SOMMAIRE

Analyse
Irak vs. Libéria
Belle démonstration d'hypocrisie mondiale!

par Daniel Allard

Le constat est le même que l'on soit « pro » ou « anti » USA! Le désolant écart d'attitude de la communauté internationale face à la récente « question irakienne » et face à l'actuelle crise au Libéria témoigne froidement des limites de ce dont le monde des États est capable.

Où sont aujourd'hui ceux qui s'objectaient aux abois de la volonté d'intervention même unilatérale des USA en Irak l'hiver dernier, alors que ceux-ci se retrouvent « presqu'invités » - et se laissent tirer l'oreille - pour intervenir au Libéria? Pourquoi fallait-il une résolution de l'ONU pour démilitariser Saddam Hussein et qu'il n'en faudrait pas pour pacifier le Libéria? Les beaux principes du multilatéralisme, qui faisaient tant parler la France et l'Allemagne face à la question irakienne, fondent comme neige au soleil pour ce pauvre pays africain.

Essoufflée, la communauté internationale n'élève plus la voix et semble bien prête à laisser l'armée des USA se « taper le sale boulot » encore une fois. Il y a ici une hypocrisie qui n'honore pas la communauté internationale.

Une désolante hypocrisie de la communauté internationale qui me rappelle d'ailleurs mon entrevue avec Boutros Boutros-Ghali, il y a deux ans, à Québec. Celui qui était alors Secrétaire générale de la Francophonie, après avoir été Secrétaire générale de l'ONU, avait expliqué à COMMERCE MONDE que la volonté politique des États à agir sur la scène globale faisait souvent défaut et que cette situation l'avait souvent déçue dans sa longue carrière diplomatique:

« (...)ce qui est important, c'est d'abord qu'il y ait une volonté politique des États. Et la volonté politique des États n'est pas toujours au rendez-vous face aux questions internationales... Il n'y a pas encore d'approche globale. Lorsque, par exemple, un problème d'ordre mondial survient, je dirais qu'il n'y a qu'une vingtaine d'États qui s'intéressent aux questions internationales. Et ce ne sont pas toujours les mêmes, d'ailleurs. Il faut bien comprendre qu'encore aujourd'hui, face aux questions internationales, il y a des réponses sous-régionales, locales, mais presque jamais globale. L'absence d'approche globale fait ici problème... Ce qu'il faut, c'est encourager les États à s'intéresser aux questions internationales! », analysait alors Boutros Boutros-Ghali.

Ce constat semble demeurer valable encore en 2003. La communauté internationale peut bien vouloir policer les volontés d'interventionnismes des États-Unis d'Amérique, mais avec quelle crédibilité si elle n'a rien à offrir comme alternative? Avec quelle crédibilité, s'il n'y a pas de cohérence dans son discours?

« Non. Non. N'allez pas en Irak autrement que sous le drapeau de l'ONU. » Mais trois mois plus tard: « Faites donc ce que vous voulez au Libéria ». Beau concert des Nations... Pire! De phénomène d'exception, ne pave-t-on pas durablement la voie à cette PAX USA?

Ce laisser faire, ce moment d'abandon, montre avant tout que la communauté internationale a encore bien du chemin à faire avant de constituer un acteur cohérent sur la scène mondiale.


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Commerce Monde #36