne négociation sont nombreux:

  • Il n'est généralement pas productif de négocier sur la base des positions respectives des parties. Les ententes qui en résultent ne sont pas nécessairement raisonnables et surtout, il ne s'agit pas d'une façon efficace de procéder parce qu'il faudra faire des compromis face au réflexe de partir la mise le plus haut possible.

  • L'alternative, c'est de mettre l'accent sur les intérêts des parties, plutôt que sur leurs positions respectives. Les intérêts de chacune des parties définissent le problème entre des positions opposées, il existe des intérêts partagés et des intérêts en conflit. Il importe de bien les identifier et de les faire connaître à l'autre partie.

  • À partir des intérêts de chacun, on cherche ensuite des options favorisant les intérêts respectifs. Penser qu'il existe une seule solution peut se révéler une erreur. Il peut être à notre avantage de trouver une solution pour l'autre partie. Pour ensuite déterminer la solution à adopter, il faut identifier des critères objectifs de décision. La solution a ainsi plus de chance d'être raisonnable, amicale et efficace.

  • Il importe de distinguer les personnes et le problème à résoudre. Il est dangereux de tomber dans le piège de mélanger les questions de fond et les questions de relations entre les personnes. Et si un problème de relations entre les personnes se manifeste, il est important de se pencher spécifiquement sur celui-ci, à travers ses divers aspects: les perceptions de chacune des parties, leurs émotions, les communications et la prévention des conflits personnels. Pour mieux comprendre les perceptions d'une partie on peut, entre autres, tenter de se mettre à sa place, discuter avec elle et ne pas déduire ses intentions à partir de nos peurs. Les émotions ne peuvent pas être ignorées non plus et il faut les reconnaître comme légitimes. Chaque partie doit pouvoir exprimer ses émotions.

  • Enfin, chaque partie devrait connaître avant de s'engager dans une négociation ses options en cas d'échec et, particulièrement, sa « Meilleure Option Si il n'y a Pas d'Entente Négociés », dit MOSPEN. Un MOSPEN qui devient votre étalon pour évaluer le résultat de vos négociations.

LES ASPECTS CULTURELS

On négocie avec des gens, pas avec des machines! Gérer les émotions dans un contexte de relations interpersonnelles impliquant, au surplus, plusieurs cultures commande un minimum d'attention.

« Il y a des pays où montrer ses émotions est habituel, d'autres pas », avertit l'avocate Valérie Jordi. L'accueil varie aussi selon le pays. Il est important de dire « Monsieur » en France. Regarder droit dans les yeux s'est poli, voire attendu, en France, mais impoli en Asie du Sud-Est. Un comportement solennel est plus de rigueur en Europe, un comportement relax plus habituel en Amérique.

Même la manière de manger prend de l'importance. Ne coupez pas vos pâtes en Italie! Et faire un cadeau sera bien vu ici, mal vu ailleurs. Quand la ponctualité c'est 5 minutes d'avance en Chine, mais 15 minutes de retard en France, on mesure toute l'importance de prendre en compte les aspects culturels dans un processus de négociation.

N'attendez pas de découvrir d'expérience que les échéanciers commandent un respect strict pour un anglo-saxon, qui parfois ira devant la justice pour un non-respect, alors que cette préoccupation est inexistante pour un libanais et très malléable pour un français. Au Japon, la table de la négociation n'est pas un lieu où l'on change d'avis. Autre surprise qu'il est préférable d'éviter: apprendre trop tard qu'en Asie un contrat est en constante négociation.


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Commerce Monde #34