Tel qu'annoncé dans le numéro précédent de COMMERCE MONDE, nous poursuivons une série d'articles sur la Chine, qui s'inspire des débats du XIe colloque annuel Faire affaires à l'étranger, conçu et réalisé par Nicole Lacasse, professeure, et la Faculté des sciences de l'administration (FSA) de l'Université Laval. Ayant pour but de mieux comprendre les enjeux de ce pays-continent, ce colloque international s'est tenu au Château Frontenac, toute la journée du 4 mars dernier.

Le contenu du présent article résume la conférence ainsi que l'entrevue que nous a accordée Fred Bild, ambassadeur canadien en résidence et qui était encore dernièrement en poste à Pékin. Il fut l'un des conférenciers vedettes du colloque Au-delà du Guanxi. Ambassadeur en Chine, où il organisa la Mission "Team Canada" de Jean Chrétien en novembre 1994, il est actuellement associé principal d'Agora International, une société de consultants en affaires étrangères et commerce international.


XIe colloque Faire affaires à l'étranger

Au-delà du Guanxi
Stratégies et pratiques des affaires en Chine (3)

par Daniel Allard

 

DIX CONSEILS D'EXPERTS POUR RÉUSSIR EN CHINE

 

SUR LES RELATIONS PERSONNELLES

"Il ne faut surtout pas leur mentir sur nos croyances ou sur nos principes pour leur faire plaisir. Même s'ils ne partagent pas nos idées, qu'ils jugent parfois trop avant-gardistes, ils les respectent et s'attendent surtout à ce que nous nous respections nous-mêmes." (Pierre Pomerleau, Pomerleau inc.)

 

SUR LE GUANXI

"Le guanxi a longtemps été un actif immatériel pour les étrangers; ceci est toujours vrai. Mais de plus en plus d'entreprises trouvent que le guanxi de leur partenaire est limité, qu'il les engage dans des directions difficiles à contrôler ou stratégiquement inutiles. Il est maintenant reconnu que la plupart des entreprises chinoises manquent d'expérience pour s'adapter à la rapidité et à l'évolution du marché chinois. Un partenaire local est-il indispensable au niveau du guanxi? La réponse est non!" (Zhan Su, Université Laval)

 

ÉVALUER UN PARTENAIRE D'AFFAIRES

"Comme les Chinois sont à la base une société de marchands, il vaut la peine de les évaluer sur leur capacité financière réelle. Un des moyens que nous prenons régulièrement consiste à les inviter pour visiter des installations au Canada. En acceptant de venir, ils couvrent alors tous leurs frais de séjour. Ce premier test passé, vous pouvez commencer à évaluer ce qu'ils regardent lorsqu'ils parlent d'acheter des produits ou qu'ils examinent des équipements. A partir de cela, vous pourrez vous faire une certaine idée de ce qu'ils ont réellement comme capital." (Robert Ward, Viabilis)

 

SUR LA NÉGOCIATION ET LE DROIT

"La Chine n'est pas une société de droit. Les tractations sont construites sur des ententes verbales entre des réseaux, entre des individus d'un réseau." (Robert Ward, Viabilis)

 

SUR LA SOUS-TRAITANCE

"Tout ce qui touche la sous-traitance nous donne une vision réelle de l'enfer... la négociation est continuelle, quotidienne et strictement basée sur le rapport de force du moment. Ils n'ont aucun respect des contrats, et très peu de la parole donnée. Ils n'ont aucune ethique commerciale. Ils ne sont pas fiables. La disponibilité de leur équipement est excessivement limitée et trop souvent, l'équipement disponible est inadéquat ou très vieux. Les sous-traitants en ligne ne paient pas leurs travailleurs et jettent le blâme sur l'entrepreneur." (Pierre Pomerleau, Pomerleau inc.)

 

SUR LES TRAVAILLEURS CHINOIS

"Si les entreprises sont peu fiables, les travailleurs sont extrêmement travaillants. Ils sont surtout efficaces lorsqu'ils travaillent en appliquant des techniques chinoises." (Pierre Pomerleau, Pomerleau inc.)

"Bien que Shanghai soit probablement la ville où la vie est la plus agréable en Chine, les gens de Shanghai acceptent très mal de travailler pour des gens originaires de Hong Kong." (Pierre Pomerleau, Pomerleau inc.)

 

SUR LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

"Grâce à la flexibilité et au contrôle sur le management qu'elles procurent, les investisseurs étrangers en Chine trouvent que les WFOE (Wholly Foreign Owned Enterprises/Entreprises à capitaux entièrement étrangers) sont devenues préférables à l'entreprise mixte (IJV: International Joint-Venture). Souvent, les investisseurs attendent d'un partenaire local des qualités de guanxi, connexions politiques et sociales indispensables aux affaires en Chine. Or les exemples se succèdent et montrent que les partenaires dans une IJV ont le même lit mais pas les mêmes rêves, et finissent souvent par paralyser ou abandonner leurs opérations." (Zhan Su, Université Laval)

 

SUR LES PARTICULARITÉS RÉGIONALES

"Une stratégie nationale peut difficilement fonctionner si elle ne tient pas compte des grandes régions et de leur importance, tant économique, que politique et sociale. Ainsi, il faut savoir faire les différences qui existent entre les gens du Nord et du Sud, de l'Ouest et de l'Est. Omettre ces réalités régionales chinoises risque de compromettre une stratégie que vous auriez développé au niveau national." (Robert Ward, Viabilis)

 

SUR LA DIFFUSION DE LA TECHNOLOGIE

"Une zone de conflit réside dans les perceptions et les attentes concernant la diffusion de la technologie. Le désir d'absorber la technologie occidentale est l'une des raisons pour lesquelles la Chine a ouvert son marché. Mais jusqu'à quel degré peut-on transférer sa technologie en Chine quand la protection de la propriété intellectuelle est quasiment inexistante?" (Zhan Su, Université Laval)

 

L'USAGE DE LA PATIENCE

"Pour vous, conclure un projet d'affaires peut être vu en l'espace de quelques mois, lorsque pour eux, le temps n'est par vraiment bien défini et ce, même si poliment ils vous ont fait comprendre qu'ils s'en occupaient immédiatement. Comme la Chine à déjà 3000 ans d'histoire, le moment immédiat est plutôt relatif. Il faut apprendre à interpréter un oui chinois dans son sens réel et ne pas perdre patience devant le sens contraire qu'il peut avoir pour un Nord-Américain. En Chine, il n'est pas rare que votre interlocuteur vous dise oui, sans pour autant signifier qu'il entend acheter ou faire des affaires avec vous. Il a été plutôt poli et a appliqué à la lettre les coutumes chinoises. Avant de conclure trop rapidement que vous avez été berné ou trompé... prenez le temps de vous situer dans le contexte chinois. Il est aussi important d'entretenir des relations... Le suivi constitue une faiblesse et certainement une des raisons pour lesquelles plusieurs relations d'affaires sont infructueuses. Que ce soit dans le cadre des fêtes chrétiennes ou chinoises, l'envoi de cartes de voeux est toujours apprécié et maintient un lien d'amitié d'abord et éventuellement d'affaires." (Robert Ward, Viabilis)