VEILLE D'AFFAIRES

Méfiez-vous des solutions miracles

par Richard Legendre, T.Sc.A.
Veilleur technologique et courtier en information
Service d'information industrielle du Québec
legendre@siiq.qc.ca

Au moment d'écrire la chronique pour ce numéro de Commerce Monde, on m'aborde, à plusieurs reprises, pour me demander mon avis au sujet des "logiciels de veille". Que penser de tels produits? Quel niveau d'efficacité ces outils de veille offrent-ils? Tous espèrent que la réponse sera positive et que ces outils permettront de réaliser automatiquement une veille d'affaires sans efforts.

Malheureusement, la réalité ne correspond pas toujours à tous nos rêves. Je me souviens d'un homme d'affaires qui voulait profiter des nouvelles possibilités offertes, dans les années 80, par les premiers logiciels permettant de réaliser des banques de données à l'aide de micro-ordinateurs. Surprise! Le logiciel acheté ne fonctionnait pas sans le support d'un technologue en informatique qui possédait à la fois des connaissances en programmation et en structuration de bases de données.

Bien sûr, le TEMPS nous manque TOUS et nous devenons des cibles faciles pour les vendeurs de solutions miracles qui nous proposent économies d'efforts et de temps.

La veille d'affaires fait appel à l'intelligence humaine afin de transformer des données ou de l'information brute en information à valeur ajoutée d'un haut niveau telle que les connaissances ou les savoirs. Identifier des liens entre des informations disparates ou des informations inexistantes (non-information) représente un défi foncièrement humain.

Un véritable logiciel de veille devrait faire appel à des systèmes d'intelligence artificielle dont l'efficacité variable ne correspond pas aux coûts astronomiques de systèmes de types super-ordinateurs. Le RAISONNEMENT et la LOGIQUE HUMAINE ne peuvent être remplacés par des machines ou des logiciels.

Dans cette quête de solutions miracles, on utilise souvent l'expression "outils de veille". Pourtant, les définitions que nous proposent les dictionnaires sont claires et nous mettent en garde face à une mauvaise utilisation de ce mot. En effet, on définit l'outil comme un objet utilisé directement par la main pour faire un travail, ou encore, d'un élément d'une activité utilisé comme moyen qu'il ne faut pas confondre avec les mots : appareils, instrument et machine.

Personne ne croit qu'un pinceau puisse peinturer seul. Dans l'activité de peinturer, on retrouve plusieurs outils qui permettront au peintre d'accomplir sa tâche: pinceau, bâton pour brasser, escabeau, ruban à masquer, etc. Il en est de même pour un logiciel de traitement de texte qui n'écrit pas pour vous les offres de services, rapports techniques ou autres formes de textes.

Quels seraient les outils utiles pour réaliser cette activité de veille d'affaires?

  • Les besoins réels des consommateurs d'information.
  • Les sources d'information (écrites, parlées ou électroniques).
  • Le flair du veilleur.
  • Le sens du classement.
  • L'esprit d'analyse.
  • L'esprit de synthèse.
  • Le support matériel aux différentes activités de veille (du surligneur au logiciel).

Dans ce dernier cas, la forme du support matériel présente des formes aussi variées que les types d'activités liées à la veille d'affaires. Ça peut aller du simple crayon surligneur au logiciel spécialisé.

En effet, certains logiciels peuvent s'avérer utiles à un veilleur. Quelques tâches peuvent représenter un travail répétitif et lourd. L'automatisation à l'aide d'un logiciel dégage du temps au veilleur qu'il pourra consacrer à des tâches faisant appel à son intelligence. Également, l'utilisation de certains logiciels vise à réaliser un premier niveau de traitement de masses d'informations brutes. L'apport du veilleur pour amorcer le travail de ces applications logicielles et assurer un suivi critique des résultats s'avère capital, afin de ne pas devenir dépendant de l'outil. Sans être restrictive, voici une liste de quelques exemples de tâches pouvant profiter d'applications logicielles:

  • monitoring de pages web précises;
  • monitoring de fils de presse;
  • indexation de l'information;
  • traduction;
  • production de résumés;
  • diffusion ciblée de l'information.

La rapidité d'exécution et la répétitivité des applications logicielles jumelées à la puissance du raisonnement humain d'un veilleur peuvent représenter une force informationnelle impressionnante.

Donc, soyez prudent et conservez votre SENS CRITIQUE si on vous propose un "logiciel de veille" qui fera tout pour vous sans efforts. N'oubliez surtout pas qu'un LOGICIEL DE VEILLE n'est pas une PANACÉE. La veille d'affaires nécessitera toujours un minimum d'efforts en faisant appel aux savoirs des employés. Ne croyez pas qu'il s'agit d'efforts hors de portée des PME. Le réel défi consiste à bien choisir les outils que vous utiliserez. Évitez des choix qui impliqueraient que l'outil devienne une activité plutôt qu'un moyen pour y arriver. Les outils de veille doivent servir la veille et non l'inverse. Une approche simple en veille assure habituellement une plus grand probabilité de succès à moyen et à long terme.

En terminant, je citerai le romancier Michael Crichton qui, dans le Parc Jurassic, écrivait: " Dans la société de l'information, personne ne pense. Nous pensions bannir le papier, mais nous avons en fait banni la pensée. "

Pensez-y bien !


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Commerce Monde #37