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SOMMAIRE

Dernière chance pour la ZLÉA?
Pendant que l’Europe s’organise les Amériques vacillent
Par Daniel Allard

Deux mois après le Sommet des Amériques de Monterrey, le Comité de négociation du processus de la ZLÉA devait se rencontrer les 17 et 18 mars 2004, encore dans la ville mexicaine de Puebla comme il l’avait fait en février, pour ce que plusieurs analystes ont appelé « la rencontre de la dernière chance ». Cette rencontre de Puebla devait être très lourde de conséquences pour le projet de création d’une Zone de libre-échange des Amérique (ZLÉA). Plusieurs reports font qu’elle n’a pas encore été tenue. Coïncidence de l’histoire, ce net refroidissement des négociations visant une plus grande intégration économique des Amériques culmine alors que le bloc économique européen, l’Union européenne, vient de passer officiellement de 15 à 25 membres le 1er mai 2004. Et les observateurs attentifs ne donnent plus beaucoup de chance de succès au processus en cours.

Louis Bélanger, le directeur de l’Institut québécois des hautes études internationales de l’Université Laval, est de ceux-là : « Ce qui a été décidé à Miami, en décembre 2003, lors de la dernière rencontre préparatoire avant le grand Sommet des chefs d’État du 12-13 janvier 2004 à Monterrey, c’était un dédoublement du processus de négociation. On parle maintenant de la négociation d’un accord de base, et parallèlement d’un autre processus de négociation d’accord ou d’accords ad hoc, au cas par cas, sur une base plurilatérale. Et le Sommet de Monterrey n’a pas véritablement éclairci les choses. Il y aura finalement eut une référence à la ZLÉA dans la « Déclaration finale », mais strictement pour réaffirmer que les ponts ne sont pas coupés et qu’officiellement l’objectif de 2005 est bien vivant… Mais personne n’est dupe! Si Puebla échoue, il n’y aura plus d’échéancier valable(…) Si on est optimiste, on pourrait s’entendre sur une table de base et penser que cela est faisable en 2005 », analysait-il, lorsqu’il nous accordait une entrevue dans la semaine avant le premier report de la fameuse rencontre de Puebla. Deux mois ont passé et les optimistes sont très difficiles à croiser sur la route des négociations commerciales interaméricaines!

Mais qu’est-ce qui explique un tel revirement de situation, alors qu’en quittant la ville de Québec, après le Sommet des Amériques qui s’y était déroulé en avril 2001, les 34 chefs d’État des trois Amériques semblaient avoir pavé une route sans trop d’embûches jusqu’à l’accomplissement du processus prévu depuis longtemps pour 2005?

L’ILLUSION DE L’ÉCHÉANCE DE 2005

« Les derniers scénarios disent maintenant que les négociations doivent se terminer le 1er janvier 2005 pour que les processus de ratifications dans chaque pays puissent se terminer au plus tard le 31 décembre 2005. Bref, ils font tout pour tenter de garder en vie la date de 2005, mai c’est impossible en clair… », précise-t-il.

Les Américains ont de plus annoncé qu’ils font aussi des négociations bilatérales : « Si tous les accords en cours et ceux annoncés en date d’aujourd’hui se matérialisent tous, 14 des 33 pays auront un accord préférentiel avec les USA », précise ici Louis Bélanger. D’ailleurs, comme si les Américains voulaient montrer que c’est facile pour eux de s’entendre sur une base bilatérale, ils annonçaient, le 8 février 2004, être parvenus à un accord de libre-échange « historique », après seulement deux semaines de négociations, avec l’Australie!

« La dynamique interaméricaine est très organisée par l’affrontement entre le Brésil et les USA… Le Brésil avait d’ailleurs imposé ses conditions pour permettre le Sommet de Monterrey : il ne fallait officiellement débattre que de coopération au développement. L’agenda ignorait donc totalement les références à la ZLÉA », analyse encore Louis Bélanger.

« C’est en novembre 2003, à Miami, que tout c’est joué. Les Américains avaient le choix d’accepter l’option brésilienne de scinder en deux le processus de négociation ou de refuser et de les forcer à sortir du processus et faire le pari qu’au pied du mur ils seraient rentrés dans le rang. » Ne cachant pas que c’est l’option qu’il aurait souhaité voir les Américains prendre, convaincu, lui, que les Brésiliens sont des « bluffeurs », Louis Bélanger reste pour l’instant en attente, comme tous les spécialistes qui suivent de près la saga de la ZLÉA. Un projet qui, de toute façon et contrairement à ce que colporte largement une opinion publique manifestement dans l’erreur, n’est pas une invention de Washington.

ATTENTION : LA ZLÉA N’EST PAS UNE INVENTION DES AMÉRICAINS

« Soyons clair, ça n’a jamais été le cas que la ZLÉA est une invention des Américains. Au tout début, lors du premier sommet des Amériques, à Miami, en 1994, les Américains ne voulaient même pas mettre le Commerce à l’agenda de la rencontre… Mais il y a même eu des menaces de certains pays latino-américains qui disaient qu’ils n’iraient pas à Miami si le commerce n’était pas à l’agenda. Les vrais porteurs de cette idée sont des pays comme le Chili et le Pérou, qui se souvenaient de la fameuse déclaration de Bush père (un marché de la Terre de Feu à l’Alaska) », se remémore le directeur de l’IQHEI.

Et à quoi ressemblent donc les tractations qu’opèrent depuis le Sommet de Monterrey tous les pays des trois Amériques sauf Cuba, ce 35ièm pays toujours tenu à l’écart du processus? « Les 34 pays sont actuellement divisés en trois blocs : le groupe dit du G14, celui des pays du Mercosur et celui des pays du Caricom. Le G14, avec le Canada en tête, travaille à reconstruire l’agenda abandonné en novembre dernier. De l’autre côté, les Brésiliens en tête font tout pour retarder cette option le plus possible ». Voilà à quoi s’affèrent donc présentement les équipes diplomatiques des pays des Amériques. « De toute façon, il n’y aura rien qui pourra avancer avant le dénouement des élections présidentielles aux États-Unis », de conclure Louis Bélanger.

À MONTERREY POUR PRÉPARER L’AVENIR

Accompagné du professeur de science politique Gordon Mace, qui est aussi le directeur du Centre d’étude interaméricaine, Louis Bélanger était, par ailleurs, très content d’être présent à Monterrey, lors du Sommet des Amériques de janvier 2004, pour aussi préparer l’avenir : « On se prépare pour l’Argentine et 2005. Il y aura deux ou trois événements préparés longtemps à l’avance… Pas comme ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Ce sera très différent de ce que nous avons pu fait auparavant », explique-t-il.

Une démarche dont l’origine est la création du Réseau des villes hôtesses des Sommets des Amériques qui avait été mis sur pieds lors du Sommet des Amériques de Québec de 2001 et qui se présente dorénavant sous le nom de Forum académique des Amériques.

Il faut savoir que l’Université Laval participait officiellement aux activités entourant le Sommet extraordinaire des Amériques de Monterrey. Les professeurs Bélanger et Mace ayant été invités par le secrétaire des Relations extérieures du Mexique, Luis Ernesto Derbez Baustista, et le secrétaire général de l’Organisation des États américains, César Gaviria, à participer à une rencontre réunissant les représentants des chefs d’État et de gouvernement des 34 pays démocratiquement élus des Amériques et les représentants de la société civile un jour avant le sommet. Cette rencontre avait pour but de générer des recommandations aux chefs d’État et de gouvernement qui se réunissaient le lendemain afin de discuter de trois grands thèmes : la croissance économique dans l’équité, le développement social, la gouvernance démocratique.

L’encadré qui suit présente d’ailleurs le texte intégral du communiqué remis aux ministres des affaires étrangères qui fut présenté par les participants à la table ronde universitaire. Elle représente une des quelques déclarations remises, ce jour-là, aux représentants officiels des gouvernements qui se réunissaient, au plus haut niveau, le lendemain.

COMMUNIQUÉ AUX MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
PRÉSENTÉ PAR LA TABLE RONDE UNIVERSITAIRE
SOMMET EXTRAORDINAIRE DES AMÉRIQUES
MONTERREY, MEXIQUE*
(11 JANVIER 2004)

*Ce communiqué a été présenté à tous les ministres des Affaires étrangères des Amériques et lu par M. Stephen J. Randall, professeur d’histoire à l’Université de Calgary et représentant des 35 universitaires, lors du dialogue entre les représentants des chefs d’État et de gouvernement des 34 pays démocratiquement élus des Amériques et les représentants de la société civile. Cette rencontre était organisée en marge du Sommet par l’Organisation des États américain et le ministère des Affaires étrangères du Mexique le 11 janvier 2004.

Je suis très heureux de présenter les commentaires suivants au nom de la table ronde universitaire présidée par l’éminente économiste Mme Sylvia Ostry et qui a eu lieu à Monterrey le 10 janvier 2004. La table ronde regroupait 35 universitaires de plusieurs pays des Amériques ainsi que les participants de la conférence « Le futur des Amériques » de Monterrey. Ce qui suit représente le consensus général dégagé par les participants.

Les participants de la table ronde reconnaissent l’importance d’aborder les défis de la gouvernance, de faire la promotion des institutions démocratiques, de s’attaquer à la corruption, d’affronter les défis reliés à la sécurité ainsi que de renforcer la capacité des citoyens des Amériques à jouer un rôle significatif dans la vie politique et économique de leurs pays. Nous reconnaissons aussi qu’il est important de poursuivre les objectifs de libéralisation des échanges commerciaux et des investissements dans l’hémisphère.

De même, nous croyons fortement que le but de l’intégration hémisphérique doit aller bien au-delà des échanges commerciaux. L’intégration est un moyen pour améliorer le bien-être des gens dans les Amériques. Ainsi, la cohésion sociale est une condition essentielle pour la prospérité économique et la démocratie. L’élimination de la pauvreté extrême ainsi que la diminution des inégalités dans la répartition des revenus doivent être le but premier des dirigeants du continent. Cette responsabilité relève non seulement de chaque pays mais aussi des institutions hémisphériques.

« (…)un obstacle majeur à cette intégration est
l’extrême inégalité des revenus,
des richesses, du pouvoir et des opportunités,
qui prévaut non seulement entre les pays des Amériques
mais aussi au sein de ceux-ci entreles élites fortunées
et la majorité de la population. »

Nous envisageons un futur où l’intégration des Amériques est complétée par un projet commun de prospérité et de démocratie. Selon nous, un obstacle majeur à cette intégration est l’extrême inégalité des revenus, des richesses, du pouvoir et des opportunités, qui prévaut non seulement entre les pays des Amériques mais aussi au sein de ceux-ci entre les élites fortunées et la majorité de la population.

Pour être significative, l’intégration doit aller au-delà du commerce, d’autant plus que le commerce et l’investissement sont des moyens critiquables pour atteindre nos objectifs plus vastes. Il a été suggéré d’étudier minutieusement les mécanismes empruntés par l’Europe pour surmonter les difficultés associées à une intégration qui impliquent des pays développés et d’autres moins développés, parmi lesquelles se trouvent les transferts financiers et la mobilité des travailleurs. Ce dont les Amériques ont besoin est un accord qui vise à rassembler le continent plutôt que de les diviser. Car un accord de libre-échange dans lequel les accords préférentiels bilatéraux prolifèrent et qui crée une structure où un pays joue le rôle d’épicentre des pourparlers régionaux et bilatéraux correspond à l’anti-thèse de ce que le continent a besoin pour s’intégrer. Il est également essentiel que les dirigeants du continent abordent le problème persistant des barrières non tarifaires qui freinent le libre-échange, dont la plus critique des situations est celle des subsides à la production agricole.

Nous désirons attirer l’attention sur les transferts financiers substantiels qui font partie de l’approche européenne de l’intégration sous les Fonds structurels et de cohésion qui prévoient pour leur part des investissements dans les infrastructure contrairement aux fonds extrêmement limités du Programme de coopération hémisphérique dans les Amériques.

En même temps, une intégration efficace doit aussi impliquer que les pays du continent s’entendent sur certains standards à atteindre et qu’ils s’engagent à les respecter. Parmi ces standards, nous désirons évoquer l’importance d’une discipline fiscale basée sur des dépenses ainsi qu’un système d’imposition justes. Sans des réformes fiscales majeures, plusieurs pays du continent seront incapables de mettre en place des politiques fiscales et monétaires anti-cycliques. Ces réformes fiscales sont essentielles pour que les pays soient aptes à surmonter les défis qui se posent en matière d’éducation et de formation, des services de santé, de réduction ou d’élimination de la pauvreté, de protection de la propriété et des droits légaux, ou encore de promotion des petites et moyennes entreprises qui sont essentielles pour la création d’emploi.

Le Sommet extraordinaire des Amériques se concentre principalement sur les thèmes de la croissance économique, du développement social et de la gouvernance démocratique. Nous croyons que la croissance doit être atteinte avec équité, que la cohésion sociale est un pré requis essentiel pour la démocratisation dans toute société, que la pauvreté et les inégalités créent des conflits plutôt que de la cohésion sociale, et que ces conflits ne servent qu’à détruire les valeurs essentielles aux sociétés démocratiques que nous cherchons à voir se développer sur ce continent.

Conférence de la table ronde universitaire
Monterrey, Nuevo León (Mexique)
10 janvier 2004

Commanditée par le gouvernement de Nuevo León (Mexique), le Latin American Research Centre de University of Calgary (Canada), le Centre d’études interaméricaines de l’Université Laval (Canada) et Encana.

Cet événement avait lieu conjointement avec la conférence Futuro de las Americas organisée par le gouvernement de Nuevo León, le Tecnológico de Monterrey, Universidad Autónoma de Nuevo León et Universidad de Monterrey, Mexique.


Le Centre d’études interaméricaines - créé à la suite de la tenue à Québec du troisième Sommet des Amériques, en avril 2001, dans le but de procéder au suivi des initiatives prises lors des Sommets des Amériques – était également l’un des organisateurs de la conférence universitaire « Futur des Amériques » qui se déroulait également à Monterrey parallèlement au sommet officiel.

Université Laval - 7 au 15 juin 2004
Première édition de l’École internationale d’été sur les Amériques

Le Centre d’études interaméricaines (CEI) de l’Institut québécois des hautes études internationales (IQHEI) de l’Université Laval tiendra du 7 au 15 juin 2004 son École internationale d’été sur les Amériques. Les thèmes de cette première édition seront les grands enjeux de la coopération interaméricaine et l’avenir du libre-échange dans les Amériques?

L’École internationale d’été sur les Amériques sera présentée en deux volets. Du 7 au 11 juin, le CEI offrira sur le campus de l’Université Laval une formation inédite de 5 jours destinée à des étudiants universitaires de 2ième et 3ième cycle, d’ici et d’ailleurs, intéressés par les Amériques. Durant cette formation, les participants seront également appelés à représenter un pays du continent lors d’une simulation d’un Sommet «extraordinaire» sur le développement social, les droits humains et l’environnement. Cette activité favorisera non seulement la mise en application de connaissances acquises mais également la maîtrise de certaines techniques de négociation au sein d’un forum multilatéral.

Le second volet de l’École prendra la forme d’ateliers destinés aux spécialistes et aux praticiens des relations interaméricaines qui se réuniront pendant trois jours, du 13 au 15 juin, dans un environnement propice aux échanges et au questionnement sur un sujet d’actualité: l’avenir du libre-échange dans les Amériques? Pour faire suite aux résultats des récentes rencontres ministérielles de l’OMC et de la ZLÉA, le CEI regroupera une pléiade de conférenciers: spécialistes en commerce international, négociateurs commerciaux et représentants de gouvernements et d’organisations interaméricaines. Les politiques commerciales des pays, les relations Nord-Sud, les négociations en matière d’agriculture, d’investissement et de propriété intellectuelle ainsi que les stratégies des États à l’égard de la ZLÉA seront les principaux sujets à l’ordre du jour. Ce deuxième volet aura lieu dans le cadre enchanteur de l’Auberge Saint-Antoine, dans le Vieux Québec.

Ces deux activités à caractère international seront présentées en français et en anglais. Il sera possible pour les étudiants inscrits au premier volet de faire créditer leur participation par une attestation. Pour plus d’informations, vous trouverez les programmes et les fiches d’inscription ci-dessous ou au www.cei.ulaval.ca. N'hésitez pas à faire circuler cette information dans votre milieu, auprès de vos collègues ou de vos étudiants.

Programme du Séminaire pour les étudiants
http://www.cei.ulaval.ca/Pdf/Seminaire.pdf
Fiche d'inscription du Séminaire
http://www.cei.ulaval.ca/Pdf/inscriptionseminaire.pdf
Programme des Ateliers pour professionnels et spécialistes
http://www.cei.ulaval.ca/Pdf/Ateliers.pdf
Fiche d'inscription des Ateliers
http://www.cei.ulaval.ca/Pdf/inscriptionateliers.pdf

Renseignement :
Centre d’études interaméricaines, IQHEI
(418) 656-2131, poste 6538
www.cei.ulaval.ca
ecole-ameriques@hei.ulaval.ca

Fait à Québec le 15 mai 2004.