CHRONIQUE DE L'ALTERMONDIALISME

Oui ! Un autre monde est possible

par Renaud Blais,
Militant altermondialiste

Dans le coeur et l'esprit d'un nombre croissant d'humain l'espoir renaît parce que de braves et innovateurs militantEs, ont inscrit dans l'histoire ce slogan rassembleur. Il y a lieu de discuter les Autrements. Celui-ci sera de plus en plus visible et signifiant.

Contrairement à ce que je vous avais annoncé, une présentation des AmiEs de la terre de Québec (sur lesquelles je reviendrai sans doute un jour), mon sentiment aujourd'hui est de vous présenter une courte revue de presse [plutôt alternative, il va sans dire] faisant état de l'espoir croissant autour d'un slogan incroyablement porteur d'espoir. Il ne s'agit évidemment pas ici de croissance économiquement mesurable avec les indicateurs traditionnels de plus en plus désuets pour rendre compte de la réalité humaine sur terre.

Lors de la dernière rencontre ministérielle de l'OMC à Cancun, est né ce qu'il est convenu d'appeler le G20 plus. « Le « G20 plus » mené par le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du sud qui, de la bouche du ministre du commerce au Brésil, représente plus de la moitié de la population mondiale et plus des deux tiers de ces agriculteurs ». Ces propos tenus par Walden Bello, sous le titre : Quel avenir pour l'OMC? publié originellement dans Focus on Trade et reproduit dans Alternatives, le journal d'octobre 2003.

Peut-être un jour y aura-t-il un éveil de la part des quelques centaines d'individus et entreprises privées, qui ont encore l'orgueilleuse prétention de pouvoir diriger le monde dans leur seul intérêt financier, se réveilleront-ils d'eux-mêmes ?

« La société civile
est la deuxième superpuissance
sur l'échiquier international. »

New York Time

Dans un récent article co-écrit par son Conseiller économique sortant, Ken Rogoff, le Fonds monétaire international a été jusqu'à le concéder en admettant qu'il n'y avait aucune preuve que la libéralisation financière ait été bénéfique pour la croissance et qu'elle semblait même liée à "une vulnérabilité accrue aux crises". La cohésion du FMI, de la Banque mondiale et de l'OMC, par Bretton Woods Project. (Traduction de Sophie Véricel et Jeanne Breheret. Cf : Grain de sable No : 432, 1-07-2003.)

« La société civile est la deuxième superpuissance sur l'échiquier international. » New York Time. Un mouvement citoyen international a donc commencé à se faire entendre mais surtout à s'organiser sur ses propres bases pour animer et construire les avenues alternatives à la mondialisation néolibérale. En parlant d'expériences comme Villa El Salvador au Pérou et de Porto Alegre au Brésil, [j'ajouterais les Collectifs du Québec…] il dit « elles remettent en question tout à la fois l'insuffisance de la seule démocratie représentative et le développement économique dominant. » « …changer le monde en changeant d'échelle d'action pour brancher ce local sur le global. » Il poursuit : « Ces expériences, comme des milliers d'autres, ont la faculté d'avoir un intérêt planétaire parce qu'elles ont en commun d'ouvrir un avenir partageable, que l'on soit au Nord ou au Sud, en mettant en relief de nouveaux modes d'organisation collective, de nouveaux rapports entre le social et l'économique et de nouveaux rapports entre l'économique et le politique à travers la construction de nouveaux espaces publics. » Et encore : « ces pratiques sont venues rejoindre les revendications portées par des mouvements sociaux internationaux sur l'annulation de la dette des pays les moins avancés (PMA), la réforme de l'ONU et surtout des institutions financières internationales, la lutte pour la taxation des flux financiers, l'accès de tous aux services de base (accès à l'eau potable, aux services sociaux et de santé, aux services d'éducation, etc.). » Une autre mondialisation en marche (par : Louis Favreau, Sociologue à la chaire de recherche du Canada en développement des collectivités, Université du Québec en Outaouais et publier dans : Le Devoir, Montréal, mercredi 24 septembre 2003).

Voici exposées, en Belgique cette fois, les revendications de plus en plus universellement partagées, par un grand nombre de groupes, à l'intention de leur gouvernement, à l'été 2003, en préparation de la rencontre ministérielle de l'OMC à Cancun :

« Le dogme d'une libéralisation illimitée ne conduit pas à une croissance et à un bien être partagés. Le processus de libéralisation de l'économie se fonde sur des principes impitoyables de compétitivité : les États, les gouvernements, les populations et les travailleurs sont dressés les uns contre les autres. Et cette compétition se réalise au détriment des protections sociales, des conditions salariales, des conditions de travail, de la qualité de vie pour toutes et tous, des intérêts environnementaux ou publics, des marges de manœuvres pour les politiques de santé, d'éducation, de bien-être des animaux… On ne construira pas un paradis économique sur un cimetière culturel politique, social et environnemental. »

En résumé, les signataires demandent au gouvernement belge de :

  • Garantir la hiérarchie des normes de droit international en intégrant l'OMC dans le système des Nations unies et en subordonnant la liberté de commercer aux droits sociaux (normes fondamentales du travail, droits des femmes, environnementaux et culturels);
  • Rééquilibrer les règles de l'OMC entre les intérêts du Nord et du Sud, ce qui implique de mettre en pratique le traitement spécial et différencié, de supprimer les subventions à l'exportation des pays industrialisés, de rompre avec le protectionnisme des pays riches et de résoudre sans délai les problèmes liés à la mise en oeuvre des accords comme l'accès aux médicaments;
  • Revoir l'accord ADPIC sous peine d'exiger un moratoire sur cet accord;
  • Démocratiser l'OMC et revoir le fonctionnement de l'ORD pour le rendre plus transparent, accessible à tous les États membres et fondé sur des principes de droit (publicité, transparence, indépendance…) ;
  • Exclure les services publics et les services d'intérêt général du champ d'application de l'AGCS ; demander le retrait des demandes de libéralisation du secteur de l'eau que l'UE a adressées à 72 pays;
  • Refuser tout accord sur l'investissement qui ne tiendrait pas compte de la protection sociale, de la protection de l'environnement et des besoins spécifiques des pays en développement ou qui limiterait les compétences des gouvernements en matière de régulation ou de liberté de gestion;
  • Garantir un contrôle parlementaire du mandat du commissaire européen au commerce et des positions de la Belgique à l'OMC [dans le cas de la Belgique];
  • Réaliser une évaluation des accords existants dans leurs impacts sociaux, économiques, culturels, selon le genre et environnementaux, conformément à ce que prévoient les accords de Marrakech ». (Publié dans : Le Grain de sable, No : 432, 1-07-2003.)

Et pour terminer une très sérieuse recherche effectuée chez « l'oncle SAM ». Je vous expose seulement quelques extraits à partir des têtes de chapitre du texte qui rend compte des résultats de cette longue et très sérieuse recherche:

« Ils sont des millions à vouloir changer le monde

Deux chercheurs américains affirment, au terme d'une longue enquête, que les pays occidentaux vivent actuellement un important changement de société. D'après eux, des millions de personnes prennent leurs distances, dans leur vie personnelle et sociale, avec la société de consommation. Ouverts aux valeurs de l'écologie, adeptes du développement personnel, soucieux de remettre l'humain au coeur de la société, ceux que le sociologue Paul H. Ray et la psychologue Sherry Ruth Anderson nomment les « Créatifs culturels » pourraient sauver la planète d'une destruction programmée. »

« Le scoop est énorme : aux États-Unis, mais aussi en Europe, nous serions en train de vivre un profond changement de société, une transformation radicale de notre civilisation, sans en avoir conscience. À en croire l'émergence des Créatifs culturels, près de 50 millions d'Américains partagent des idées que l'on qualifie ordinairement d'"alternatives". Voilà qui s'avère sacrément réconfortant. Voilà aussi qui permet de sortir du mythe, soigneusement entretenu par les militants professionnels, de l'éternelle minorité qui tente d'éveiller une majorité constituée d'abrutis avachis devant leurs télévisions. »

« Au terme d'une enquête de treize ans menée auprès d'environ 100 000 personnes, l'équipe dirigée par (...)Paul H. Ray et (...)Sherry Ruth Anderson a identifié, au coeur de la société américaine, un courant culturel radicalement nouveau. Les chercheurs ont donné à cette population qui représenterait le quart environ des citoyens américains le nom de "Créatifs culturels". Un drôle de concept, qui sonne sans doute mieux dans sa langue d'origine, mais qui dit bien ce qu'il désigne : les "Créatifs culturels" créent au jour le jour, par leur manière de vivre, de penser, d'agir, une nouvelle culture, qui concilie le souci de l'écologie, le développement personnel et spirituel, le recours à une alimentation et une médecine saine, et des valeurs de tolérance et de respect. »

« Un nouveau Gulf Stream

Loin d'être «un ensemble éparpillé et sans cohérence de cœurs sensibles, de bons samaritains et de "moi d'abord"», les Créatifs culturels sont, d'après les chercheurs, «la manifestation d'une lente convergence de mouvements et de courants jusqu'alors distincts vers une profonde modification de notre société» : «C'est un peu comme si une centaine de rivières d'Amérique du Nord se jetaient dans l'Océan Atlantique. Chauffées par le soleil, elles créent un nouveau Gulf Stream qui s'étend jusqu'en Europe. À la surface, ce courant est presque invisible, parce que, contrairement aux rivières, il n'a pas de berges, pas de limites tangibles. En plein cœur de l'océan, au sein de ce courant, se développent des formes de vies tout à fait nouvelles. Il nous semble que c'est à peu près ce qui se passe actuellement dans notre société»: différentes influences sont en train de converger et cette convergence est à l'origine d'un grand changement général.»

« Le point de vue de Ray et d'Anderson est celui de chercheurs en sciences humaines - et ça change tout. Mettant délibérément de côté les soubresauts de l'actualité, les deux auteurs prennent de la hauteur. Leur démarche tranche volontairement avec la vision développée par les médias» : «Il n'est pas surprenant que la plupart des politiciens, historiens et commentateurs, notamment des médias, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe.» En effet, ces témoins et acteurs ont l'oeil collé à l'événement et n'accordent aucune attention à son contexte. Un exemple pris dans l'actualité récente illustre cette myopie»: le sommet de Johannesburg a montré combien les chefs d'État du monde ont une vision courte de l'avenir. Mais il ne reflète certainement pas la sensibilité des opinions publiques, beaucoup plus préoccupées que leurs mandataires par l'avenir de la planète. Or, les multitudes qui habitent cette terre ont plus de pouvoir que Georges Bush II. »

« En raison de leur fonctionnement actuel, les médias ont les plus grandes peines du monde à adopter une approche transversale des problèmes. Ray et Anderson ont cette image amusante : «Comme Marlon Brando dans On the Waterfront (Sur les quais), les experts veulent savoir "qui sont les combattants du match ?"» Lorsqu'ils organisent un débat, les médias cherchent toujours à radicaliser les positions des uns et des autres pour mieux renvoyer dos à dos les points de vue. Englués dans une logique de confrontation, ils sont dès lors incapables de rendre compte de ceux qui sont force de proposition. Il y a fort à parier que, s'ils n'avaient jamais organisés de contre-sommets, les militants pour une autre mondialisation ne seraient jamais apparus sur nos écrans. D'ailleurs, quel média parle de ces militants et de leurs organisations en dehors des grands rendez-vous contestataires»?

« Une fausse marginalité

Voilà pourquoi les «Créatifs culturels» n'apparaissent que très rarement dans les journaux et sont complètement ignorés des principaux acteurs de la vie publique. Deux autres grandes catégories sociales, selon Ray et Anderson, occupent le devant de la scène, dans une logique de confrontation. Les «Modernistes», en position dominante, agissent au nom du libéralisme et du progrès technologique et ne tiennent pas compte des répercussions que la course à la modernité peut avoir sur la planète. Ils ont «tendance à penser que la vie sociale et économique peut être résumée en chiffres»: recensement des populations et montants financiers. On discute des tendances de croissance dans toutes les publications, comme si celle-ci était ce qu'il y a de plus fascinant et de plus réel dans la vie de tous les jours. Or, derrière ces discussions se cache un présupposé très fort, même si généralement il reste inavoué»: la société et ses structures ne changeront pas.» S'opposent à cette vision du monde les «Traditionnalistes» qui prônent un retour aux vieilles valeurs, à la tradition, aux habitudes et aux comportements du passé. Cette manière de diviser la population américaine offre une grille d'analyse convaincante des courants qui s'affrontent dans nos sociétés occidentales. Elle peut sembler caricaturale»; elle est, bien entendu, longuement étayée dans le livre. »

« Même s'ils sont invisibles, les Créatifs culturels ne viennent pas de nulle part»; il ne s'agit en aucun cas d'une génération spontanée. Ray et Anderson se sont penchés sur l'histoire des mouvements sociaux des cinquante dernières années pour en découvrir les racines. Une démarche salutaire. En effet, «les Créatifs culturels, comme tous ceux qui ont un véritable intérêt pour les évolutions de la conscience, se retrouvent confrontés à une situation qui rappelle celle à laquelle des générations de femmes artistes et écrivains ont été confrontés. Personne n'ayant préservé l'héritage de ce que les femmes elles-mêmes écrivaient sur leur propre expérience, ce qu'elles avaient créé et pensé au cours des siècles, pour chaque nouvelle génération de femmes, ce fut comme si tout était à refaire, comme si rien d'important n'avait jamais été réalisé dans ce domaine. Des générations de femmes eurent à faire, à défaire et refaire encore la toile de leur compréhension du monde et d'elles-mêmes, à l'infini. Les Créatifs culturels aussi sont constamment obligés d'inventer et de réinventer les bases qui leur permettent de vivre comme ils l'entendent.» Prendre conscience qu'ils font partie d'une histoire leur permettra sans doute de ne pas répéter les erreurs de leurs aînés et donc d'avancer - en somme, de gagner une maturité. » (Sylvain Marcelli, dans : Les militants nouveaux sont arrivés.)

Il était inutile pour moi d'essayer de le dire « en d'autres mots ».

Merci de me lire.


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Commerce Monde #38