CIFRA veut être le "Bombardier de la santé"

par Daniel Allard

 

Pour l'instant, l'entreprise emploie quelques dizaines de personnes et autant d'hôpitaux utilisent son appareillage de télédiagnostic inédit, qui fait dans les 60 à 70 000$ pièce. Mais elle joue dans un secteur tellement en ébullition - les technologies de l'information appliquées à la santé- que sa propulsion rapide est prévisible.

Fondée par Jean-François Meunier, en 1995, CIFRA Médical "devrait passer d'un chiffre d'affaires de 2M$ en 1997, à 5M$ cette année et à 12M$ en 1999", avance le président qui sait qu'il évolue dans un marché mondial comptant déjà en milliards $ et qu'il évalue lui-même à 60MM$ dès l'an 2000.

Cifra, qui veut dire "chiffre" en espagnol, fait dans l'imagerie médicale numérique. La télémédecine! En intégrant la pratique médicale et les télécommunications, la télémédecine propose biens des bouleversements. Elle offre la médecine à distance et, surtout, à moindres coûts.

Une cinquantaine de centres hospitaliers au Canada sont déjà équipés de la version initiale de la technologie de CIFRA, première du genre dans le monde. "On doit maintenant vendre 200 unités de notre produit de deuxième génération", confie le président qui vante déjà la troisième, sur laquelle son équipe met la dernière main afin d'en faire le produit "killer" qu'il a promis à son nouveau distributeur, l'an dernier.

PARTENAIRE AVEC SIEMENS

Pour miser davantage en R&D, CIFRA a signé en novembre '96 un accord de distribution avec la division médicale de Siemens Electric Ltd pour le marketing au Canada de sa technologie. "Des deux gros joueurs mondiaux en la matière, GE et Siemens, c'est avec ce dernier que CIFRA avait avantage à conclure une alliance parce que Siemens est le seul à être actif aussi dans les télécommunications", justifie le principal intéressé.

Le président-fondateur et toujours actionnaire principal, ainsi que ses trois partenaires financiers -BioCapital de Montréal, la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches et le Medical Science Partner de Boston- qui se partagent les 5M$ engagés jusqu'à maintenant, savent manifestement où ils vont. Moins d'un an après sa création, l'entreprise établie dans le Parc technologique du Québec métropolitain était devenue un leader canadien dans son domaine.

Bien lancé dans ce qu'il qualifie de "business de l'image", c'est le sommet que vise J.-F. Meunier: "CIFRA Médical sera le Bombardier de la santé", lance-t-il. Dans la mi-trentaine, l'homme d'affaires donne l'image du scientifique tellement sûr de ses affaires qu'il devient difficile de ne pas le croire. Né à Shawinigan, gradué de l'Université Laval en physique nucléaire, il avait d'abord fondé Bio Expert dès la fin de ses études dans les années 80. Il crée ensuite Cifra génie informatique qui fera naître, avec d'autres associés, Gecko électronique. Après plusieurs années d'efforts et avec une technologie au point, il quitte Gecko en 1995 pour fonder CIFRA.

Grâce au financement obtenu dans le cadre du programme de développement technologique et d'applications de CANARIE, CIFRA développera et commercialisera rapidement son système de télédiagnostic TTIMC (Télédiagnostic par Transmission d'Images Médicales Numérisées), un appareil permettant à un médecin d'un centre spécialisé de visionner à distance en temps réel un examen diagnostic.

Déjà, la Chine, le Pakistan et la Russie ont démontré leur intérêt et des démonstrateurs ont été envoyés en Inde. Dans ses autres visées internationales, CIFRA parcours également la France. Prudent, le chercheur explique "que CIFRA n'a d'ailleurs pas de site web et c'est voulu, pour ne pas attirer la concurrence sur ce que nous faisons"!

Mélangeant habilement avancement de la science et promotion de sa technologie, elle n'hésite d'ailleurs pas à se faire organisatrice de conférences. Partenaire avec CANARIE, CIFRA tenait, à Québec, en avril dernier, sa deuxième conférence annuelle. Pour débattre sur "La télésanté au Canada: Les réseaux cliniques-L'abolition des distances", environ 150 spécialistes se sont arrachés les places de l'événement. En 1996, 60 personnes avaient été reçues plutôt que les 20 attendues. Pour 1997, avec la présence d'un médecin de l'équipe médicale qui soigne Bill Clinton, ils étaient plus du double. "La pression était forte pour déménager à Toronto ou Montréal, mais je tenais à garder la conférence à Québec", raconte J.-F. Meunier, résolu à affirmer le leadership de la région dans le domaine.

LA STRATÉGIE DU CHEVAL DE TROIE

CIFRA n'a aussi pas tardé à mettre dans sa mire l'immense marché des États-Unis. Imageant sa stratégie, J.-F. Meunier se fait adepte du Cheval de Troie: "Nous finalisons l'identification de 60 centres hospitaliers américains "exclusifs", ceux de qui tous les autres dépendent pour certains services. Ils nous permettront ensuite d'entrer dans 5 000 autres centres", ruse-t-il.

Outre la station d'examen mobile (une plate-forme regroupant moniteur, caméra vidéo, microphone et haut-parleurs, livrée avec le logiciel CifraVidéo) les efforts au développement de solutions de télémédecine permettent à l'entreprise d'offrir des équipements multimédias pour des spécialités du secteur de la santé tels que la radiologie (Cifra-SRX), la pathologie (Cifra-SP), l'urgence (Cifra-SD) et l'éducation médicale (Cifra-SEM).

Ces systèmes de télémédecine fonctionnent à l'aide de la plate-forme de télécommunication CifraLink, qui permet les transmissions simultanées d'information de type données, voix et vidéo sur un réseau compatible Internet. Grâce à CifraLink, des données sont transférées au moyen du protocole de télécommunication IP sur des réseaux de communication à large bande tels que RNIS, MTA ou satellite.

CIFRA a également breveté aux USA HEMIS (High End Medical Imagery System). Ce capteur de radiographie numérique est destiné à remplacer les appareils traditionnels à film à émulsion chimique. Une innovation qui offrira l'acquisition numérique et automatisée de radiographies par le biais d'un processus qui en permettra le stockage, la consultation, le traitement, l'impression et la télécommunication.

Pour l'instant, la compagnie demeure privée, mais face à une situation de développement rapide, son président ne cache pas qu'il réfléchit sérieusement à la possibilité d'en faire une compagnie publique. En attendant, devant ce climat de confiance, QuébecTel a choisi d'investir 500 000$ dans CIFRA Médical, l'été dernier