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Groupe Normand remporte le prix Premio Venezia 2002
En Italie, vaut mieux connaître les «Districts industriels»!

par Daniel Allard

Pour sa première édition, Premio Venezia, le prix d'excellence en échanges commerciaux entre les entreprises de l'Est du Québec et l'Italie, avait retenu trois finalistes. Cette édition 2002 a finalement été remise le 6 février 2003 à Groupe Normand inc., de Lévis, devant les deux autres finalistes: Atlas Bains et Céramiques et Les Importations Olea inc.

André Normand, le PDG de l'entreprise, a reçu le prix des mains de Gian Lorenzo Cornado, le consul général d'Italie à Montréal, qui était aussi le conférencier invité pour l'occasion. Cette initiative du Chapitre de Québec de la Chambre de commerce italienne au Canada reviendra d'ailleurs en 2003, a confirmé son président, Raymond Bélanger. (L'édition 2003 de Premio Venezia sera remise en novembre 2003.)

Le Groupe Normand est actif dans la vente et le service de machineries, d'outillages et de fournitures pour l'industrie de la transformation du bois. Propriété de cinq de ses cadres, l'entreprise compte 55 employés répartis entre Lévis, Sherbrooke, Montréal et Toronto. Normand a développé des relations privilégiées avec ses fournisseurs italiens allant jusqu'à amener en Italie des clients canadiens pour visiter les fournisseurs et des utilisateurs des produits visés.

André Normand est donc un homme d'affaires ravi qui attribue son succès en Italie d'abord à la qualité de ses fournisseurs: « (...)les Italiens sont actuellement, à travers le monde, ceux qui offrent le meilleur équipement, surtout pour l'instrumentation numérique, et ils sont le plus en mesure d'aider nos clients à devenir de meilleurs exportateurs », explique-t-il. De plus, il souligne l'importance du fait que Groupe Normand, en affaires depuis une cinquantaine d'années, entretient des relations d'affaires depuis une vingtaine d'années avec ses principaux fournisseurs italiens, dont environ 20 entreprises sur une base très courante. Globalement, à partir de son réseau d'une quarantaine de fournisseurs, Groupe Normand réalise un chiffre d'affaires annuel de 4 à 5M$ en Italie, manifestement le plus important de la douzaine de pays d'Europe et d'Asie d'où il importe.

Albert G. De Luca, l'actuel président de la Chambre de commerce italienne au Canada - Montréal, également présent, était fier de faire savoir que celle-ci a été classée, pour 2001, la troisième en importance au monde. Ce classement est basé sur le chiffre d'affaires que génèrent les activités de chacune des quelque 70 chambres de commerce italiennes dans 60 pays à travers le monde. « Après celles de Paris et de Francfort, c'est cette fois Montréal... avant New York », expliquait-il.

Avec environ 3 500 personnes, la communauté italienne est également très dynamique dans la région de Québec. L'Italie compte par ailleurs sur la présence permanente d'un consul honoraire à Québec depuis plusieurs années, en la personne de Riccardo Rossini.

Comme le Québec, l'Italie est connue comme une terre de PME. Il y a en fait quelque 5 millions de petites et moyennes entreprises dans ce pays de 50 millions d'habitants. Mais pour y réussir en affaires, il vaut mieux connaître les «Districts industriels» !

LA RECETTE DES « DISTRICTS INDUSTRIELS »

Depuis quelques années, le phénomène des Districts Industriels italiens est suivi avec une attention particulière. Des études de cas sur les Districts, choisis pour leur capacité à concilier développement et emploi, ont été l'objet de discussions lors des réunions du G7 et des sommets de l'Union Européenne. Des délégations de journalistes, d'universitaires et d'administrateurs de plusieurs pays souhaitent être accueillies dans les Districts pour interviewer les entrepreneurs, les administrateurs locaux et les syndicalistes. La diplomatie économique italienne utilise les Districts comme un atout dans la promotion de l'image du «Made in Italy». Plus récemment, de prestigieuses écoles de commerce ont commencé à s'y intéresser afin de recueillir des indications normatives utiles pour les multinationales.

Au-delà du battage des chroniqueurs à la recherche de nouveautés, quelques repères se profilent dans le développement économique du pays: les Districts constituent le plus vaste réservoir de ressources et de savoirs diffus de l'industrie italienne; ce sont les réalités qui ont su le mieux préserver le patrimoine artisanal, artistique, naturel, culturel et gastronomique hérité du passé, tout en nourrissant des ferments de nouveauté et l'envie de se mesurer aux défis de la mondialisation. Ces Districts constituent aussi une réponse originale et efficace au nouveau système concurrentiel qui est en train de voir le jour sur les cendres des systèmes de production de masse.

DES « DISTRICTS INDUSTRIELS »
C'EST QUOI?

Les « Districts Industriels » sont, généralement parlant, des systèmes territoriaux circonscrits (dans les expériences italiennes, les plus grands comptent entre 400 et 500 000 habitants), caractérisés par:

  • la spécialisation dans la fabrication d'une famille particulière de produits; en pratique, un secteur important qui fait partie intégrante de l'identité du territoire (le marbre de Carrare, les casseroles et les robinets de la province de Novare et de Verbania, la bonneterie de Capri, les tissus de soie de Côme, les bas de Castelgoffredo, les boutons de Grumello, etc...);
  • un tissu productif composé en grande partie de petites et moyennes entreprises et d'un nombre consistant d'entrepreneurs;
  • la division articulée du travail entre les entreprises qui tendent à se spécialiser dans l'une des phases de fabrication (leur façon d'opérer rappelle les derniers instants d'un concert lorsque « sans aucune concertation préliminaire, l'éclat des applaudissements s'organise petit à petit en applaudissements rythmés »). Un capital social particulier constitué d'un savoir-faire diffus, de relations de confiance, d'un esprit d'émulation et de canaux confidentiels pour la circulation des informations constitue, en effet, le code génétique des Districts;
  • la présence d'un réseau efficace d'activités de services, publics et privés, qui travaille en prise directe avec les entreprises du secteur caractéristique;
  • une vie économique et sociale réglée, de façon non conflictuelle, par des associations de catégorie et des organisations syndicales;
  • un sens civique élevé qui caractérise aussi bien les opérateurs économiques que la vie culturelle (associations, cercles culturels, volontariat…) et administrative;
  • l'interpénétration des activités économiques et de la vie culturelle et sociale des habitants (écoles, instituts de formation, musées industriels, chroniques locales des quotidiens, etc…).

Les Districts italiens ne sont pas exempts de problèmes, bien entendu, et leur recette pour le développement n'est ni la seule, ni la meilleure, mais le menu qu'elles proposent est celui que de nombreux gouvernements voudraient aujourd'hui réaliser:

  • des entreprises dynamiques, enracinées sur le territoire et projetées sur les marchés internationaux;
  • un taux de chômage contenu et un taux d'activité supérieur à la moyenne;
  • une participation élevée de la population féminine aux activités économiques;
  • des revenus par personne supérieurs à la moyenne nationale (et souvent à la moyenne européenne).

L'attrait des Districts est lié à une pluralité d'éléments de type économique, social et territorial. Dans le classement mondial effectué chaque année par l'IMD de Lausanne, l'Italie occupe la 34e position, en contradiction avec la 5e place inhérente au produit national brut et la 3e place de la balance commerciale, mais également en contradiction avec la 46e place inhérente à la qualité des services de l'administration publique, la 45e place ayant trait à l'efficacité du système parlementaire, la 43e place relative à la pression fiscale sur les entreprises et la 42e place ayant trait à l'équipement et à la gestion des infrastructures. Différentes interprétations de ces anomalies italiennes ont été proposées, la plupart soulignant que les véritables protagonistes de cette brillante performance économique sont les petites et moyennes entreprises des Districts Industriels qui, avec leurs exportations, ont alimenté le succès du «Made in Italy» : environ un tiers des exportations italiennes est produit par des entreprises qui travaillent dans les Districts Industriels. Ces petites entreprises sont parvenues à conquérir, au niveau international, des parts consistantes de marchés dans une série de productions riches en contenus immatériels comme la mode, le design, la sensibilité pour les belles choses qui se basent sur des facteurs historiques, culturels et sociaux liés à l'histoire de l'Italie et à son style de vie particulier. Incidemment, le rôle des Districts est devenu déterminant dans tous les secteurs dont l'Italie est désormais protagoniste sur les marchés internationaux.

LE POIDS ÉCONOMIQUE DES DISTRICTS

Dans les études d'organisation industrielle, le concept de « Districts Industriels » a été introduit par Alfred Marshall vers la fin du XIXe siècle. Longtemps en marge des doctrines économiques, il a été repris dans les années 70 par Giacomo Becattini dans ses études sur l'industrialisation « légère » de la Toscane.

Les Districts se sont développés dans les régions du centre et du nord-est, mais depuis quelques années, le phénomène se propage également au Sud.

L'Institut national de statistique
en a identifié 200
en Italie

Ces dernières années, plusieurs tentatives ont été faites pour tracer la carte des Districts italiens. L'Istat (institut national de statistique) en a identifié 200. Les données suivantes soulignent bien le poids économique des Districts dans l'économie italienne:

  • 2 200 000 actifs dans le secteur manufacturier, soit 42,5% de l'emploi manufacturier en Italie;
  • 90 000 entreprises des secteurs de spécialisation;
  • 80 milliards $US de chiffre d'affaires (environ 60% des produits «Made in Italy»);
  • 35 milliards $US à l'exportation (44% de la production réalisée dans les Districts Industriels).

ENTREPRENEURS ET DISTRICTS INDUSTRIELS

Après la Seconde Guerre mondiale, l'Italie a pris sa place dans la division internationale du travail en misant sur la production de biens que de nombreux économistes ont jugés adaptés uniquement aux pays où le coût du travail est faible. L'évolution de la consommation dans les pays industrialisés n'a pas récompensé les coûts de production faibles, mais la capacité d'offrir des biens au contenu relationnel élevé comme le design, la personnalisation, l'esprit du temps. L'organisation caractéristique des Districts Industriels, avec des PME nombreuses et flexibles et un patrimoine social et culturel particulier, s'est avérée très efficace dans la production de ce type de biens.

Le succès des Districts a été interprété de plusieurs façons et, souvent, des facteurs historiques ou culturels, comme « l'effet Renaissance », ont été mis en cause. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la compétitivité et la grande capacité d'adaptation et d'innovation des entreprises qui travaillent dans les Districts. Il est en effet impensable, à l'époque de la mondialisation, de ne baser le succès des Districts que sur des facteurs culturels. Des experts, qui se sont penchés sur les entreprises des Districts, ont mis en évidence une série d'atouts extrêmement efficaces qui représentent un style d'entreprise original, modelé au cours du temps sur les caractères suivantes:

  • la compétition interne: la vie des entreprises des Districts n'est pas facile, car la concurrence est importante; chaque District compte des dizaines d'entreprises qui se disputent des facteurs de productions et des parts de marché; la compétition les pousse vers les frontières de l'efficacité économique;
  • les compétences au niveau de la fabrication: les entreprises des Districts ne disposent pas de manuels d'utilisation internes, mais possèdent un grand patrimoine technique et d'organisation, renouvelé de façon informelle; de plus, les Italiens sont très habiles dans la production des machines utiles aux différentes fabrications des Districts; l'Italie produit plus de machines pour l'industrie que les États-Unis et elle en est le troisième exportateur après l'Allemagne et le Japon;
  • les styles d'entreprise: les structures de production des Districts sont légères, les entreprises sont à caractère familial; les modèles d'organisation sont simples, les systèmes d'aide très efficaces;
  • l'effet foire: la concentration de nombreux producteurs d'un même secteur (les Districts justement) dans un rayon de quelques kilomètres permet aux clients d'avoir un aperçu global de l'offre comme à l'occasion d'une foire;
  • les recherches de marché collectives: les entrepreneurs des Districts sont dynamiques et voyagent sans cesse à travers le monde; le contact personnel direct entre des centaines d'entrepreneurs et les clients permet de collecter des informations détaillées et de première main sur les tendances de la demande; ces informations sont sélectionnées et traduites en programmes de production qui guident l'activité des entreprises dans les Districts; sous cet aspect, aucun institut de recherche ne peut rivaliser avec les entrepreneurs en matière d'étude de marchés;
  • des échanges fréquents entre les entreprises qui connaissent parfaitement leurs produits et un système de services avancés qui vont du design à la finance, en passant par la presse spécialisée, le marketing et l'hôtellerie.

Pour en savoir plus, particulièrement sur les opportunités d'investir en Italie:

www.sviluppoitalia.it


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Commerce Monde #34