Engager un employé aux ventes ou un représentant indépendant à l’étranger?

Pour conquérir de nouveaux marchés, il est essentiel de trouver, sur le terrain, des personnes qui connaissent mieux que vous le marché, afin de tenter d’y développer de nouveaux clients. Le dilemme auquel fait souvent face l’exportateur est de décider s’il doit simplement trouver un représentant indépendant ou plutôt engager un nouvel employé à l’étranger, entièrement dédié au projet de développement des ventes. Engager un employé ou représentant indépendant à l’étranger? Quels sont donc les facteurs à considérer, juridiquement, avant de se décider, puisqu’il peut y avoir des conséquences à choisir l’un plus que l’autre?

D’entrée de jeu, peu importe les conséquences juridiques possibles, une fois celles-ci analysées et connues, la décision revient néanmoins à l’entreprise exportatrice de décider de ses besoins. Si le niveau d’intégration de la personne au sein de l’équipe est à ce point important que l’entreprise soit prête à vivre avec les inconvénients administratifs, légaux et possiblement fiscaux qui iront de pair avec le fait d’avoir un employé, alors c’est ce qu’il convient de faire. Mais l’important est de savoir à quoi s’en tenir et donc de faire les vérifications préalables avant de procéder à l’engagement d’un employé des ventes ou d’un représentant étranger, pour ne pas avoir de surprise.

SI LE CHOIX EST UN EMPLOYÉ…

La personne dont vous souhaitez retenir les services doit elle-même savoir ce qu’elle souhaite. Une personne qui a toujours été un employé, a bénéficié d’avantages sociaux et de sécurité d’emploi, a souvent beaucoup de difficulté à se convertir en un travailleur autonome, comme représentant indépendant. C’est donc un premier facteur, tout à fait « humain », et non juridique, à considérer.

Si vous décidez d’engager un employé, il faut alors savoir que les lois locales de l’emploi s’appliqueront à vous. Cet employé sera donc régi par les lois de son État/province/pays, dont les dispositions seront d’ordre public. Vous devrez donc, pour un (1) seul employé, vous conformer à ces lois et devenir un « employeur » local. Ceci implique enregistrements comme employeur aux différents paliers et ministères concernés, déductions à la source et remises, contributions à divers programmes et fonds locaux comme employeur, etc.

Les conditions d’emploi seront aussi différentes de ce à quoi vous êtes habitué comme employeur québécois, en termes de salaire minimum, temps supplémentaire, congés fériés, vacances, congés parentaux, capacité à mettre fin à l’emploi, préavis et indemnités au cas de cessation d’emploi, etc. Une simple clause de non-concurrence serait, par exemple, invalide au Brésil ou en Californie. Des pays comme la France, comme autre exemple, ont des législations du travail extrêmement contraignantes (et changeantes) pour les employeurs. Des états américains dits d’« employment at will » offrent quant à eux une grande latitude pour engager et mettre à pied des employés.

Un contrat de travail écrit peut aussi être obligatoire (ex : Mexique). S’il ne l’est pas, il demeure néanmoins un outil utile pour bien encadrer l’offre d’emploi et les avantages consentis à l’employé et prévoir clairement ce qu’on attend de lui. Le projet de contrat devra être au moins révisé par un avocat localement, pour s’assurer du respect des lois locales, travail qui s’effectuera de pair avec votre avocat québécois déjà au fait des opérations de votre entreprise et qui tentera de maintenir dans la mesure légale du possible une constance avec vos opérations canadiennes.

Les pouvoirs qui seront consentis à un employé localement pourraient aussi entraîner pour vous une responsabilité fiscale comme entreprise, donc possiblement de l’impôt localement. Les règles fiscales varieront par exemple aux États-Unis au niveau fédéral et dans chacun des états. Pensons notamment à l’acceptation de commandes par l’employé et non la compagnie à partir du Canada, au fait de donner de la formation aux clients localement, etc. Avec un assujettissement fiscal en sol étranger vient évidemment une série d’enregistrements à effectuer, formulaires à remplir, déclarations à produire, frais de professionnels locaux à payer, etc.

Évidemment, avec un employé présent localement, cet élément, combiné aux modes opérationnels de la compagnie en sol étranger, peut entraîner un assujettissement fiscal qui aurait été évité sans la présence d’un employé. Si la compagnie a par contre déjà un établissement permanent aux États-Unis ou Nexus dans un état, le fait d’y avoir un employé ne change rien sous le soleil à cet égard, l’entreprise étant déjà assujettie fiscalement. Il y a par contre des avantages certains à avoir un véritable employé, pour l’entreprise, car l’exportateur sera alors à même de s’assurer que la personne travaille exclusivement et à temps plein pour l’entreprise, qu’elle sera aussi sous le contrôle et devra respecter en tous points l’ensemble des directives de l’employeur. Le contrôle et la supervision d’un employé à distance demeurent un défi pour toute entreprise néanmoins.

SI LE CHOIX EST UN REPRÉSENTANT INDÉPENDANT…

Le représentant indépendant a le grand avantage pour sa part de n’avoir besoin que de peu d’encadrement, s’il est un professionnel expérimenté dans le domaine et sur son territoire. Étant un travailleur autonome, il a l’habitude d’être rémunéré en raison de ses performances et succès, donc d’être à risque. Il touchera sa commission s’il vous fait faire des ventes seulement.

Il faut évidemment faire attention au mode de rémunération, car si le représentant n’a aucun risque, que vous lui garantissez des revenus de base, lui payez une partie importante de ses dépenses et qu’il ne travaille que pour vous, les chances sont grandes que son statut de travailleur autonome puisse être mis en échec. Il s’agirait alors possiblement d’un employé « déguisé ». Au cas de cessation de la relation d’affaires ou par exemple de décès ou d’accident, il (ou sa succession) pourrait tenter de prétendre qu’il était véritablement un employé pour bénéficier de protections et indemnités. Les autorités gouvernementales pourront aussi être de cet avis et réclamer leur dû, avec pénalité ou intérêt.

Il faut donc s’assurer de créer dans les faits, non juste dans le contrat, une véritable relation indépendante entre l’exportateur et son agent indépendant pour éviter les problématiques reliées à l’emploi.

Il sera souvent souhaitable de restreindre la possibilité pour le représentant indépendant de représenter aussi un de vos compétiteurs, mais étant indépendant, il est probable qu’il aura plusieurs autres lignes de produits que les vôtres. C’est donc par l’encadrement prévu des performances de ventes dans le contrat (minimum de ventes à atteindre) que vous pourrez exercer à tout le moins le contrôle de mettre fin au contrat, faute de performances à la hauteur de vos attentes, ou encore de lui retirer une exclusivité consentie, ou encore de restreindre son territoire ou segment de marché.

Attention cependant, plusieurs juridictions, dont l’Union européenne et le Brésil, par exemple, ont de la réglementation aussi d’ordre public qui limitera votre capacité à mettre fin facilement et sans motif à la relation, en prévoyant préavis et indemnités payables au représentant. Pour les pays disposant de telles réglementations, il sera d’autant plus important de bien sélectionner le représentant indépendant, mais aussi de prévoir clairement au contrat les obligations qui lui sont imposées, ce qu’on attend de lui. Il sera ainsi plus facile de mettre fin « pour cause » à son contrat.

Attention également à la fiscalité, dans votre analyse, car le représentant indépendant, en fonction de certains pouvoirs que vous lui donnerez localement, peut lui aussi à l’occasion, dans certaines juridictions, vous entraîner de la fiscalité. Une analyse fiscale demeurera nécessaire et il faut faire attention aux pouvoirs qui lui sont consentis et mentionnés au contrat.

QUE RETENIR?

Conquérir seul et à distance un nouveau territoire d’exportation pour ses produits ou services peut s’avérer long et coûteux. D’avoir des ressources locales, compétentes, connaissant bien le marché, les habitudes locales, la langue, s’avère généralement un atout, voire un tremplin pour pénétrer plus rapidement un  marché.

D’engager dès le départ un employé, avec toutes les formalités administratives et contraintes légales durant l’emploi ou pour y mettre fin n’est souvent pas la première étape recommandée. Le plus souvent, l’engagement d’un employé se fera plutôt lorsque le potentiel de ce nouveau marché aura fait ses preuves et que l’entreprise sera prête à vivre avec tous les inconvénients et formalités supplémentaires, pour mieux intégrer sa démarche d’expansion.

Le représentant indépendant sera donc souvent le 1er choix, au départ.

Mais dans tous les cas, l’analyse doit être faite, non seulement des besoins, avantages et inconvénients administratifs et opérationnels, mais également des impacts légaux et fiscaux. Il faut trouver la solution la plus simple et efficace pour l’exportateur, dans le pays ou l’État concerné, au stade de développement auquel l’entreprise se trouve.

C’est en soupesant toutes les réponses à ces questions que le choix le plus adapté se définira, pour permettre à l’exportateur de prendre la meilleure décision, propre à son projet, en toute connaissance de cause.

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Micheline Dessureault
Avocate et agent de marques de commerce / Directrice des départements de propriété intellectuelle et des affaires internationales at Joli-Cœur Lacasse S.E.N.C.R.L.
Ayant développé une solide expertise de près de 30 ans en conseil stratégique à l’international, elle représente tant les entreprises et organisations canadiennes désireuses de s’implanter à l’international que les entreprises et organisations étrangères désirant s’implanter au Canada.

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