LE MOT DE ROUTHIER

Pierre Bourgault, etc.
Le porteur du rêve québécois est parti, mais les profiteurs, eux, sévissent toujours

par Benoît Routhier

Pierre Bourgault nous a quitté, victime de la cigarette pourrait-on ajouter. Même si sa mort remonte déjà à un certain temps, je ne peux la passer sous silence. Pierre Bourgault a trop marqué l'histoire récente du Québec pour que je n'en parle pas.

Ces dernières années je le trouvais parfois verbeux et ça me rendait triste de l'entendre discourir de sujets insignifiants à la radio. Mais il participait à des émissions qui se prêtaient à ce genre de futilités. Et il faut dire que c'est la société qui l'a conduit dans ce sillage. Il avait voué sa vie à l'indépendance du Québec, mais ce but a simplement été rejeté par la majorité de la population qui ne veut plus entendre parler ni de référendum ni de souveraineté. Il faut parler RÉER, profits, placements, etc. Pierre Bourgault a été le porteur du grand rêve du Québec que, hélas, la population n'a pas voulu réaliser, par peur. Par peur de perdre le semblant de confort dans lequel elle vit. On a déjà dit qu'on ne fait pas de révolution avec des gens qui ont le ventre plein. C'est probablement notre lot.

Je deviens nostalgique quand je pense et revit en esprit les années 60 et 70. La Révolution tranquille, les grandes réformes, en éducation, en santé. La société était en ébullition. Les Québécois avaient soif. Soif de changement, d'avancement, de développement. On a alors connu nos plus belles années. Pendant que les Lesage, Lévesque et Johnson menaient le Québec aux portes du modernisme, un jeunot du nom de Pierre Bourgault haranguait les foules, les invitant à faire du Québec un pays au sein duquel nous serions fiers de travailler à l'édification d'une société unique. Pierre Bourgault a été un pionnier de l'indépendance et malgré toutes les difficultés rencontrées sur son chemin il n'a jamais cessé de travailler à réaliser le rêve québécois.

Il est allé jusqu'à sacrifier son parti, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) et même son avenir politique pour la cause. En 1968, il a laissé tout son bateau à René Lévesque, croyant que ce dernier et son Parti québécois avaient plus de chances de concrétiser le grand rêve. Le PQ a pris le pouvoir. La marmite québécoise a bouillonné encore un bon moment. René Lévesque a lui aussi porté le flambeau du Québec bien haut pendant des années. Le premier référendum a sonné le retour à une société endormie. Elle s'est endormie davantage depuis 1995, après le deuxième référendum. Le Front de libération du Québec (FLQ) a beaucoup nui à Pierre Bourgault qui, s'il aimait bien provoquer, n'a jamais été un violent prêt à poser des bombes. Je m'ennuierai longtemps de Bourgault, de son temps, de son verbe, de ses envolées oratoires, de sa langue si belle, de sa fougue, de sa foi. De son rêve aussi...

Pierre Bourgault était très différent des gens dont je parlerai dans les prochaines lignes. Des gens de sa génération pourtant.

L'INDÉCENCE DES VIEUX

On entend souvent les générations les plus âgées, dont les babyboomers, critiquer les jeunes pour leur esprit matérialiste. Ces générations accusent les jeunes de ne penser qu'au matériel, de ne pas avoir de conscience sociale, de n'avoir que faire de la justice sociale. Il ne faut pas oublier que ces sont ces générations qui les ont élevés. Et qui leur ont donné l'exemple. Et les exemples ne manquent pas. Ils pleuvent!

Regardons uniquement du côté de nos chers élus ou ex-élus. Quand nos députés et ministres se font battre ou se retirent de la politique active, que font-ils? Ils jouent de leurs contacts pour se trouver une planque dans le giron gouvernemental. Une planque payante, très payante. Et il y a leurs amis. Je pense à des gens qui sont nommés à la tête d'organismes paragouvernementaux, Via Rail, etc., pour les récompenser d'avoir bien servi qui un politicien, qui un parti. Je pourrais en nommer plusieurs dont la carrière s'est terminée dans des postes de direction pour lesquels ils n'avaient pas de compétence particulière. Ils sont arrivés là soutenus par les amis politiciens et ces postes leur ont donné l'occasion de piger allégrement dans l'assiette au beurre, l'argent du public. Je me contenterai de citer deux cas récents : André Ouellet et Claude Blanchet.

André Ouellet, après avoir connu une longue carrière comme député et ministre libéral, se retrouve à la présidence de Postes Canada depuis quelques années. Sa rémunération, qui est présentement de 408 000$ par an, sera augmentée pour dépasser le demi million de dollars par an ! Scandaleux !  Dans Le Soleil du mardi 15 juillet, François Legault, gestionnaire aux relations avec les médias à Postes Canada, publiait une lettre niant que M. Ouellet gagnerait bientôt plus de 500 000$. Il situe plutôt sa rémunération entre 256 000$ et 301 900$ annuellement. Tant mieux si c’est vrai. Mais M. Legault dit-il tout ? Et cela n’empêche pas qu’il s’agisse quand même d’une nomination politique.

Claude Blanchet, qui avait une rémunération très généreuse comme PDG de la Société générale de financement (SGF) a négocié une prime de départ trop généreuse. Et, qui plus est, il part avec une pension de l'ordre de 80 000$ par an! Pourtant il n'a pas passé sa vie à la SGF cet homme! Qui peut dire qu'il ne s'agit pas d'un scandale quand on pense qu'un travailleur ordinaire, après avoir sué toute sa vie pour un salaire bien ordinaire, ira finir ses jours avec une pension de 20 000$ ou 30 000$.

Ils sont légion les exemples de ces vieux routiers de la politique qui se vautrent dans les sous des contribuables sans scrupule. Et peu importe leur allégeance politique. On apprenait également récemment que 15 hauts dirigeants de la Société générale de financement se seraient partagé plus de 500 000$ en primes au rendement! Quand on sait le rendement que ces gens ont fait connaître à la SGF au cours de la dernière année... Question: pourquoi, si on donne une prime au rendement, la prime ne serait-elle pas une diminution de la rémunération quand le rendement devient négatif? Réponse: parce que ce sont les mêmes personnes avec leurs amis qui se votent ces primes... Scandaleux, je le répète.

Faut-il les remercier à genoux, ces gens, de consacrer leur vie au bien-être de la population ou faudrait-il, plutôt, leur botter le derrière en leur disant de regagner leurs terres, payées à même l'argent public?

Ce n'est pas tout. Un autre indice de cette tendance des politiciens à ne travailler d'abord et avant tout que pour grossir leur portefeuille, c'est la menace qui pèse sur les contribuables de la nouvelle Ville de Québec. Il est question, en effet, que les membres du conseil décident de ne plus pénaliser les conseillers qui s'absenteraient des réunions des commissions sur lesquelles ils siègent. Présent ou pas, le conseiller recevrait la rémunération totale prévue: 7 500$. Auparavant ces mêmes élus s'étaient voté une augmentation de rémunération de 15 000$ qui s'est ajoutée à un salaire déjà généreux que leur avait consenti le Comité de transition de la Ville de Québec. Ces gens vous diront qu'ils se sont présentés aux élections pour SERVIR la population? Mon œil! Ils pensent à eux! Pourquoi être payé pour une réunion à laquelle on n'assiste pas? Ah! Ah! C'est pas grave, c'est l'argent du contribuable...

Et regardez leur âge à ces gens. Plusieurs ont l'âge de la retraite et plusieurs sont des babyboomers aux grands idéaux... J'ai déjà écrit dans ce journal que nous vivions dans une république de bananes, en voilà d'autres preuves.


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Commerce Monde #36