CHRONIQUE DE L'ALTERMONDIALISME

Un automne chaud : OMC, ZLÉA et cetera

par Renaud Blais, militant altermondialiste

Je veux exprimer, d'entrée de jeux, un sentiment à l'effet qu'il me semble qu'un très grand nombre d'artistes sont sympathiques à l'Autre point de vue sur la mondialisation. Ceci, de loin, déborde l'expression artistique des artistes engagéEs. De très nombreux artistes, même dits non engagées, durant les pauses entre deux pièces, ou en entrevue, prennent le temps d'exprimer leur sympathie pour celles et ceux qui s'expriment en faveur et contribuent à l'édification d'un monde meilleur pour touTEs en moyenne... Je me réfère aux nombreux spectacles (50) que j'ai vus cette année depuis le printemps et surtout au Festival d'été de Québec.

DANS L'ACTUALITÉ

Malheureusement, au moment où vous lisez ces lignes le rendez-vous de Cancun (5e réunion ministérielle de l'OMC) aura eu lieu. Les préparatifs, au moment d'écrire, vont bon train des deux côtés du mur, y compris j'imagine chez ceux qui érigeront les barricades pour séparer « les bons des méchants ». Depuis déjà quelque temps se prépare le Forum des peuples pour une alternative à l'OMC qui souhaite faire dérailler le processus.

Les enjeux majeurs de Cancun sont principalement de deux ordres :

  • Premièrement en ce qui concerne l'agriculture, les énormes subventions, accordées à leurs agriculteurs respectifs par les États-Unis d'Amérique (ÉU) et l'Union européenne (UE) surtout, provoquent des distorsions énormes du Marché. Ce marché, par ailleurs généralement glorifié, pour ne pas dire déifié par ces mêmes protagonistes de la libéralisation des échanges. Les conséquences sont que les produits agricoles, ainsi énormément subventionnés au nord, sont déversés sur les marchés intérieurs de nombreux pays du sud à des prix qui ne couvrent même pas les coûts de productions pour les agriculteurs ainsi acculés à la faillite. Ensuite… les énormes entreprises transnationales (qui n'ont plus aucun sens de l'appartenance nul part au monde, leurs sièges sociaux fictifs étant dans des boîtes aux lettres de nombreux paradis fiscaux encore très prospères) pourront acheter les terres de ces ex-paysans à de vils prix et y répandre leurs monocultures intensives vouées à l'exportation. Une autre conséquence importante à considérer est la contamination irréversible par les cultures de produits génétiquement manipulés (OGM). Ce qui remet en cause la diversité biologique et le principe de précaution. De plus, en ce qui concerne les éventuels dangers, il est à noter que ceux-ci ne font toujours pas l'objet d'évaluation indépendante et les administrations qui sont responsables des homologations se fient toujours aux évaluations présentées par les promoteurs eux-mêmes, (SIC) et (reSIC). Il est encore loin le jour où le possible danger pour les humains de manger la chair d'animaux nourris avec ces aliments ainsi manipulés sera évalué. Il n'y a que des « agitateurs-paranoïaques » qui le croient. Nos gouvernements complices « n'ont pas les moyens », ce qui veut dire « ne fait pas partie des priorités », de commander des évaluations indépendantes. Nous verrons bien si les subventions agricoles seront réglées par cette rencontre ministérielle de l'OMC à Cancun…

  • Un autre enjeu de taille pour la rencontre de Cancun est la demande de nombreux pays du sud pour qu'une flexibilité soit introduite au sujet des droits de propriété intellectuelle, surtout de la part de la « pharmaco-industrie », afin de permettre aux citoyenNEs du sud de voir reconnaître leur droit d'être soignés à la suite de la production par leur pays de médicaments génériques. Par exemple la trithérapie pour la lutte contre le VIH. C'est à suivre, je reviendrai sur les suites…

En plus de ces deux enjeux concrets, l'absence persistante de démocratie derrière ce monstre qu'est l'OMC continue d'être dénoncée lors de toutes les manifestations partout dans le monde. La question est simple : quand les gouvernements, qui prétendent nous y représenter, ont-ils exposé ces enjeux durant une campagnes électorale?

ET LA ZLÉA

Un peu plus tard cet automne, les 20 et 21 novembre, à Miami, aura lieu la 8e rencontre des ministres du commerce des 34 pays « libres » qui souhaitent voir s'ériger la Zone de libre-échange des Amériques. Les tenants de l'Autre point de vue sur ce projet de libéralisation des échanges commerciaux de biens et de services, ne cessent de souligner qu'il n'est jamais question de liberté de circulation des personnes, de la prise en compte des accords internationaux déjà en vigueur comme ceux du Bureau international du travail (BIT) concernant des normes minimales et UNIVERSELLES pour les travailleurSES et de nombreux autres accords relatifs au développement durable (à long terme) comme Kyoto, bien connu, et Carthagène qui préconise la considération du « principe de précaution », concernant les OGM par exemple. Nous avons compris depuis longtemps qu'une masse de main-d'œuvre disponible est nécessaire « en dehors de nos frontières nordiques » afin de rendre possible la délocalisation de nos usines où les règles en matière de relations de travail, de protection de l'environnement et autres fâcheuses restrictions ne sont pas du même ordre.

Ensuite, dans l'actualité altermondialiste, il y eut une importante rencontre du Conseil hémisphérique des Amériques du Forum social mondial. De nombreuses questions concernant les méthodes et les façons de faire de ces grands forums ont été mises à l'agenda. En plus d'exposer le désir des participantEs de faire progresser la promotion et la construction d'alternatives claires à la mondialisation promue par « Davos » avec des considérations exclusivement « économiques » orientées sur la libéralisation des échanges. Ceci afin de voir s'ériger l'Autre point de vue ou une considération pour les personnes, l'environnement et un meilleur partage des fruits de l'enrichissement de nos sociétés.

Je vous expose seulement une liste de préoccupations mises à l'agenda : le désir de soutenir la création d'une identité pour les Amériques afin de mieux organiser la résistance au projet de ZLÉA; encourager le développement de forum sous-régionaux comme le Forum social pan-amazonien, l'Assemblée des peuples caribéens et le Forum social centro-américain, par exemple. De plus, un souci évident est ressorti pour favoriser une meilleure concertation entre les acteurs locaux, nationaux, continentaux et mondiaux de la « résistance à l'empire ». Comme les moyens dont disposent les tenants de l'Autre point de vue sont extrêmement disproportionnés par rapport aux ressources mises à la disposition des promoteurs de la globalisation économique par leurs valets - nos gouvernements - l'organisation de la résistance est souvent sans moyen et laisse place à bien des initiatives, souvent désespérées… Mais, il ne faut pas oublier les détails d'informations qui filtrent au travers et souvent beaucoup plus tard, et affirment que des « professionnels près des services de sécurité » (…)« sont intervenus masqués » spécifiquement pour discréditer les manifestants même pacifiques. (Prouvé à Seattle et Gênes au moins.) À Québec, tous les corps de police ont juste laissé faire en quittant complètement les lieux pendant plus d'une heure « entre deux corps de travail… ».

Un autre sujet qui s'installe, dans l'actualité altermondialiste, c'est la question des logiciels libres qui commencent à agacer le Grand Bill, propriétaire de l'hégémonique Microsoft. J'y reviendrai sans doute un jour plus en détail.

De façon un peu anecdotique, mais comme le personnage est un acteur incontournable de la scène politique québécoise des 40 dernières années, voici un point de vue bien Québécois. « La mondialisation culturelle est en grande partie une yankeeisation du monde » Cf. Guy Rocher, dans un texte d'analyse de la dernière élection québécoise, intitulé: Un Québec malade de sa mondialisation (L'Action nationale, mai/juin 2003).

En novembre, comme je l'ai déjà fait pour La Courtepointe de Sainte-Foy, je vous exposerai un cas concret de militantisme altermondialiste sur le terrain avec le cas des Amies de la terre de Québec. Ce groupe est un groupe dit d'écologie sociale, dans la région de Québec, depuis 25 ans.


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Commerce Monde #37