VEILLE D'AFFAIRES

Danger imminent : faire ou faire faire ?

par Richard Legendre, T.Sc.A.
Veilleur technologique et courtier en information
Service d'information industrielle du Québec
legendre@siiq.qc.ca

Une solution facile offerte aux PME suscite des discussions présentement au Québec. En effet, on observe une offre de services GLOBALE ET TOTALE de veille (gestion du savoir) destinée à des GROUPES de PME. Peut-on réellement confier complètement en impartition le travail de veille pour répondre aux besoins informationnels d'une entreprise? Si on cherche toujours à fuir la réalité et à chercher inlassablement une solution miracle, cette approche d'impartition complète a l'avantage de faire croire au dirigeant de PME qu'il évacue le problème à l'extérieur de son entreprise. Pourtant, on dit qu'on doit préférer transmettre des moyens pour permettre à des populations affamées de pêcher plutôt que de leur expédier du poisson. Elles pourront ainsi se prendre en main et assurer leur survie à moyen et long terme.

Plusieurs raisons devraient nous faire réfléchir à cela dans le but d'éviter de tomber dans le piège de l'impartition totale de la fonction veille d'entreprise avec un produit d'information générique. Commençons par la définition des besoins spécifiques à l'entreprise. L'expérience des centres de veille générique au Québec, au milieu des années 1990, a permis d'identifier clairement cette difficulté du besoin spécifique en information d'une entreprise qui se retrouve ainsi dilué dans un besoin générique commun à l'ensemble des entreprises du réseau. Cette difficulté s'illustre bien par cette implacable équation :

Besoin dilué = Résultats dilués et Bruit de fond élevé

D'ailleurs, cette expérience des centres de veille générique au Québec a sans contredit démontré la difficulté de rencontrer le besoin spécifique des entreprises. Comment offrir une information plus précise que celle des différents producteurs d'information: éditeurs de journaux, de périodiques, de webzines, etc., tout en offrant une information utile pour chacune des entreprises? Il s'agit d'une situation fort inconfortable où on se retrouve coincé entre l'arbre et l'écorce.

Une veille stratégique pour une entreprise implique les dix étapes suivantes :

  • La définition des besoins d'information;
  • L'inventaire des ressources informationnelles;
  • La planification des actions liées à la veille;
  • La collecte d'information;
  • Le tri et le classement de l'information recueillie;
  • L'analyse de l'information;
  • La synthèse de l'information;
  • La diffusion de l'information;
  • La prise d'action à partir des informations issues de la veille;

La rétroaction permettant à ajuster le processus de veille pour chacune des étapes précédentes.

De plus, on doit se rappeler qu'il existe deux réseaux où circulent l'information pour tout type d'organisation: un réseau interne et un réseau externe. Plusieurs considèrent à tort que le simple fait de faire entrer plus d'informations dans une entreprise représente un pas important dans la systématisation d'un processus de veille pour l'entreprise. Malheureusement, c'est plutôt un pas vers l'infobésité ou la surcharge informationnelle. On oublie que toute information que l'on cueille dans le réseau externe se retrouve nécessairement dans le réseau interne de l'entreprise et doit obligatoirement faire l'objet d'un traitement pour certaines étapes d'un processus de veille soit le Tri-Classement, l'Analyse, la Synthèse et la Diffusion. Donc, plus on fait d'acquisitions d'information dans le réseau externe d'information, plus la charge interne de travail augmentera pour traiter et digérer ces acquisitions.

Les spécialistes en veille s'entendent pour dire que plusieurs informations existent et se retrouvent déjà dans l'entreprise. Malheureusement, elles sont souvent inutilisées, perdues, oubliées ou stagnantes souvent par manque d'adéquation entre les différents besoins d'informations de différentes personnes ou départements présents dans l'entreprise. Donc, une gestion inefficace du réseau interne d'information ne permettra pas d'aménager et de canaliser ces informations déjà présentes dans l'entreprise et mal utilisées. Ainsi, une grande partie des efforts pour systématiser la veille dans une PME se doit d'être interne.

Lorsque ce travail de ménage du réseau interne et d'amélioration des activités liées à la veille est fait, l'entreprise devient un meilleur consommateur d'information, connaissant ainsi précisément les informations qu'elle ne possède pas et qui pourraient l'aider. Par exemple, une PME dans le domaine du métal pourrait identifier comme primordial de suivre le développement technologique pour la fabrication de pièces en métal destinées à des charnières, ou encore l'apparition de nouveaux compétiteurs ou encore les nouveaux brevets du compétiteur X. Plus précise sera la définition des besoins, plus un choix judicieux des sources d'information externes à utiliser deviendra facile et possible.

On peut considérer la source idéale d'information comme une source qui permet de tomber directement sur la cible d'information définie en fonction des besoins stratégiques d'information de l'entreprise. Le niveau de bruit (non-pertinence) quasi-nul permettra d'économiser le temps nécessaire au Tri/Classement, à l'Analyse et à la Synthèse. Il ne restera plus qu'à diffuser correctement cette information utile à la(les) bonne(s) personne(s) dans l'entreprise.

Lors de prochaines chroniques, nous verrons l'importance surprenante de l'offre en terme de sources d'information et comment une PME peut, même avec des moyens modestes, arriver à mieux gérer son savoir, donc à mieux veiller et ainsi devenir un meilleur consommateur d'information qui choisira des sources d'information VARIÉES et SPÉCIALISÉES permettant de compléter les informations déjà présentes dans l'entreprise.

Concluons par une citation d'un certain Bill Gates : « Les gagnants seront ceux qui restructurent la manière dont l'information circule dans leur entreprise ».


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Commerce Monde #38