LE MOT DE ROUTHIER

Les péquistes et l'ADQ ont fait perdre le pouvoir au Parti québécois

par Benoit Routhier

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a remporté les élections du 14 avril dernier. Il faut reconnaître à son chef, Jean Charest, qu'il a bien travaillé durant quatre ans pour se mériter de prendre les rênes du gouvernement. Mais, ne lui en déplaise, ce n'est pas grâce à lui si le PQ s'est fait montrer la porte.

" Nihil novi sub sole ", la plupart du temps, quand les citoyens décident de se donner un nouveau gouvernement dirigé par un parti jusqu'ici dans l'opposition, ils votent CONTRE le gouvernement sortant parce que ce gouvernement ne les a pas servis comme ils le souhaitaient. L'histoire s'est répétée en avril. Les Québécois n'ont pas voté pour le PLQ, pour Jean Charest et encore moins pour leurs promesses. Les citoyens commencent à voir avec un certain cynisme et réalisme les promesses électorales. Il était temps... Les Québécois ont voté CONTRE un gouvernement qui leur en a fait voir de toutes les couleurs... plutôt sombres.

Les Québécois n'ont pas prisé le " bordel " que le gouvernement péquiste a instauré dans les hôpitaux. Rappelons-nous qu'au moment même où le ministre titulaire de la Santé, Jean Rochon, avait besoin de plus d'argent pour entamer sa réforme, le premier ministre d'alors, Lucien Bouchard, et le ministre des Finances du temps, Bernard Landry, lui ont bousillé sa réforme en lui imposant, comme aux autres ministres, des coupures draconiennes pour atteindre le sacro-saint déficit zéro.

Les Québécois ont voté contre un gouvernement péquiste qui n'a pas exercé un contrôle assez sévère sur les dirigeants d'organismes comme la Caisse de dépôts et placements et la SAAQ et la SAQ qui s'en sont donnés à cœur joie avec l'argent du public. Les Québécois ont voté contre un gouvernement péquiste qui a accordé sa bénédiction à des primes de départs scandaleuses de dirigeants d'organismes paragouvernementaux. Les Québécois ont voté contre un gouvernement qui a laissé ses hauts fonctionnaires se livrer à un gaspillage des fonds publics en se lançant dans des actions coûteuses avant même d'en avoir analysé la pertinence.

Les Québécois ont voté contre un gouvernement qui semblait n'avoir plus le sens de la direction, un gouvernement qui s'en allait de tous bords, tous côtés comme un chat qui court après sa queue. Le dernier exemple: le virage à droite sur feu rouge (VDFR). Que d'argent public gaspillé pour dire aux automobilistes de continuer à faire comme avant... arrêter aux feux rouges! Les Québécois ont voté contre un gouvernement qui leur a imposé des fusions municipales.

Si les Québécois n'avaient pas été si désabusés face au gouvernement sortant, ils n'auraient pas voté en si grand nombre pour l'Action démocratique du Québec (ADQ) du jeune Mario Dumont, ce qui a eu pour effet de faire passer le candidat libéral avant le candidat péquiste dans bien des comtés et ainsi permettre au PLQ d'accéder au pouvoir.

Si le premier ministre Charest et son parti ne veulent pas que les Québécois votent CONTRE un gouvernement libéral dans quatre ans, qu'ils gardent toujours à l'esprit qu'ils sont là pour SERVIR et non SE servir.

SUS AU NO FAULT

Le nouveau ministre de la Justice du Québec, Me Marc Bellemare, se prépare à faire une grosse bêtise qui coûtera cher aux contribuables. Il veut, ça fait des années qu'il est parti en guerre pour cette cause, SA cause, abolir le système du " no fault " instauré par le gouvernement du Québec en 1978. En vertu de ce système, les victimes d'accidents de la route sont indemnisées dans un temps assez court et n'ont pas à poursuivre le responsable de l'accident. Le système du " no fault " est basé sur le principe de " la personne d'abord ". Ce système québécois d'indemnisation des victimes de la route fait l'envie des autres provinces qui, pour plusieurs, analysent la façon de l'implanter chez elles.

L'abolition de ce système signifierait un retour en arrière inacceptable. Ça signifierait l'instauration d'un système qui permettrait aux victimes de la route de poursuivre les responsables, des gens insolvables la plupart du temps. Les victimes qui poursuivraient le responsable d'un accident perdraient un temps fou dans des tracasseries incommensurables et, probablement, dans la plupart des cas, pour rien. Le ministre Bellemare, je préférerais ici parler de l'avocat Bellemare, veut mettre fin à l'indemnisation du responsable d'un accident qui subit lui-même des blessures. Il faut savoir que dans les autres provinces on n'indemnise pas les criminels et ça coûte plus cher. Parlez-en aux Néo-Brunswickois. Tout cela pour quelques rares cas de conducteurs irresponsables. En 2002, il y eut 53 de ces cas sur plus de trois millions (3 000 000) de conducteurs!

En fait, l'abolition du no fault bénéficierait quasi uniquement aux avocats, comme le disait, à une station radiophonique, un spécialiste de l'Université Laval. Et aux compagnies d'assurances qui en profiteraient pour augmenter leurs primes.

La question de l'opportunité d'imposer une punition, un châtiment aux responsables d'accidents est une autre chose. Il est possible de décider de mesures en ce sens et de conserver le système actuel du " no fault ". Par ailleurs, l'avocat Bellemare veut faire payer aux criminels de la route les frais de leurs séjours en prison et les indemnités aux victimes. Ce serait créer une catégorie spéciale de criminels. Pendant que les responsables d'accidents de la route seraient ainsi traités, des tueurs dangereux ou des violeurs n'auraient rien à défrayer. Aberrant!

Je prie instamment le premier ministre Charest de bien guider son ministre Bellemare dans ce dossier.

LES "DÉFUSIONS"

Le dossier des " défusions " est un autre sujet chaud pour le nouveau gouvernement du Québec. Le Parti libéral du Québec s'est fait des alliés des défusionnistes et grâce à eux, en partie, il a été porté au pouvoir, car il leur a fait miroiter la possibilité d'un retour en arrière et, pour les maires des municipalités disparues, celle de retrouver leur trône.

Tout le monde attend avec impatience le projet de loi cadre à ce sujet. Il faut s'attendre à ce que le premier ministre Charest passe la commande de concocter un projet de loi si contraignant qu'il sera à toutes fins utiles impossible de procéder aux défusions. Exigera-t-il, par exemple, la signature de 25% ou 40% de la population d'une ancienne municipalité avant de recourir à un référendum? Ce sera difficile à récolter... Décidera-t-il que tous les citoyens de la grande ville issue des fusions se prononcent comme semble le vouloir le maire de Québec, Jean-Paul L'Allier? Il a déjà dit non à cette option. Tiendra-t-il cette position? Et peut-être sortira-t-il des études qui démontreront qu'une défusion comportera des coûts énormes qui devront être payés par les contribuables de l'ancienne ville en voie de résurrection?

Beaucoup de questions auxquelles nous avons hâte d'avoir des réponses. Ce qui est plus certain, c'est que le projet de loi pourrait bien contenir des mesures d'équité fiscale qui feraient que les défusions n'entraîneraient aucune diminution des comptes de taxes. La défusion deviendrait ainsi moins intéressante pour la population, quoique toujours attrayante pour un ancien maire qui veut retrouver son siège...

Un projet de loi acceptable serait celui qui encouragerait la population à accepter les nouvelles villes à la condition que les dirigeants de ces villes accordent plus de pouvoirs aux arrondissements. Cela pourrait se traduire par un fonctionnarisme moins lourd et moins tâtillon et, partant, par de meilleurs services à la population. Il y a bien assez que les populations des anciennes villes de banlieue ont, avec les fusions, subi un déficit démocratique, elles ont droit à des services au moins égaux à ce qui existait avant la fusion. D'autant plus que ces mêmes populations paient aujourd'hui les pots cassés des administrations laxistes et parfois marquées au sceau de l'incompétence des villes-centres.

Mais les maires d'au moins deux villes de la région, MM. L'Allier de Québec et Garon de Lévis, n'ont pas l'air de vouloir aller dans le sens d'une décentralisation des pouvoirs vers les arrondissements. Ça commence mal...

Enfin, le nouveau gouvernement serait bien avisé de tenir une commission parlementaire sur le sujet, lui qui n'a cessé d'accuser le gouvernement péquiste de faire un grave accroc à la démocratie en imposant les fusions.


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Commerce Monde #35