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Jour 4 du Sommet mondial de la nordicité


 

Le Simard CT400 a été conçu en fonction des nouveaux besoins de la gestion hivernale

par Daniel Allard

 

(Centre des congrès de Québec, 5 février 1999) La grosse souffleuse jaune monocoque, qui règne en maître au coeur des opérations de déneigement de nos municipalités, est peut-être menacée! À vocation unique, elle peut ne servir que 400 heures dans une année et coûte très cher.

"Nous venons de mettre 2 1/2 ans d'efforts pour le mettre au point, sans aucune aide extérieure", explique confiant André Simard, pdg de l'entreprise Simard, devant son camion à vocation multiple tout "habillé" - gratte avant, benne arrière, etc... - en équipements Tenco, la compagnie avec laquelle il est partenaire pour commercialiser son nouveau CT400.

La principale innovation du camion Simard CT400, c'est d'avoir avancé l'essieu avant de 24 pouces. Ceci va permettre, par exemple, d'installer en toute sécurité "...et en toute légalité, ce qui est loin d'être toujours le cas actuellement" insiste André Simard, une charge comme une souffleuse, en remplacement de la gratte-avant.

Avec ce type de camion multifonctionnel, les municipalités pourraient s'exempter d'acheter les énormes camions-souffleuses monocoques, pour plutôt disposer d'un camion utile pendant douze mois, croit l'homme d'affaires.

"Ce type de camion n'intéresse plus les gros manufacturiers, qui préfèrent les gros volumes et qui en ont délaissé la production depuis plusieurs années. Mais pour nous, c'est intéressant. Nous évaluons qu'il y a, au Canada, un marché de 100 véhicules par an", ajoute-t-il.

La PME qu'il dirige fait travailler 26 personnes à Baie-Saint-Paul et réalise un chiffre d'affaires de 3M$. Sa spécialité, c'est la modification en tandem-avant de gros camions tels les Ford, Mack, Westin Star et Volvo. L'entreprise en modifie environ 200 chaque année.

Rencontré sur le plancher de l'exposition tenue à l'occasion du Sommet mondial de la nordicité, André Simard avait déjà ses bonnes nouvelles et attendait calmement la fin des quatre jours de l'événement: "On nous a invité pour des démonstrations dans trois villes de la région de Québec, à Charny, à Lévis et à St-Augustin-de-Desmaures, jusqu'à maintenant."


Le Calso 98, un nouveau déglaçant produit au Québec

par Daniel Allard

 

(Centre des congrès de Québec, 5 février 1999) Bien peu de gens savent que l'usine de Norsk Hydro, à Bécancour, produit annuellement 8 000 tonnes de flocons solides d'une couleur blanc grisâtre, dénommés Calso 98 - parce que ce déglaçant possède une concentration à 98% - capables de remplacer, pour la moitié du prix, le chlorure de calcium, qui nous vient essentiellement de l'Ontario et des États-Unis.

La démonstration de l'efficacité du produit, faite à un kiosque de l'exposition commerciale du Sommet mondial de la nordicité, était tout ce qu'il y a de plus convaincant. Le produit est destiné à remplacer avantageusement le chlorure de calcium dans une stratégie de déglaçage. Exothermique (c'est-à-dire qu'il libère de la chaleur en fondant), il vous brûle l'intérieur de la main en quelques secondes, aussitôt que le flocon se mélange avec de l'eau. Composé de 14% de chlorure de magnésium, de 43% de chlorure de calcium, de 41% de sel et de 1% de chlorure de potassium, le produit n'est ni un mélange, ni un amalgame. Chaque structure cristalline contient toutes ces molécules, en proportion égale dans chaque cas.

Pour commercialiser le Calso 98, deux ingénieurs de la région de Québec ont créé LES ENTREPRISES CALUM, à Neufchâtel. Leur site Internet est: www.calso98.com


Québec port d'attache pour croisières hivernales: pas évident!

par Daniel Allard

 

(Centre des congrès de Québec, 5 février 1999) Venu à Québec, en tant qu'invité vedette du Sommet mondial de la nordicité, pour parler des succès de sa ville en matière de croisières nordiques, le maire de la ville norvégienne de Bergen, Ingmar Ljones, en a aussi profité pour signer une entente d'amitié avec son homologue de la Ville de Québec, Jean-Paul L'Allier.

Mais il faudra plus qu'une entente d'amitié entre Québec et Bergen pour lever les obstacles devant le projet de voir le port de Québec se transformer en port d'attache pour des croisières hivernales. Tous les conférenciers de l'atelier sur le tourisme, un des thèmes de la quatrième journée du Sommet mondial de la nordicité, étaient d'accord pour reconnaître le potentiel certain de Québec en la matière.

 

TROUVER UN BATEAU ADÉQUAT

Les panoramas du Saint-Laurent et de la côte du Labrador n'auraient rien à envier à ceux de la Norvège. Mais il faudra trouver un bateau adéquat, face au défi des glaces du majestueux fleuve Saint-Laurent.

À cette fin, la prochaine entente d'amitié à signer serait peut-être avec les gens de la Garde Côtière canadienne (GCC). Marc Demonceaux, de la direction des Programmes maritimes-Région Laurentienne, a expliqué dans le cadre du Sommet, en marge de sa conférence, qu'un navire de croisière hivernale à Québec aurait probablement avantage à être aussi un brise-glace, car dans le cas contraire, il risque de devoir supporter des charges importantes en matière de service d'accompagnement: "La Garde côtière facture 3 100$ par transit pour ses services, jusqu'à concurrence d'un maximum de trois transits sur une période de trente jours et d'un maximum de huit au total pour l'année", explique-t-il.

L'option d'éviter les services de la Garde côtière n'est pas évidente non plus. Un navire de croisière brise-glace qui serait autonome coûte en lui-même aussi très cher à opérer. Probablement bien plus que les quelque 25 000$ que la GCC pourrait demander par année.

Cette seule problématique, pour rentabiliser une entreprise de croisières hivernales, met-elle en péril un tel projet? L'atelier n'a permis que de soulever la question.

 

D'AUTRES PROJETS À KUUJJUAK ET À SEPT-ILES

L'atelier sur les croisières de glace a aussi permis d'apprendre que la région de Québec n'était pas seule à tenter de développer ce volet de l'industrie touristique. Johnny Adams, président de la Société Silak, de Kuujjuaq, dans le Grand Nord du Québec, faisait également partie de la liste des conférenciers de l'atelier de discussion, bien qu'il ne se soit pas présenté. Selon un des organisateurs du Sommet, monsieur Adams aurait plutôt priorisé une rencontre avec un ministre à Québec! Dans les couloirs du Sommet, on parlait aussi d'un autre projet de croisière de glace, du côté de la Ville de Sept-Iles.


Tourisme hivernal dans le Nord:
d'enfer blanc à or blanc

par Myriam Fimbry

 

(Centre des Congrès de Québec, 5 février 1999) Les professionnels du tourisme le découvrent de plus en plus, l'hiver dans les pays nordiques, bien que rigoureux, offre des expériences fascinantes pour les étrangers, de l'excursion en motoneige, dont raffolent paraît-il les Français, aux croisières de glace au large des icebergs, en plein boom, curieusement, depuis la sortie du film "Titanic". Autrement dit, il faut arrêter de complexer et de tout miser sur l'été.

Les chiffres commencent d'ailleurs à parler d'eux-mêmes. De janvier à mars, la période la plus dure de l'hiver, ce qu'on appelle le tourisme hivernal a représenté 12% des visites internationales au Canada. La statistique tient autant pour l'année 1996 que pour 1992. Or, le Canada a reçu 17 millions de visiteurs en 1996, contre 14,7 millions en 1992. La croissance du tourisme hivernal au Canada est donc aussi importante que celle de toute l'industrie prise globalement. L'origine des visiteurs explique probablement une partie de ce succès: ils sont toujours, en grande majorité, des Américains (80%), toutefois, en quatre ans, le nombre de visiteurs en provenance d'autres pays que les États-Unis a augmenté de 17%. "Il y a là un potentiel fou", selon Ernest Labrèque, coordonnateur pour le tourisme hivernal à la Commission canadienne du tourisme. "On remarque une croissance du tourisme hivernal chez nous, au-delà des mouvements conjoncturels", ajoute-t-il

Qu'est-ce qui fait donc courir tous ces touristes vers la neige, le vent, les -30°C? Le ski, le patin à glace, la pêche blanche, l'escalade sur glace? "La neige, c'est notre or blanc", s'enthousiasme Louis Parent, chef des produits aventure, motoneige et autochtones à Tourisme Québec. À côté du ski alpin ou du ski de fond, très populaire auprès des familles, la motoneige rencontre un succès grandissant chez les Européens, les habitants de l'Ontario (Canada) et du Nord des États-Unis. Un succès tel qu'elle mérite un sommet mondial à elle toute seule, dans la foulée de celui de la nordicité! Premier du genre, il se tiendra à Québec en septembre 1999.

 

DONNEZ-NOUS DE L'AVENTURE!

À chaque touriste sa part de rêve. Aux régions du Nord leur part d'imaginaire. À l'évocation de la "forêt hivernale", indique Ernest Labrèque, le Français songera à la fameuse cabane au Canada, tandis que l'Allemand y verra le cadre idéal du suspense et de la grande aventure. Autres exemples: les aurores boréales, au-dessus du Cercle Arctique, fascinent les Japonais pour leur dimension spirituelle. Les balades en traîneau à chiens rappellent les expéditions du Français Nicolas Vanier dans le Grand Nord canadien.

Croisières de glace
au large des icebergs

La mésaventure du Titanic, qui a sombré en heurtant un iceberg lors de sa traversée de l'Atlantique au début du siècle, ne freine pas les amateurs de croisières de glace. Bien au contraire: depuis la sortie du film, les demandes d'expéditions "sur les pas des Vikings" ont augmenté, remarque le maire de la ville de Bergen, en Norvège, Ingmar Ljones. Tous les jours, des croisières de onze jours partent de sa ville, à bord d'un bateau à vapeur.

Extraordinaires formes sculptées par la nature, les icebergs intriguent un nombre croissant de voyageurs. Hiver comme été, dans l'hémisphère Nord comme dans l'hémisphère Sud. Habillés chaudement, les passagers descendent dans des zodiacs pour observer les glaciers de plus près, au risque d'un bon mal de mer: "C'est une expérience six étoiles, et non pas un confort six étoiles", souligne Ingmar Ljones. Les escales, par exemple au Groënland, permettent de découvrir des régions, des peuples, de créer des emplois sur les côtes, de faire marcher le commerce local.

Soucieux de préserver la faune arctique, l'organisme international de protection de la nature WWF a élaboré dix principes à l'attention des touristes, pour notamment préserver le monde sauvage et la biodiversité, minimiser la pollution et les déchets, respecter les cultures locales tout en permettant aux communautés de tirer parti du tourisme.

Pour en savoir plus sur le WWF Arctic Tourism Project : http://ngo.grida.no/wwfap

L'aventure? Un bon créneau. Traverser le fleuve Saint-Laurent en canot, comme le faisaient les Québécois il y a cent ans. Découvrir le froid, les techniques autochtones de survie. Vivre aux côtés des Inuit, des Cris, des Naskapis, des Atikamekw. Partir dans le Nunavik observer les ours polaires et les caribous. Ainsi "depuis une quinzaine d'années, le Québec est devenu une destination de choix pour les Français", remarque Alain Mascaro, un Français amoureux de la Belle-Province au point de fonder, il y a un an, le magazine bimensuel Québec-Canada Grandeur nature. Les Français, explique-t-il, ne vont pas forcément traverser l'Atlantique pour faire du ski: ils ont chez eux deux grands massifs montagneux, les Alpes et les Pyrénées. Au Québec, ce qui en séduit plus d'un, c'est "l'aventure douce", le dépaysement, l'Amérique en français. Pas négligeable, le partage de la langue...

 

S'APPROPRIER L'HIVER

Mais ce qui en rebute encore plus d'un, c'est la dureté de l'hiver. "En France, dès qu'il tombe 5 cm de neige, c'est la catastrophe, les voitures vont dans le fossé, plus personne ne sort." Les médias contribuent d'ailleurs à véhiculer une image guère rassurante de l'hiver canadien, en n'en parlant qu'à l'occasion d'une catastrophe, avalanche ou déluge de verglas. "Il faut leur montrer que l'hiver québécois se maîtrise et qu'une heure après une tempête de neige la vie reprend son cours", avance Alain Mascaro.

La demande s'accroît, mais c'est l'offre qui ne suit pas toujours. Durant la période considérée comme "creuse", de novembre à mai, trop de musées ferment, trop d'attractions ou d'animations sont mises en veilleuse. La promotion du tourisme hivernal est relativement récente, depuis trois ou quatre ans à Québec. Le défi posé aux professionnels du tourisme, c'est de "s'approprier l'hiver pour le vendre de façon convaincante. Notre hiver, dans le fond, c'est une force", explique France Lessard, conseillère au développement à l'Office de tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec.

Mettre en valeur sa beauté et ses ressources, au-delà de ses désagréments, vaincre les préjugés persistants des touristes étrangers... il y a encore du boulot!

Où va le touriste amant du Nord?

 

(CMQC) Une compilation réalisée par l'organisme international de protection de la nature WWF révèle un déséquilibre complet de la répartition des touristes qui se dirigeaient dans les différentes contrées de l'Arctique, au début des années 90.

Région Nombre de visiteurs
Scandinavie: 1 000 000
Islande: 202 000

Canada (Territoires du Nord-Ouest):

48 000
Svalbard: 30 000
Alaska: 25 000
Groënland: 18 000

Canada (Yukon):

8 000

Le Carnaval de Québec:
fête populaire ou attraction touristique?

par Myriam Fimbry

 

(Centre des congrès de Québec, 5 février 1999) Le carnaval de Québec, le plus grand carnaval d'hiver au monde, qui organise le concours international de sculpture sur neige, contribue à l'image touristique de la ville dans le monde entier. Il porte aussi la marque de la mondialisation, au détriment d'une véritable authenticité carnavalesque, explique Dessislav Sabev, étudiant au doctorat en anthropologie à l'Université Laval de Québec. Il est l'auteur de "Carnaval ou décarnaval" et a plutôt surpris son auditoire, à la fin du Sommet mondial de la nordicité, comme conférencier lors de l'atelier Tourisme, présidé par le directeur général du Carnaval, Luc Fournier.

Dessislav Sabev s'est mêlé aux carnavaleux de tout poil, les touristes comme les Québécois. Il s'est faufilé dans une discothèque qui organisait une soirée intitulée "Décarnaval", pour ceux qui n'aiment pas le carnaval. Il a remarqué des dissonances entre le discours officiel et le discours populaire. Il a cherché le lien entre l'identité culturelle et l'industrie touristique.

Voici son constat: le carnaval de Québec n'est pas un "vrai" carnaval, au sens classique du terme. On n'y retrouve pas les éléments caractéristiques du carnaval conçu comme une fête populaire, fleuron d'une identité locale, avec ses rites, ses travestissements, son inversion de l'ordre social, sa profanation du sacré...

Le carnaval de Québec, au contraire, "s'intègre dans un ordre établi et reproduit la mondialisation économique". La marque américaine "Kellogg's" le suit partout. Quel symbole pour les Québécois qui défendent leur identité! Et "ce sont les commanditaires qui construisent l'espace du carnaval". En témoignent la place Desjardins, du nom de la Caisse populaire, la place Loto-Québec, "qui évoque le jeu et la rentabilité". Le carnaval est une industrie touristique qui cherche à "rentabiliser l'identité nordique", à "exporter l'hiver". Dans le discours officiel, le froid devient chaleureux grâce à la fête. Mais dans la rue, "le froid empêche une participation massive, les gens passent sans s'attarder", a observé l'étudiant anthropologue. Un passant lui avait lancé ce cri du coeur: "Moi je vais à Rio. Ici, on gèle!"

 

UN CARNAVAL ATYPIQUE

Il faut avouer que le carnaval de Québec n'a pas grand chose de commun avec ceux de Rio, de la Nouvelle-Orléans, de Binche en Belgique, de Bâle en Suisse, ou de Dunkerque dans le Nord de la France... le déguisement est peu présent à Québec, en dehors de Bonhomme bien sûr, de quelques soirées au droit d'entrée sélectif, ou de quelques accessoires dans lesquels se reconnaissent les carnavaleux: pins, effigie, canne remplie de caribou, corne en plastique... Traditionnellement pourtant, le carnaval, c'est le monde à l'envers. Le roi devient bouffon et le bouffon devient roi. Le masque permet toutes les audaces: se moquer des puissants, dénoncer les travers de la société ou les scandales de l'année, comme les satires inscrites sur les lanternes de Bâle.

Les significations sacrées du carnaval - l'excès avant le jeûne du Carême ou, à Dunkerque, avant le départ des pêcheurs vers l'Islande - imposent aux fêtards de "tuer Carnaval" juste avant le retour à la vie normale. Dans de nombreux carnavals, les habitants se prêtent, lors de la cérémonie de clôture, à une destruction (symbolique) du dieu de leur fête. On n'imagine pas Bonhomme Carnaval sacrifié sur la place Loto-Québec!

Mais comme de nombreux carnavals, celui de Québec cherche à souder une communauté autour d'une identité locale, celle des Québécois, habitants de la ville de Québec. Y parvient-il? En 1998, la grande majorité des carnavaleux (75%) provenaient de la région de Québec, selon les organisateurs. Et ce sont les Québécois aussi qui organisent le carnaval (plus d'un millier de bénévoles). Le directeur général Luc Fournier insiste: "Ce n'est pas un carnaval pour les touristes, mais d'abord un carnaval pour les gens de Québec. Ils faut que les Québécois soient fiers de leur carnaval. Le tourisme viendra en conséquence." Il vient déjà, timidement: 5% des carnavaleux sont des étrangers à la province, d'après l'étude de 1998. Et à ceux qui ont froid, Luc Fournier répète inlassablement: "Ne venez pas en souliers ou la tête nue, habillez-vous chaudement!"


Quand la nordicité se fait parler de développement durable

par José Slobodrian

 

Le jour 4 du Sommet mondial de la nordicité était aussi celui de l'environnement. Avec plusieurs conférenciers vedettes, dont notamment Pierre-Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec et présentement avocat chez Heenan Blaikie Aubut.

C'est dans le contexte d'un monde en mouvement et d'un environnement en péril que P.-M. Johnson a partagé sa vision du développement durable. À cet effet, le Nord représente un tableau unique où peuples, langues, régimes, climats et écosystèmes témoigent d'une diversité qui lui est propre. Il mentionne, entre autres, que l'Arctique, à elle seule, abrite 10% des réserves planétaires en eau douce et 15% des espèces d'oiseaux. La forêt boréale, quant à elle, représente un tiers des forêts mondiales.

Devant cette imposante richesse naturelle, M. Johnson insiste sur l'importance de protéger l'Arctique contre les polluants aériens et marins, la contamination nucléaire et celle découlant des industries minière et pétrolière. L'échauffement global et la désintégration de la couche d'ozone menacent aussi l'équilibre souvent précaire des écosystèmes nordiques, et exigent un contrôle soutenu des émissions de gaz atmosphériques.

En somme, dit-il, le développement des régions nordiques devra se poursuivre avec précaution et prévention, en intégrant les considérations environnementales et économiques, tout en favorisant la participation et l'essor des communautés autochtones. (voir encadré sur le Nunavut)

Création du Nunavut: la carte de la nordicité va changer le 1er avril 1999

D'ici quelques semaines, le Territoire du Yukon (500 000 kilomètres carrés, 32 000 habitants) et les Territoires du Nord-Ouest (3 300 000 kilomètres carrés, 68 000 habitants) ne représenteront plus seuls la face Nord de la nordicité au Canada. Un scrutin historique, tenu le 15 février, avait pour objectif d'élir le premier gouvernement du Nunavut, qui verra le jour le 1er avril prochain. Pour accéder au premier Parlement du Nunavut, 71 candidats se disputaient 19 comtés.

Cette nouvelle entité politique au Canada sera constituée de la partie est des Territoires du Nord-Ouest, entraînant le premier changement de la carte géographique canadienne depuis l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, en 1949.

Le Nunavut aura 2 000 000 de kilomètres carrés, 25 000 habitants, une Assemblée législative de 19 députés, un premier budget annuel de 600 000$ provenant d'Ottawa à 95%. Le tiers de sa population bénéficient de l'aide sociale, le revenu par habitant avoisine 11 000$ et le taux de chômage atteint 22%.

Yvon Dubé, conférencier au Sommet mondial de la nordicité, représentant l'Arctic Institute of North America de l'Université de Calgary, ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée du Nunavut: "Si le gouvernement canadien enlevait la barrière du soixantième parallèle, utile en son temps, le Canada ferait un immense pas en avant. En effet, le prolongement des provinces en direction du pôle nord, englobant l'ensemble des terres et des eaux polaires, serait un geste géopolitique éloquent conforme à l'histoire et répondant parfaitement à la réalité de même qu'aux règles de base en aménagement du territoire. Le Nord du Canada serait ainsi administré par six gouvernements provinciaux d'envergure qui possèdent l'expérience, les capacités, la diversité et l'énergie capables d'instaurer la cohérence et le mieux-être dans le respect des caractères propres et des attentes particulières des nombreuses et différentes régions nordiques", a-t-il plutôt proposé.

Selon lui, "les résidents du nord du soixantième parallèle bâtiraient ainsi leur avenir et enrichiraient librement leurs talents en compagnie de leurs compatriotes provinciaux. L'isolement ferait place au dynamisme. La centralisation céderait le pas à l'épanouissement des particularismes. Joindre enfin le Nord et le Sud du Canada, dans la dignité et la collaboration, avant que les failes ne s'élargissent, en utilisant l'expertise des provinces, serait une décision politique d'envergure internationale à portée sociale, économique et environnementale, tout à fait appropriée au rôle du Canada sur l'échiquier mondial", a conclu le chercheur.

Le conférencier russe, Nicolay Kasimov, professeur et doyen à la Faculté de géographie de l'Université d'État de Moscou, a détaillé les problèmes de son bout de nordicité: la présence de métaux lourds dans les sols, la radioactivité due aux tests nucléaires souterrains ainsi qu'aux sites d'enfouissement, la contamination au mercure. Le clou de son intervention a été cette explication concernant la "manière russe" d'exploiter les ressources pétrolières en utilisant d'immenses réservoirs à ciel ouvert en Sibérie du nord. Il n'est pas difficile d'imaginer le complexe problème de gestion des sols contaminés découlant de ce type d'exploitation.

Comme pour faire contre-poids à ce témoignage étonnant, le conférencier suivant est justement venu expliquer la technique de décontamination des sols que son entreprise applique au Québec et particulièrement dans le Grand Nord. Yvan Pouliot, directeur de projets chez Biogénie, avait plusieurs exemples à citer: "La technique des biopiles et la méthode de ventilation ex situ que nous utilisons a fait ses preuves dans des sites comme Wimingie, Salouït et Shefferville". Avec sa méthode, cette entreprise de la région de Québec a réussi à éliminer la toxicité du sol occasionnée par le déversement de sous-produits pétroliers avec des taux de réussite allant de 75% à 98% selon le site et le produit traité. Par exemple, la méthode atteint un taux de 95%pour les fameux BPC.

 

LES ENJEUX FACE A LA FORET BORÉALE

La forêt boréale occupe une proportion importante du monde de la nordicité. Partout à travers le monde, elle est largement exploitée, pour ne pas dire surexploitée. Des mesures de protection s'imposent et à ce propos, Christian Messier, professeur titulaire au Département des Sciences biologiques de l'UQAM, propose un taux d'au moins 12% de conservation intégrale de la ressource.

Pour leur part, les pays scandinaves n'ont malheureusement plus suffisamment d'écosystèmes boréals à l'état naturel. Effectivement, les chercheurs de ces pays doivent voyager en Russie afin d'y mener leurs études. Sur ce plan, le Québec est donc doublement avantagé: il représente encore un immense laboratoire naturel vivant, tout en demeurant un riche réservoir de biodiversité.