Faites un don à
Commerce Monde
PayPal - Donate
SOMMAIRE

Changements climatiques et alternatives énergétiques (1er partie)
Les promesses d’Éole et de l’éthanol-carburant

par Daniel Allard et Renaud Blais

En cette époque où de plus en plus de gens s’amusent à dire que le B de la multinationale BP (British Petrolium) veut maintenant dire « Beyond », soit au-delà du pétrole, il y a certes matière à espoir lorsqu’on parle d’environnement. N’y-a-t-il pas eu la tenue du 1er congrès mondial sur l’éthanol-carburant, (World Summit on Ethanol for Transportation) en novembre 2003, à Québec, pour lequel d’ailleurs un deuxième rendez-vous mondial est déjà donné à São Paulo, au Brésil, en 2005!

Autre événement novateur, le rendez-vous Défense Innovation, dans le cadre de sa seconde édition d’octobre 2003, encore au Château Frontenac de Québec (Commerce Monde #38 : « Quand la R&D militaire se fait pacifiste...), avait parmi ses conférenciers le chef de la division de la réponse aux urgences environnementales d’Environnement Canada. Michel Jean n’était pas là pour faire peur à ces experts réunis pour parler de « sécurité mondiale », mais la problématique des changements climatiques est préoccupantes : « Il va y avoir des impacts, ceci est très clair. L’Inde et la Chine représentent le tiers de l’humanité. Le temps qu’ils arrivent à un niveau de développement souhaité… il faudra 50 ans », dit-il. « La première étape serait de maintenir le niveau de pollution selon l’Accord de Kyoto. Après on verra… », analyse ce physicien de formation.

De là à crier au catastrophisme… il se rappelle le Protocole de Montréal pour la protection de la couche d’ozone : « Il faudra encore 50-75 ans pour les résultats… La contribution qu’il faut faire, il faut la faire, même si c’est une goutte d’eau (considérant le poids de la Chine et de l’Inde). Qui sait ce que la science nous réserve? » L’homme de science qu’il est reste logiquement optimiste! Cinq grands pays travaillent sur des modèles majeurs de circulation générale du climat, des initiatives à surveiller: USA, Allemagne, Royaume uni, France et Canada, explique le scientifique qui est particulièrement fier du rôle que la Canada joue également au sein de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). « Le Canada est un des plus gros partenaires de l’OMM. Le président du Groupe de travail sur les urgences est un canadien : Peter Caen », précise monsieur Jean, qui participe lui-même de près à ces travaux de haut niveau.

Réussit-il à être optimiste? « Clairement, il va falloir être responsable dans nos manières d’utiliser l’énergie par l’individu. Il faut que l’exemple commerce quelque part ». Questionné à savoir dans quel endroit du monde il préfère vivre, considérant les risques de changements climatiques dans le monde, sa réponse soulagera les Québécois : « Je me considère très bien situé, ici même, au Québec. » Et les pires endroits : « Les îles Maldives et le Bangladesh », affirme sans hésiter Michel Jean.

Bref, il ne faut pas se surprendre d’entendre de plus en plus parler d’énergies alternatives. Voici donc un résumé de notre couverture journalistique du premier Sommet mondial sur l’éthanol carburant :

(propos retenus par Renaud Blais)

• « Si l’autosuffisance énergétique était un objectif national, l’éthanol comme carburant procurerait des avantages économiques et environnementales », Alain Lefèvre, président du comité organisateur.

• « Si les corporations privées dominants le marché international de l’énergie n’investissent pas dans l’éthanol, il n’y aura pas d’industrie de l’éthanol », Bliss Baker.

Sur la situation de l’industrie et les facteurs d’élaboration des politiques nationales :

• Margaret Bailey a exposé quelques statistiques sur la production de l’éthanol au Canada en comparaison avec les États-Unis. Elle affirme que le Canada produit actuellement 175 000L/an, tandis qu’aux ÉU on produit 100 000 000L/an. Elle ajoute que le gouvernement canadien a dépensé 100 millions $ en programme pour aider le développement de la production de l’éthanol.

• John E. Ferrell, un employé de l’État, a exposé les vertus des producteurs privés d’énergie en affirmant que CARGILL est le 4e plus important producteur d’éthanol aux ÉU. Adresse sur le web pour plus de renseignements : www.ethanol-gec.org

• Le Brésilien Luiz Carlos Correa Carvalho a expliqué que le gouvernement du Brésil, pour des raisons d’autosuffisance énergétiques et de développement économique, investit des fonds publics dans l’industrie de l’éthanol, ceci depuis de nombreuses années. Cette politique favorise la création d’emploi localement et réduit la pollution. Son gouvernement favorise l’utilisation et le développement de véhicules flexibles (qui peuvent utiliser le diésel, l’essence et l’éthanol). Il soutient que la production d’éthanol est compétitive au Brésil avec un prix du pétrole à 25$US par baril.

Sur le développement économique dans différents pays :

• Pour Manuel J. Molano Ruiz : « Au Brésil, la production de canne à sucre pour la production d’éthanol n’est pas rentable à cause du fait que cette production est privée et contrôlée par un monopole. »

• Selon Paritud Bhandhubanyong, en Thaïlande, il faudra deux ans au processus gouvernementale qui pourrait aboutir à l’autorisation de produire du gasohol (inclure 10% d’éthanol dans l’essence), ajoutant que « les producteurs d’automobiles sont aussi responsables de la résistance à l’implantation de l’éthanol comme carburant ». Suite à une question de l’auditoire, ce même monsieur nous dit que se sont les mêmes compagnies qui produisent des voitures alimentées à l’éthanol au Brésil!

• « L’industrie de l’éthanol en Colombie est un monopole d’État, ceci conformément à la constitution du pays. Cette industrie exporte 60% de sa production (600 000 tons/an) » a exposé Ricardo Villaveces Pardo. Les acheteurs sont un oligopole (les grandes pétrolières transnationales). De plus, les règles environnementales très sévères en ce qu’elles exigent que les rebus de la production de l’éthanol doivent être transformées avant d’être rejetés dans la nature sont des limites déjà connues. [www.asocana.org]

Sur une table ronde à propos des «  Mythes et réalité » :

• David Andress a affirmé qu’il est très difficile de mesurer les avantages de l’utilisation de l’éthanol pour ce qui est des effets de production de Nox, CO et VOC.

• Dan Santini, qui a fait des études pour comparer l’efficacité énergétique des différentes sources énergétiques, liste par ordre décroissant d’efficacité l’hydro électricité, l’essence, l’éthanol et finalement le charbon. Il affirme que l’utilisation de l’éthanol permettrait de réduire la dépendance au pétrole. L’éthanol (maïs) réduirait un peu les GHP et l’éthanol (cellulose, déchets organiques) réduirait un peu plus les GHP.

• Hosein Shapouri a affirmé (sans rougir!!!) : « Le marché libre est imparfait parce qu’il n’a pas de considération pour les questions environnementales, de santé et n’y sont pas considérés les avantages visant à :
- réduire les surplus agricoles;
- créé des jobs;
- meilleurs revenus pour les fermes;
- réduire la dépendance au pétrole;
- augmente le coût en subvention agricole.

• Il faut aussi savoir qu’actuellement, aux États-Unis, l’éthanol n’est pas un carburant, mais un aditif.

Sur le commerce mondial de l’éthanol :

• Patrick D. E. Funaro a fait la promotion de la création d’un marché à terme pour l’éthanol qui, selon lui, permettrait de rassurer les investisseurs. En plus de permettre à ce produit d’être vraiment reconnu comme matière première, « il y a des avantages politiques… à une politique de prix ».

• Pedro de Camargo Neto a dit que le Brésil, avec du soleil et de l’eau, a des opportunités pour l’agriculture, même si la terre n’est pas très riche. Il crois que le projet de ZLÉA offrira des avantages pour le marché de l’éthanol, parce que le marché sera globalisé… Il pense, par ailleurs, que la ZLÉA devrait inclure des considérations pour le développement durable. Pour lui, l’éthanol devrait bénéficier d’un traitement fiscal favorable à son développement.

Sur les matières premières et les technologies de production :

• Rodney J. Bothast a présenté des statistiques sur la production d’éthanol aux ÉU, rappelant aussi que Henry Ford avait étudié la possibilité d’utiliser l’éthanol pour sa Ford “ T ” : « En 2003, 90% de l’éthanol produit aux ÉU provient du maïs, 10% du maïs ÉU va à la production d’éthanol et à court terme, le maïs sera LA source de l’éthanol aux ÉU ».

• Donald V. O’Connor a comparé la production d’éthanol à partir de différentes céréales : le maïs, le blé et l’orge. Le maïs donne 400L/tonne de céréale, l’orge en procure 300L/t, tandis que le blé donne 370L/t. Le 2e plus important coût de production de l’éthanol est l’énergie…

• Jeff Passmore a affirmé que le prix à payer pour sauvegarder l’environnement et rejoindre les objectifs de Kyoto est l’injection de fonds publics dans la production d’éthanol surtout pour ce qui est de la production à partir de la biomasse.

Sur la perspective canadienne :

• Dominic Scipio, DG de Sonic, affirme « qu’actuellement 5% des clients acceptent de payer plus cher pour une essence plus propre et que si le prix était le même que l’essence ordinaire, le marché de l’essence, avec 5% d’éthanol, pourrait prendre 30% du marché ».

ESPOIRS?
Espoirs! La Banque mondiale vient d’annoncer, le 2 juin 2004, en conclusion d’une conférence internationale sur les énergies renouvelables tenue à Bonn en Allemagne, qu’elle augmenterait de 20% en moyenne par an, pendant les cinq prochaines années, les financements qu’elle accorde en faveur des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Ce qui donnera certainement des ailes aux nombreux producteurs d’énergie éolienne qui apparaissent actuellement dans le monde. Un aspect de la problématique que Commerce Monde développera d’ailleurs davantage dans un prochain numéro.

Soulignons, par ailleurs, que du côté de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la francophonie (IEPF), le numéro 62 de sa revue LIAISON Énergie-Francophonie, celui du premier trimestre 2004, porte judicieusement sur le thème « Éthique, énergie et développement durable »!

www.iepf.org

Sur le World Summit on Ethanol for Transportation, São Paulo, Brésil, 2005: http://www.bbibiofuels.com/worldsummit

Fait à Québec le 15 juin 2004.