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L’eau du Québec fait encore des vagues
Le ministre de l’Environnement relance le débat sur l’exportation en vrac

par Daniel Allard

Le ministre de l’Environnement du Québec, Thomas Mulcair, en a surpris plusieurs en remettant à l’agenda public l’enjeu de l’exportation en vrac des ressources en eau douce. « Et pourquoi pas ? » Voilà ce qui résume le mieux l’esprit de cette sortie d’un ministre qui savait qu’il parlait d’un sujet quasi tabou au Québec. Le politicien a même avancé qu’il entrevoyait une prise en charge régionale de cette ressource naturelle pas comme les autres, présentant l’eau comme une source de développement économique.

« Si j’ai des milliards à aller chercher avec de l’eau sans affecter les écosystèmes aquatiques, pourquoi je nous priverais par dogme de la possibilité d’avoir une activité économique importante ? » Cette déclaration, c’était en début d’été, a rapidement fait rappeler que les connaissances du Québec en la matière manque encore beaucoup de profondeur. En fait, le nombre, le volume et la vitesse de renouvellement des nappes phréatiques du Québec sont à ce jour toujours inconnus. Et cette grande inconnue permet à plusieurs organismes qui priorisent le réflexe de précaution de revendiquer le maintien de l’actuel moratoire sur l’exportation en vrac de l’eau du Québec. Un moratoire que l’ex-premier ministre Lucien Bouchard avait fini par imposer pour calmer le jeu au tournant des années 2000. Depuis, la Commission sur la gestion de l’eau au Québec, qui fut présidée par André Beauchamp, a remis son volumineux rapport au printemps 2000 et le gouvernement précédent, celui du Parti Québécois en a repris l’esprit en adoptant la toute première Politique nationale de l’eau de l’histoire du Québec.

Vu du ciel, l’immense territoire du Québec ne semble certainement pas manquer d’eau. Mais cette richesse apparente, quasi évidente, n’a pas encore passé toutes les analyses d’inventaires scientifiques, surtout lorsqu’il faut regarder ce qui s’écoule en son sous-sol. Mis au parfum de ce manque de données, le ministre a ensuite fait préciser que son ministère « refusera d’exporter l’eau en vrac tant que l’étude des nappes phréatiques du Québec ne sera pas complétée ». Une démarche, prévue depuis 2002, mais qui pourrait prendre encore plusieurs années à être terminées.

Il apparaît effectivement sage que le gouvernement sache en détail la nature des ressources aquifères du Québec avant d’envisager d’autoriser des formes d’exportation massive d’eau douce de son territoire. La nature du débat ne tient cependant pas qu’à cette question d’éclaircissement statistique. On comprend différemment la portée de la déclaration du ministre Mulcair, lorsqu’on rappelle qu’il fut rapidement et fortement rabroué par l’Opposition officielle à l’Assemblée nationale (les députés du Parti Québécois), qui parlait même du « principe sacré de la non-exportation de l’eau en vrac » !

UN AUTRE DÉBAT MORT-NÉ AU QUÉBEC ?

« Nous formons grosso modo un millième de la population du globe et nous avons 3% des ressources d’eau douce de la planète. Quelle est notre vision d’une citoyenneté responsable à l’échelle mondiale ? Est-ce de mariner dans notre piscine en regardant les habitants des contrées arides crever de soif ou est-ce de gérer adéquatement une ressource, que l’on peut aisément concevoir comme un bien collectif, dont nous serions davantage les dépositaires que les propriétaires ? Ce beau débat n’aura pas lieu. Parce qu’au Québec on ne débat pas. On vocifère. On se braque. On se conspue. » Cet extrait d’un commentaire de Patrice Servant publié dans le quotidien Le Soleil de Québec début août vient encore démontrer que le débat sur l’exportation de l’eau douce au Québec débordera largement des questions purement scientifiques. Depuis juin 2002, Patrice Servant était le rédacteur, « speechwriter » attitré, des discours de l’actuel premier ministre Jean Charest (voir notre entrevue avec M. Charest sur le sujet de l’exportation de l’eau dans le #25 de CommerceMonde.com). Il vient de quitter cette fonction, parce qu’il avait besoin « d’un temps d’arrêt », en signant cette longue lettre aux médias que nous citons et qui avait pour titre : À quand un véritable débat démocratique au Québec ?
 
 

LA LIBYE, ELLE, CONSTRUIT DÉJÀ UN DES PLUS GROS AQUEDUCS DE L’HISTOIRE HUMAINE, AVEC L’AIDE D’HYDRO-QUÉBEC
 
Alors que le Québec attend d’avoir toutes les données en la matière, il est intéressant de constater qu’un pays surtout connu pour ses déserts et son pétrole a su compter sur l’expertise de la société d’État Hydro-Québec pour aller de l’avant avec ce qui est déjà considéré comme l’un des plus gros projets d’aqueduc de l’histoire de l’humanité : la "Greatest Made Man River" (ou projet GMR, dit en français la Grande Rivière artificielle). La Libye est actuellement à bâtir le plus imposant réseau aqueduc construit de mains humaines depuis longtemps, un investissement qui atteint les 25 milliards $US, pour exploiter des eaux puisées très profondément au cœur du désert qui devront parcourir des milliers de kilomètres avant de trouver des clients dans les grandes villes du pays, plus au nord. C’est l’expertise québécoise, avec Hydro-Québec, qui a permis de solutionner des problèmes majeurs de conception et de régulation du courant nécessaire pour contrôler les immenses pompes servant à transporter massivement l’eau sur plus de 4 000 kilomètres de conduits, dont au moins 2 200 kilomètres sont déjà construits.