VEILLE D'AFFAIRES

Appellation non contrôlée

par Richard Legendre, T.Sc.A.
Veilleur technologique et courtier en information
Service d'information industrielle du Québec
legendre@siiq.qc.ca

Contrairement au vin, cette nouvelle fonction qui consiste à gérer la ressource informationnelle ne fait l'objet d'aucune appellation contrôlée. Pour compliquer les choses, la richesse de la langue française permet d'utiliser plusieurs termes différents pour identifier le travail et ces artisans de la nouvelle économie du savoir: Veille, veilleur, Vigie, vigile, Intelligence, Observatoire. La langue anglaise ne pouvait compter que sur le mot "intelligence" jusqu'à tout récemment où l'expression "knowledge management" s'est ajoutée au jargon de cette nouvelle industrie de l'information. Rapidement, les équivalents s'ajoutèrent à la liste francophone : Gestion du savoir ou de la connaissance.

Linguistiquement parlant, tous ces termes peuvent décrire les activités liées à l'industrie de l'information. Cependant, cette multitude de termes peuvent semer la confusion chez les entrepreneurs qui connaissent peu ou pas du tout l'existence d'une véritable industrie de l'information.

On peut regrouper en trois grandes catégories ces artisans de la nouvelle économie du savoir :

PRODUCTEURS D'INFORMATION

Dans cette catégorie, on retrouve principalement des éditeurs de documents tels que magazines, journaux, livres, bottins, études ou autres documents sous format papier. Les éditeurs électroniques proposent des produits d'information variés comme les banques de données (privées ou publiques), les webzines, les cédéroms, les DVD, etc.

STOCKERS D'INFORMATION

Très souvent, on lie ce groupe de spécialistes à celui des producteurs d'information. L'aspect édition ou rédaction de l'information distingue les stockeurs des producteurs d'information. Les stockeurs d'information vont conserver des documents et les indexer afin de permettre de les retrouver facilement dans la collection. Bibliothèques, centres de documentation publiques ou privés forment l'essentiel des acteurs de ce groupe. De plus en plus souvent, on offre la possibilité de se procurer à distance des documents. La numérisation des documents permet et facilite la transmission et la consultation de documents à distance. La négociation des droits d'auteur nécessite plus d'efforts que l'aspect technologique. Parmi les stockeurs d'information, on retrouve les GRANDS tels la Bibliothèque du Congrès américain, le British Library, la Bibliothèque Nationale de Paris et l'Institut canadien de l'information scientifique et technique (ICIST). Habituellement les plus petits stockeurs se spécialisent ou même se sur-spécialisent. Un bel exemple de haut niveau de spécialisation est le centre de documentation de la Commission des valeurs mobilières qui offre une collection de documents émanant des entreprises publiques inscrites en bourse (rapports annuels).

COURTIERS D'INFORMATION

Tout comme dans l'industrie manufacturière, on retrouve des intermédiaires pouvant permettre à des petits utilisateurs d'avoir accès à certains produits. Les courtiers d'informations peuvent aider le consommateur à trouver la(les) source(s) d'information la(les) plus utile(s) pour son besoin. En plus de leurs grandes connaissances des sources d'informations, le recours à un courtier d'information permet au petit consommateur d'accéder à des sources d'information privée dispendieuses. En effet, certaines banques de données privées exigent des frais fixes mensuels ou annuels trop importants pour un petit utilisateur. Ces frais fixes peuvent se répartir sur l'ensemble des clients d'un courtier diminuant ainsi la facture individuelle. De plus, on doit habituellement suivre des cours pour connaître la structure de la banque de données afin d'optimiser les résultats de la recherche et diminuer les coûts en temps\machine associés à l'utilisation.

Le processus de transition qui nous amène à une société du savoir oblige les consommateurs d'information à raffiner leurs habitudes afin d'être des consommateurs avertis. Malheureusement, tel que mentionné au début de cet article, il n'existe pas d'appellation contrôlée pour les produits d'information. Certains nouveaux fournisseurs de l'industrie de l'information (producteurs, stockeurs, courtiers) et même développeurs de logiciels tentent de se démarquer de la compétition en laissant croire qu'un terme utilisé par un concurrent se limite à une portion du travail de traitement de l'information. Ne vous laissez pas berner par les étiquettes utilisées et vérifiez la portée des services offerts.

  • S'agit-il d'information brute, analysée ou d'une synthèse de l'information?
  • Quelles sources d'information feront l'objet d'une recherche?
  • Quels types de résultats peuvent être espérés?
  • Quel est le niveau de probabilité de trouver l'information désirée?
  • Quel est le lien entre l'information traitée et le fournisseur de celle-ci?

Voici un bon truc pour permettre au consommateur d'identifier le type de fournisseur d'information auquel il a affaire. Soyez attentifs; si le fournisseur fait mention de quantité, vous avez probablement affaires à un producteur d'information. "Notre répertoire contient des informations concernant 4 600 entreprises" ou encore "Notre journal, publié à toutes les semaines, contient 75 pages regroupées en 7 cahiers thématiques différents." Le producteur d'information ne peut vous vendre que l'information produite.

Le stockeur d'information vous posera des questions visant à identifier la source d'information afin de lui permettre de retrouver le document dans son système d'indexation. Descripteur, nom de l'auteur, nom du document, du titre de l'article, nom de l'éditeur, numéro d'ISSN ou d'ISBN et année de publication figurent parmi les éléments nécessaires pour trouver le document recherché. Le stockeur ne peut vous vendre que l'information emmagasinée.

Le courtier d'information tentera d'identifier le besoin précis d'information que vous recherchez. Il vérifiera avec vous les démarches que vous avez déjà effectuées sans succès afin d'éviter le dédoublement d'efforts et de déterminer le niveau de difficulté de la recherche d'information. Il proposera au client une stratégie de recherche en fonction de ses connaissances des sources d'information offrant un potentiel pour la demande du client. Le courtier tentera de livrer le moins d'information en terme de quantité, mais plus d'information en terme de qualité en fonction de la cible définie par le client. Le courtier n'emmagasine pas d'information, ou ne produit pas d'information. Il vend un service de recherche, de cueillette, d'analyse et de synthèse de l'information selon le cas.

Vous devriez percevoir des professionnels de l'information une sensibilité et un respect pour les questions relatives aux droits d'auteur. Les stockeurs et les courtiers traitant l'information produite par des tiers y démontrent un respect plus marqué.

Soyez donc avisé et posez les questions appropriées afin de vérifier la portée des services d'information qu'un fournisseur vous propose. Il serait surprenant de voir apparaître une appellation contrôlée pour les produits d'information. Lors de colloques internationaux et à l'intérieur d'associations professionnelles telle la Society of Competitive Intelligence Professionals (SCIP), cette question a fait l'objet de nombreuses discussions. Il y aura toujours place pour un esprit imaginatif de trouver les mots pour décrire une réalité aussi malléable qu'abstraite que l'information.

Personnellement, j'aime bien le mot veille, car il se définit comme le jour qui précède celui dont on parle. C'est donc le présent (aujourd'hui) en fonction du futur (demain). À partir des informations disponibles aujourd'hui, tentons de voir venir demain, afin d'être proactifs plutôt que réactifs.

En cette veille de vacances estivales, je vous souhaite un bel été sans trop d'avis de "veille météorologiques"!


Retour à la Une

Imprimer cet article

Commerce Monde #36