SOMMAIRE

Prospective
Comment faire face à la maturation?
Québec est une capitale qui a très mal à sa démographie

par Daniel Allard

Le sujet résonne avec insistance dans l'actualité depuis 3-4 ans. Vieillissement de la population et faible procréation se conjuguant, la pyramide démographique de Québec s'enligne vers des formes moins saines et annonce des lendemains pénibles. Inexorablement? Les invitations à réagir se font de plus en plus nombreuses. Même un organisme comme la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ) a pris soin d'alimenter substantiellement la réflexion. Belle preuve que c'est bien de l'avenir de la capitale dont il est ici question!

Un mot résume la problématique: MATURATION! Et oui, la population de la région urbaine de Québec est en pleine maturation. Et le processus en cours amène vite la question brûlante: Québec vieillit-elle bien? En fait, conséquemment, Québec aménage-t-elle bien son territoire?

La CCNQ a publié, en janvier 2003, le Portrait démographique de la Communauté métropolitaine de Québec. Un document étoffé de 160 pages qui se veut une étude pertinente de l'enjeu démographique. Comme un colloque important sur le sujet est prévu pour l'automne 2003, nous en présentons ici un survol bien choisi.

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CONTEXTE DE L'ÉTUDE

Le contexte et la démarche de réalisation de l'étude reposent sur les éléments suivants:

  • Nouvelles dispositions légales qui font que la Commission de la capitale nationale du Québec formulera des avis au gouvernement relativement à la planification de l'aménagement du territoire réalisée par les entités municipales de la communauté métropolitaine de Québec.
  • Données émanant du Profil socioéconomique " La capitale en chiffres " réalisé par la Commission, lesquelles indiquaient depuis quelques années des soldes migratoires en baisse et même négatifs pour le groupe d'âge des 24-45 ans.
  • Décision du ministère des Affaires municipale et de la Métropole de se joindre à la Commission pour confier à l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) l'étude de la situation démographique de la communauté métropolitaine de Québec (CMQ).
  • Mandat donné à l'ISQ de réaliser l'étude démographique et, à l'initiative de la Commission, analyse de l'étude réalisée par trois experts de disciplines différentes.
  • Édition de l'étude de l'ISQ et des analyses d'experts en un seul document intitulé Le choc démographique, la population de la communauté métropolitaine de Québec à l'aube du XXIe siècle.

SOMMAIRE DE L'ÉTUDE

  • Dans les pays industrialisés, la croissance de la population tend à diminuer et le vieillissement à s'accentuer. Le Québec, pour sa part, suit cette tendance, mais le phénomène est plus marqué dans la région métropolitaine de recensement de Québec, que dans celle de Montréal et que dans l'ensemble des agglomérations comparables du Canada.
  • La situation s'explique notamment parce que les taux de natalité, l'immigration internationale et les soldes migratoires interprovinciaux sont relativement bas dans la RMR de Québec.
  • À l'intérieur du Québec, le solde des migrations interrégionales est dans l'ensemble positif pour la CMQ entre 1991 et 2001, surtout pour le groupe des 15-24 ans. Les jeunes adultes repartent cependant en grand nombre car le solde du groupe des 25 à 44 ans est négatif.
  • En fait, l'agglomération de Québec attire un bon nombre de jeunes qui viennent des régions périphériques, notamment de la partie Est du Québec, pour étudier dans les institutions d'enseignement supérieur. Cet apport pourrait cependant diminuer dans la mesure où la population des régions périphériques décroît rapidement. La capacité d'attraction et de rétention de Québec est plus faible que celle de Montréal qui accueille une large part des jeunes adultes qui quittent la CMQ. L'Ontario et les provinces de l'ouest du Canada exercent aussi sur eux une forte attraction.
  • La CMQ présente des traits d'une population relativement âgée. L'âge médian dans la CMQ se situe à 39,6 ans alors que dans les grandes agglomérations canadiennes à l'étude, il s'échelonne de 35,4 à 37,9 ans.

PRÉVISION POUR LA CMQ

  • La population de la CMQ continuera de croître de plus en plus lentement jusqu'en 2021 et pourrait même commencer à décroître avant si les soldes migratoires et l'immigration ne venaient pas compenser le faible taux d'accroissement naturel. À l'égard du remplacement de la main-d'oeuvre, déjà en 2011 il n'y aurait pas assez de personnes de 15-24 ans pour remplacer celles de 55-64 ans si ces dernières décidaient de prendre leur retraite.
  • Le nombre de ménages continuera d'augmenter notamment parce que le groupe des 45 ans et plus, qui inclut la génération du baby-boom, a une grande importance numérique et a la plus forte propension à être soutien de ménage. Cette augmentation du nombre de ménages s'atténuera aussi graduellement d'ici 2021.

LES IMMIGRANTS INTERNATIONAUX
BOUDENT-ILS QUÉBEC?

Simon Langlois, sociologue

" La ville et la RMR de Québec attirent peu d'immigrants internationaux. Il faut même parler d'une véritable défection ou manque d'intérêt des immigrants à l'égard de la vieille capitale, à moins qu'il n'y ait un problème du côté des structures d'accueil. Montréal exerce un plus grand attrait auprès des immigrants à cause du marché de l'emploi qui y est plus diversifié et à cause du caractère cosmopolite de la ville qui semble plaire davantage à une majorité d'entre eux. Le déséquilibre entre les deux villes sur le plan de la composition ethnique s'accentue en conséquence d'année en année.

La comparaison avec d'autres villes canadiennes de taille moyenne montre par ailleurs que Québec est dans une situation particulière sur le plan de l'immigration internationale. De toutes les grandes villes canadiennes comparables, Québec est celle qui reçoit et retient le moins d'immigrants internationaux. L'écart avec d'autres villes comme Ottawa, Edmonton, Halifax ou Winnipeg est même considérable. La situation de Québec est comparable à celle de Winnipeg sur bien des plans, sauf sur celui de la rétention d'immigrants puisque la capitale du Manitoba parvient mieux que la capitale québécoise à les attirer. "

 

LA MATURATION D'UNE RÉGION
MÉTROPOLITAINE: DÉMOGRAPHIE
ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
À QUÉBEC

Paul Villeneuve, spécialiste en aménagement du territoire, Université Laval

" Au moment où l'agglomération se métamorphose en deux villes et trois MRC comprises dans une communauté métropolitaine, au moment où ces entités auront à produire des plans de développement et des schémas d'aménagement, il paraît opportun de faire le point. Partons donc des données compilées par l'ISQ et réfléchissons à une dimension très visible du devenir de Québec, la façon dont nous aménageons son territoire. La maturation et le début de vieillissement de la population de Québec ont-ils des effets sur l'organisation spatiale des activités au sein de l'agglomération? Les diverses composantes de l'agglomération maturent-elles au même rythme? Comment ce processus de maturation se combine-t-il à d'autres processus tout aussi fondamentaux, comme la féminisation de la main-d'oeuvre et la scolarisation accrue des personnes, pour modifier la géographie sociale de la région urbaine de Québec? Le régime de croissance démographique lente qui accompagne cette maturation a-t-il des avantages sur le plan de l'aménagement du territoire? Tentons d'esquisser des réponses à ces questions. "(...)

AMÉNAGER EN FONCTION D'OBJECTIFS SOCIÉTAUX

" Aménager le territoire, c'est disposer les activités et les oeuvres humaines dans l'espace, les unes par rapport aux autres. La notion d'" aménagement du territoire " en est venue à désigner surtout une fonction étatique. Au Québec, l'aménagement du territoire constitue une mission de l'État, celui-ci incluant les municipalités et les institutions supramunicipales. Cependant, les individus, les ménages et les entreprises contribuent aussi beaucoup à façonner les établissements humains. Ces divers acteurs poursuivent habituellement des objectifs lorsqu'ils aménagent. Sur le plan de la collectivité, quatre grands objectifs reviennent continuellement, bien que selon des fréquences variables, quand il est question d'aménagement du territoire : l'efficacité économique, l'équité sociale, la qualité de l'environnement et la qualité de la vie.

Ceux-ci peuvent être définis et mis en relations de multiples façons. Depuis quelques années, la notion de développement durable désigne un type de développement qui poursuit conjointement ces quatre objectifs. Essayons de nous demander comment la maturation démographique de Québec affecte la poursuite de ces objectifs. "(...)

QUÉBEC, COPENHAGUE ET VIENNE

" Sous le régime français, et sous le régime anglais mais à un degré moindre, Québec fut capitale coloniale d'un très grand empire territorial. Copenhague et Vienne furent également, en leur temps, capitales d'empire. Quelle signification cela peut-il bien avoir pour Québec, ici et maintenant? Québec est la plus vieille parmi les grandes villes canadiennes avec ses 39,6 ans d'âge médian. L'âge de sa population ressemble plus à celui des villes européennes, dont l'urbanité est souvent remarquable. Par exemple, la grande maturité de Copenhague et Vienne se traduit dans la qualité de plusieurs de leurs aménagements urbains. Tout se passe comme si ces villes avaient appris de l'histoire. Après avoir été puissantes, elles s'attachent maintenant à être belles et conviviales.

Québec est la plus vieille
parmi les grandes villes canadiennes
avec ses 39,6 ans
d'âge médian

Copenhague possède la plus longue rue piétonne d'Europe. Tivoli et le Prater attirent résidents et touristes. En principe, ces villes matures devraient avoir appris de l'histoire à tenir compte de l'ensemble des objectifs sociétaux dans leurs aménagements. On souhaite à Québec un sort similaire.

Québec, la plus européenne des villes nord-américaines, peut se permettre de s'inspirer tout autant de l'Europe que de l'Amérique. Les rues piétonnes ont du succès en Europe; elles en ont moins en Amérique. Qu'à cela ne tienne. Québec n'a qu'à trouver la formule hybride qui lui convient! "(...)

VIVRE EN RÉGIME DE CROISSANCE LENTE

" Selon toute probabilité, nous devons donc nous préparer, dans la région de Québec, à vivre en régime de croissance démographique lente. Et fort probablement aussi en régime de croissance économique assez lente. Est-ce un drame? Les plus âgés se souviendront des débats des années 1970 sur la "croissance zéro ", alors que la notion de développement durable n'avait pas encore cours. Il suffit de rappeler à cet effet l'impact du premier rapport au Club de Rome intitulé Halte à la croissance? (Meadows et al., 1972) qui souligna avec force les limites environnementales et sociales de la croissance effrénée des décennies d'après-guerre. Depuis, la recherche de modèles de développement qui conjuguent l'ensemble des objectifs sociétaux esquissés plus haut n'a cessé de progresser. Présentement, l'Europe apparaît plus désireuse que l'Amérique de se mettre au diapason du développement durable. Les discussions dans la foulée de Kyoto en sont un indice clair. Des villes-phares peuvent émerger, en Amérique, qui montrent la voie du développement durable de ce côté-ci de l'Atlantique. Pourquoi Québec ne joindrait-elle pas le club des Portland et des Porto Alegre?

Pourquoi Québec
ne joindrait-elle pas le club des
Portland et des Porto Alegre?

Pour préparer le terrain en ce sens, tentons maintenant de saisir d'autres mutations majeures qui interagissent avec le processus de maturation démographique. "(...)

LABORIEUSE MISE EN PLACE D'UNE NOUVELLE ORGANISATION DE L'ESPACE

" Le passage de la société industrielle à la société informationnelle, le vieillissement social, la féminisation de la main-d'oeuvre et de l'enseignement supérieur, la progression de l'accès à la propriété résidentielle (de 1951 à 1996, le pourcentage de propriétaires-occupants est passé de 36 à 55% dans la RMR de Québec), toutes ces tendances contribuent à restructurer l'espace métropolitain. Tentons donc, maintenant, de caractériser sur le long terme la restructuration en cours afin d'esquisser des scénarios souhaitables d'aménagement.

Avec la Révolution tranquille, la capitale provinciale est devenue la capitale de l'État du Québec. Elle s'est modernisée rapidement, trop rapidement comme le montrent à souhait certaines formes architecturales de son centre et de ses périphéries "suburbaines". Elle conserve toutefois son coeur préindustriel et, chose exceptionnelle en Amérique du Nord, elle n'a pas de centre des affaires massif. Tout se passe comme si le ralentissement économique de Québec entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle avait permis de préserver le centre patrimonial. Les quelques grands édifices à bureaux de la ville sont dispersés à l'échelle d'une zone centrale dont on pensait, vers 1970, au plus fort de la poussée modernisante, qu'elle se remplirait de gratte-ciel. Les prévisions démographiques indiquaient alors que Québec atteindrait le million d'habitants vers l'an 2000(...)

L'aéroport de Québec souhaite la bienvenue dans la "technorégion" de Québec. Ces nouvelles formes urbaines signalent peut-être des changements sociaux profonds. Déployées le long de corridors de croissance, habituellement une autoroute, les technorégions comprennent une gamme complète de lieux d'emploi, de consommation, de loisirs et de services. Leurs résidents y satisfont une grande partie de leurs besoins et désirs, sans avoir à se rendre dans le centre-ville traditionnel. Certains auteurs vont même jusqu'à suggérer que le centre d'une technorégion, pour chacun des habitants, n'est plus le centre-ville traditionnel, mais plutôt chaque foyer, car les membres d'un ménage créent leur propre ville à partir de leur lieu de résidence, dans l'éventail des destinations atteignables en voiture.

À Québec, les jeux ne sont toutefois pas faits. La ville fortifiée garde ce qui reste, sans doute, la dimension la plus significative de la centralité urbaine, la dimension symbolique. Le Vieux-Québec demeure le lieu par excellence où le passé nous touche de sa puissance évocatrice et la Grande Allée nous y conduit toujours, mais dans un décor architectural beaucoup moins homogène. Cette artère est devenue une composante essentielle de l'axe urbain Québec-Sainte-Foy. Elle occupe l'un des deux sommets de la dorsale de l'île urbaine qui constitue le nouveau coeur de l'agglomération, l'autre sommet étant occupé par le nouvel hôtel de ville de Sainte-Foy, symbole s'il en est de la bicéphalité régionale, d'ailleurs en train de se résorber, sur le plan politique du moins, depuis le 1er janvier 2001. Cette nouvelle centralité est le résultat de la mise en oeuvre d'une logique fonctionnelle. Elle traduit le rôle de l'automobile comme architecte de nos villes. Elle fait éclater les lieux de vie d'antan.

Il n'est pas du tout assuré qu'elle se reconstitue en un lieu de vie plus large, qui serait autre chose qu'une série de voies de circulation. Mais la métaphore insulaire évoque un espace clos, identifiable, et l'île urbaine aidera peut-être à faire naître l'identité de ce nouveau centre. L'axe le plus prestigieux de Québec fait le lien entre la ville monumentale et patrimoniale à l'est et la ville technicienne et commerciale à l'ouest. L'opposition historique entre Québec et Montréal se double maintenant, dans l'agglomération, d'une mise en tension entre Québec et Sainte-Foy. Il ne faut pas s'y tromper, ces oppositions sont porteuses de dynamismes tout autant qu'elles apparaissent, à l'occasion, stériles. Le patrimoine et la modernité doivent cohabiter. La période préindustrielle et la culture issue du terroir laurentien ont laissé des traces importantes dans le paysage et les façons de faire. Il en va de même de la période industrielle et de la culture moderne. Mais qu'arrive-t-il après l'industrie et après la modernité? L'économie postindustrielle et la culture postmoderne qui prennent forme sous nos yeux tentent, souvent de façon maladroite, d'articuler tradition et modernité. Québec constitue un des rares lieux en Amérique du Nord où tradition et modernité se fécondent mutuellement. Comment ne pas succomber aux attraits d'un terroir urbain si riche et si fertile (Villeneuve, 1997)?

En guise de conclusion, précisons les quelques atouts de Québec qui lui viennent de sa maturité et de sa croissance lente. S'ils sont mis judicieusement en valeur, ces atouts devraient permettre à l'agglomération de bien se positionner à l'avenir dans le concert des villes du monde qui prennent au sérieux l'objectif de société qu'est le développement durable.

Le paradoxe de Québec : une ville où
il fait bon élever
les enfants qu'on n'a plus

Québec est une petite métropole qui offre une qualité de vie exceptionnelle, surtout pour les familles. Ce facteur peut être mis en valeur, beaucoup mieux qu'il ne l'est présentement, pour attirer des jeunes couples liés aux secteurs de la nouvelle économie qui sont présents à Québec. Dans le numéro de mai 1995 de Chatelaine, Québec est classée première sur les 25 plus grandes agglomérations urbaines canadiennes. Le classement a fait suite à une enquête auprès des lectrices afin de leur faire dire ce qu'elles considèrent être les qualités importantes d'une ville. Neuf indicateurs de santé, de qualité de l'environnement et de sécurité sont utilisés pour arriver au classement. Plus récemment, la revue Today's Parent (www.todaysparent.com) d'avril 2001 récidive et classe Québec en tête de douze grandes villes canadiennes comme milieu le plus favorable pour élever des enfants. L'éventail d'indicateurs est plus large encore.

Québec
n'est pas
une ville chère

"La Ville de Québec peut se vanter d'être un endroit très attirant pour les nouvelles entreprises. Car après Sherbrooke, la capitale offre aux industries les coûts d'implantation les plus bas parmi 52 villes américaines et européennes étudiées par la firme KPMG " (Le Soleil, 24 sept. 1999). Parmi les villes de plus de 500 000 au Canada, Québec est celle où le logement est le moins cher après Winnipeg, selon le recensement de 1996. Ce facteur est lié au premier. Québec peut devenir une grande (et non grosse) ville internationale en suivant le modèle de villes comme Genève, qui se pique d'être " la plus petite des grandes capitales ". Cependant si cette stratégie réussit, à l'instar de Genève, Québec ne sera plus, dans quelques décennies, une ville où le coût de la vie est faible. Présentement, Québec peut jouer cette carte des faibles coûts, un peu comme les quartiers centraux de certaines villes qui connaissent une gentrification à partir d'un bas coût du logement qui fait que cela est risqué mais profitable d'y investir.

Québec possède
un des plus beaux sites urbains
au monde

Québec possède un des plus beaux sites urbains au monde. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à relire les textes des auteurs non québécois colligés par Luc Bureau dans Pays et mensonges (Boréal, 1999). Ceci est, bien sûr, un avantage comparatif important en matière de développement touristique, surtout que la beauté du site de Québec allie nature et culture. Depuis quelques années, et le phénomène s'amplifie, la culture (autant au sens anthropologique qu'au sens des lettres et des arts) devient un important facteur de positionnement pour les villes. À telle enseigne que les économistes qui pratiquent les " sciences régionales " multiplient les études à ce sujet. Pour eux, il s'agit d'avantages comparatifs " soft ", mais d'avantages qui pèsent relativement de plus en plus lourd dans le contexte de la nouvelle économie. Robert Lepage symbolise très bien cette mouvance où les liens entre créations culturelles, innovations technologiques et circulation internationale deviennent le lot quotidien. Bien sûr, Lepage peut passer de moins en moins de temps à Québec et, éventuellement, se relocaliser, mais c'est le risque qu'il faut courir, et surtout, il faut attirer, en retour, à Québec le plus grand nombre de Neil Bissoundath possible !

Québec possède
une excellente
"profondeur régionale "

Avec la grande région qui l'entoure, Québec dépasse le seuil critique du million (Scott, 2001) et renferme une diversité suffisante d'activités pour assurer la pérennité de son développement. Polèse (2000) offre une analyse percutante et tout à fait à jour de la place du Québec dans le processus actuel d'intégration de l'économie nord-américaine. Surtout, il montre que la partie sud-ouest du Québec s'intègre bien alors que la partie nord-est se marginalise. Toute la question est de savoir si la région de Québec est avec le sud-ouest ou avec le nord-est. La région fait partie du sud-ouest, mais elle est à la périphérie du sud-ouest. La région métropolitaine de Québec est chanceuse de pouvoir compter sur des régions environnantes très différentes les unes des autres. Avec la Côte-de-Beaupré et Charlevoix, elle peut développer un tourisme culturel haut de gamme. Avec la Beauce, elle peut appuyer l'entreprenariat et l'innovation technique dans des industries classiques et avec Sainte-Foy, elle peut le faire dans des industries de la nouvelle économie. Même la présence d'une bonne partie de l'appareil d'État à Québec offre des occasions de développement économique. L'exemple de la géomatique est à ce sujet très clair. Québec offre la plus forte concentration de recherche et de développement en géomatique au Canada, en partie en raison du rôle historique de l'État dans la gestion du territoire et surtout des forêts, la géomatique s'étant développée ici à partir de la photogrammétrie.

En somme, dans un monde où l'espèce humaine devra, de plus en plus, exercer une certaine sagesse, afin d'assurer tout simplement sa propre survie, les endroits marqués par une croissance lente ne sont pas nécessairement à plaindre. Bien performer sur des indicateurs de développement durable risque de devenir bientôt plus recherché que de bien performer sur les indicateurs classiques de croissance économique. "

 

Présentation du Portrait démographique de la Communauté métropolitaine de Québec
(Janvier 2003)
LA RÉGION DE QUÉBEC: UN TISSU SOCIAL EN PROFONDE MUTATION
CONCLUSION

" Les idées mènent le monde, avance avec raison le sage. Mais il ne faudrait pas oublier que les bases morphologiques de ce même monde constituent aussi d'importantes forces qui l'entraînent. Au terme de l'examen qui vient d'être fait d'un certain nombre de tendances marquantes du tissu social de la RMR de Québec, il nous semble que le principal défi qu'aura à relever la RMR de Québec dans les dix prochaines années est un défi démographique. Tous les changements décrits plus haut seront autant de contraintes qui vont peser sur le devenir de la ville et de la région de Québec.

La région de Québec n'a pas encore vraiment pris conscience de l'énorme défi que présente l'évolution actuelle de sa démographie, en particulier parce qu'un certain nombre de tendances sont masquées temporairement par d'autres phénomènes qui retiennent l'attention. Par exemple, la RMR de Québec perd une partie de sa jeunesse, mais cette perte est largement compensée par l'arrivée de jeunes en provenance de régions périphériques qui ne pourront pas toujours jouer ce rôle, sans parler des conséquences négatives que ces départs ont dans ces mêmes régions. Ou encore, la création de nouveaux ménages continue d'être plus forte que la croissance de la population, ce qui masque les conséquences économiques qu'a et qu'aura dans le proche avenir la décroissance de la population.

La faiblesse du niveau de l'immigration internationale est l'une des grandes questions qui devra occuper le devant de la scène dans les prochaines années. Des villes de taille moyenne comme Halifax, Winnipeg ou Ottawa tirent mieux leur épingle du jeu que Québec. Comment expliquer cet écart ? L'immigration n'est pas la panacée qui va régler tous les maux de la région, c'est entendu, mais une action dynamique sur ce plan devra faire partie des politiques de développement susceptibles de contrer les effets négatifs de la dépopulation appréhendée. "

PRINCIPAUX COMMENTAIRES D'EXPERTS

Paul Villeneuve, spécialiste de l'aménagement du territoire:

  • La féminisation de la main-d'oeuvre, la hausse de la scolarité, les habitudes de vie des couples et des familles dont les deux parents travaillent et leur choix de localisation sur le territoire auront une influence sur la forme urbaine et sur la demande de biens et de services.
  • Où s'établiront les nouveaux ménages? Dans les zones de banlieue, " le domaine des autoroutes ", ou dans les centres urbains, " le domaine du métrobus "? Quelles seront les conséquences sur l'aménagement et le transport?
  • Le phénomène de l'attraction des grandes métropoles, " l'hypermétropolisation ", associé notamment à la mobilité des jeunes adultes, semble s'accentuer.
  • Vivre en période de croissance lente peut permettre de mettre l'accent sur la qualité de vie et le développement durable, de retisser le tissu urbain. Sur ce plan, Québec a des atouts. Elle offre notamment une très grande qualité de vie. Elle demeure une ville idéale pour élever les enfants malgré son faible taux de natalité.

Simon Langlois, sociologue:

  • Le dynamisme démographique de la CMQ a connu un ralentissement au cours des 15 dernières années. La situation actuelle est comparable à celle du Québec, bien que le taux de natalité soit plus bas et que le faible apport d'immigrants et de migrants soit inquiétant.
  • La population n'est pas consciente de l'impact qu'auront le vieillissement et la chute de croissance de la population.
  • Le poids du centre de la pyramide, les 35-50 ans, fera que le vieillissement s'accélérera dans les prochaines années.
  • Québec est appelée à relever le défi qu'a relevé Montréal qui, depuis quelques années, a connu une forte croissance économique accompagnée d'une force accrue d'attraction des jeunes adultes dont, en particulier, ceux de Québec.
  • Québec attire les jeunes des régions avoisinantes, mais ces jeunes repartent en grand nombre après la période des études.
  • La population des personnes retraitées est en croissance plus rapide dans la CMQ qu'ailleurs au Québec.
  • Le pouvoir économique des personnes âgées et le nombre de ménages d'une ou de deux personnes qui ira en s'accroissant influenceront les habitudes de consommation. La faiblesse de l'immigration internationale à Québec est l'une des grandes questions qui devra occuper le devant de la scène dans les prochaines années.

Pierre Mainguy, économiste:

  • Au cours des dernières décennies, la " performance démographique " a accompagné les périodes de croissance économique tant à Québec qu'à Montréal. Cependant, Montréal s'est démarquée davantage durant les dernières années.
  • La présence de nombreuses institutions d'enseignement sur le territoire de la CMQ constitue une des activités économiques de base et contribue à expliquer l'importance des soldes migratoires positifs des 15-24 ans.
  • L'agglomération de Québec possède déjà une base solide avec l'industrie gouvernementale et le tourisme et est en train de prendre le virage de la diversification économique. Cette situation aura pour effet d'accentuer son pouvoir d'attraction et de rétention, notamment auprès des jeunes adultes et des immigrants.
  • La vitalité actuelle du marché du travail dans la CMQ est de bon augure pour le redressement démographique attendu.

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Commerce Monde #36