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Chronique Partenariat-Public-Privé

Une société en mal d'éthique ?
Transparence inc.
 

Par Jean Baillargeon
Consultant en affaires publiques
 

L'année 2005 nous réserve-t-elle un important changement de culture politique, économique et social? Sommes-nous à l'aube d'une nouvelle ère sociale? À entendre nos décideurs, toute décision doit être soumise à un processus rigoureux de « transparence ». Est-ce le début d'un nouveau code d'éthique sociétal? Ou est-ce plutôt le résultat du syndrome du scandale des commandites ou du dérapage du financement des écoles juives? Avant les scandales financiers de Nortel ou de Worldcom, la culture d'affaires dominante se résumait à « pas vu, pas pris », maintenant ce serait plutôt « être vu pour ne pas être pris ». Exit le bonus pour les dirigeants d'entreprises non-performants et criminels en cravate, la « transparence de gestion » impose maintenant son diktat.

Le dossier du Centre Hospitalier de l'université de Montréal (CHUM) est très éloquent. Encore une fois, il semble que la polarisation se fasse en apparence entre un hôpital de « gauche » au centre-ville, appuyé par le milieu syndical nationaliste et, un hôpital de « droite » à Outremont, la riche banlieue francophone, appuyé par les gens d'affaires et les médecins chercheurs et enseignants. Consensus oblige ou plutôt, « transparence oblige », le gouvernement du Québec a décidé de consulter en dehors du cercle des spécialistes, ou des lobbys organisés, pour choisir l'emplacement du complexe hospitalier. La raison évoquée? La transparence! Ainsi, des dizaines de millions $ englouties en études de toutes sortes n'ont pu convaincre le gouvernement de procéder à une décision, la transparence le pourra-t-elle?

Après l'apparent gaspillage de fonds publics ou plutôt le manque de transparence des coûts dans la construction du métro de Laval, du siège social de la Caisse de dépôt ou de la papeterie Gaspésia, qu'avons-nous appris de ces expériences? Pas grand chose, puisque les projets de partenariats publics privés (PPP) du gouvernement semblent être condamnés avant même d'avoir pu émerger, puisque la transparence gouvernementale a cette fois eu l'effet inverse.

Même scénario sur la Rive-Sud de Québec, la résistance à l'implantation du terminal méthanier Rabaska n'indique-t-elle pas un ras-le-bol collectif face à la transparence du promoteur? Faut-il faire un référendum à chaque fois qu'un projet industriel est mal accueilli? Pourquoi chercher absolument à convaincre? L'exemple du projet de la Centrale thermique du Suroît est éloquent, en l'espace de quelques mois, le gouvernement du Québec a fait un virage à 180 degrés très transparent, passant d'un rôle de promoteur d'une énergie polluante à un plan d'action sur le développement durable favorisant l'énergie non-polluante renouvelable comme l'hydroélectricité et l'énergie éolienne. La transparence a le dos large, mais le désabusement et le cynisme de la population est également très transparent, comme l'indique de nombreux sondages.

En tant que consultant en affaires publiques, je ne peux que constater une nouvelle donne : la transparence est devenue une véritable mode pour ne pas dire une industrie. Mais, est-ce par volonté ou par défaut? Après la Commission Coulombe sur la gestion de nos forêts, l'enquête publique sur la Gaspésia, la Commission Gomery, les Forums sur la démographie et la fiscalité, les commissions parlementaires qui se succèdent les unes après les autres, tous ces événements rendent-ils accroc les citoyens en mal de transparence? Quelle en est la résultante? Personne ne le sait ou n'ose le prédire, mais un constat s'impose, à partir de cette année, rien ne sera plus comme avant. 

La transparence a le dos large
mais il ne faut pas en abuser
sinon plus personne n'y croira

La transparence n'est-elle pas l'ultime recours pour faire accepter le changement sans avoir l'air de l'imposer? N'est-ce pas la façon de digérer la masse d'informations que nous devons assimiler à une ère de changements à vitesse grand « V »? Cette ère a-t-elle commencé avec l'arrivée de l'Internet ou depuis l'écroulement des tours du World Trade Center? Peu importe, les décideurs semblent constamment dépassés par les événements, que ce soit au niveau politique, économique et social. La transparence est un peu l'effet miroir de tous ces changements qui bouleversent nos vies. Les gens sont plus informés, plus éduqués et ils deviennent plus exigeants. Ils veulent être consultés, ils refusent les diktats sans en évaluer au préalable les conséquences sur leur vie.

Comparativement à nos voisins du Sud nous semblons vivre une période d'indécision transparente. Parfois, certains Québécois envient les Américains, se disant qu'avec Georges W. Bush, il n'y a pas de tergiversation; que l'on partage ou non son opinion, au moins il en a une, et elle est très transparente. Certains diront qu'il a du leadership et qu'il se foutre du consensus à tout prix. D'autres feront l'éloge de la différence québécoise ou canadienne de décider, ou plutôt de ne pas prendre de décision, sans consultation, sans transparence.

La transparence a le dos large, mais il ne faut pas en abuser, sinon plus personne n'y croira. Le leadership peut s'exercer en autant qu'il s'inspire d'une éthique de responsabilité et d'intégrité sans abuser du processus de transparence.