Groupe Pyrovac privilégie la biomasse pour la conquête des marchés mondiaux

par Daniel Allard

Appartenant exclusivement aux compagnies membres du Groupe Pyrovac, ce logo symbolise avec force l'envol d'une technologie révolutionnaire. Le PyrocyclageMC permet le recyclage complet d'une matière organique en lui redonnant une deuxième vie. Un premier coup d'oeil permet d'observer PyrolysMC, un oiseau qui s'envol élégamment d'un carré représentant un Pyrocycleur MC. Émanant du vide, il évoque le phoënix, cet oiseau mythique, unique de son espèce, qui renaissait de ses cendres. En observant plus attentivement, PyrolysMC prend la forme d'une moitié de fleur de lys, emblème floral du Québec et lieu de naissance de cette technologie novatrice. On y distingue aussi une flamme symbolisant l'élément thermique de la technologie. Le tout est présenté dans les couleurs de vert et de blanc, couleurs de l'environnement.

Groupe Pyrovac est la société de portefeuille qui détient les actions de Pyrovac international inc., de l'Institut Pyrovac inc., de Pyro Systèmes, de Pyrofab et de Pyrodev. En plus de ses trois principaux dirigeants, Groupe Pyrovac regroupe au sein de son actionnariat la société gouvernementale Rexfor, la société en commandite Sodexfor, l'Université Laval et les employés de ses différentes filiales.

Avec une quarantaine de personnes à son emploi, le groupe compte aussi sur une équipe de recherche composée d'une vingtaine de chercheurs spécialisés et d'une dizaine d'étudiants gradués. Il a réalisé un chiffre d'affaires consolidé d'environ 1,5M$ en 1997.

 

Les coéquipiers du Dr Christian Roy aiment bien l'expression odyssée, celle de la célèbre Odyssée d'Ulysse, pour résumer le parcours du professeur-chercheur-entrepreneur. Un "voyage" débuté en 1976, alors qu'il cherchait un sujet pour sa thèse de doctorat. Le principe de la décomposition thermique (pyrolyse) sous vide qu'il découvre et développe, au sein de l'Université de Sherbrooke d'abord, puis de l'Université Laval depuis 1985, est aujourd'hui le fondement d'une excitante initiative commerciale. Prenant acte des limites de l'ère de la pétrochimie, le Groupe Pyrovac annonce celle de la "carbo-chimie". En bref, rien de moins que la fin des déchets!

 

LA FIN DES DÉCHETS!

Grâce à sa technologie maintenant baptisée PyrocyclageMC, l'entreprise du Parc technologique du Québec métropolitain promet de révolutionner l'économie de nos sociétés hyper-génératrices de déchets. Comment? Après vingt ans de mise au point, cette alternative à l'incinération et à l'enfouissement permet de transformer en produits utiles, de nombreux déchets industriels et municipaux, comme les pneus usés, les résidus d'écorces, les déchets urbains, les boues pétrolières et les sols contaminés. Et puisque tous les résidus organiques peuvent entrer dans le réacteur, un jour pas si lointain, tout le sac vert pourra prendre le chemin de la pyrolyse sous vide, anticipent les promoteurs.

 

Le PyrocyclageMC est un procédé qui permet de valoriser tout déchet comprenant une fraction organique. Son principe est protégé par une cinquantaine de brevets à l'échelle internationale. Plus douce que la pyrolyse classique et que l'incinération, la technique du Dr Roy a l'avantage de produire beaucoup d'huile, ainsi qu'un charbon qui possède différentes caractéristiques selon le déchet valorisé. Le procédé consiste en une décomposition thermique de la matière, sous pression réduite. Dans le secteur de la biomasse forestière et des résidus de l'industrie des pâtes et papiers, la valorisation génère 42% d'huile, 24% de charbon de bois, 25% d'eau et 9% de gaz. Pour les pneus usagés, le rendement du procédé atteint 55% d'huile et 25% de noir de carbone, en plus de 9% d'acier, 5% de matières inertes et 6% de gaz.

 

UN CHEMIN LABORIEUX: DES PNEUS...

Preuve qu'une idée vertueuse ne met pas à l'abri des difficultés, c'est après un cheminement entrepreneurial parsemé d'embûches que l'annonce d'une première application commerciale de PyrocyclageMC a pu être faite en avril dernier.

Initialement, c'est sur l'élimination des pneus usés que Christian Roy concentre l'application de sa technique. Dans les années 80, il négocie un accord de licence sur le procédé avec Petro-Sun International. Mais en 1987, c'est le choc, Petro-Sun fait faillite. La liquidation des actifs de cette compagnie emporte aussi l'usine-pilote d'une technologie alors très prometteuse. Refusant de baisser les bras, le chercheur convainc Ultramar d'investir 15 000$, afin de racheter le pilote. En le sauvant de la casse, il rapatrie aussi la licence d'exploitation à l'Université Laval et repart à la chasse aux investisseurs.

Dans l'intervalle, en 1988, il fonde sa propre compagnie: Institut Pyrovac inc. Dédiée à la recherche dans le domaine de la pyrolyse sous vide, l'entreprise cherche aussi à maximiser les retombées commerciales de l'invention au Québec, en plus d'assurer le maintien de son équipe de recherche.

Malgré l'appui indéfectible de l'Université Laval, des supports financiers des gouvernements du Québec et du Canada et de nombreux voyages en Europe et aux États-Unis, les investisseurs intéressés se désistent à tour de rôle, devant l'ampleur du défi. En 94-95, une lettre d'intention signée avec McDermott Marketing Services permet d'espérer l'exploitation d'une première usine de pyrolyse des pneus usés. Mais une réorganisation structurelle de cette entreprise du Texas fait avorter une nième tentative.

Acharné, le Dr Roy lance Pyrovac international, qui marque un nouveau départ dans la démarche de commercialisation du PyrocyclageMC. Le vent tourne enfin en sa faveur lorsqu'en 1995, la Délégation générale du Québec à Bruxelles le met en contact avec l'entreprise néerlandaise Ecotechniek b.v. (elle même contrôlée pour un tiers par Royal Volker Stevin, une compagnie publique dont le chiffre d'affaires s'élève à plus de 2MM$ et pour les deux tiers par UNA, une société de services publics hollandaise appartenant aux villes d'Amsterdam et d'Utrecht). La signature d'une entente dans le but de construire et vendre des usines clef en main à des clients industriels conduit rapidement à une prise de participation de 50% d'Ecotechniek dans le capital de Pyrovac international. Et l'arrivée de deux associés, Gilles Thibault et Denis Morin, qui prennent en charge les fonctions de commercialisation et d'ingénierie, contribue la même année à la fondation de Groupe Pyrovac et d'une autre filiale, Pyro Systèmes, l'année suivante.

Totalement réorganisée, l'équipe de Christian Roy vogue dès lors avec plus d'assurance, renforcée d'une équipe multidisciplinaire capable de relever le défi de lancer une nouvelle technologie sur le marché mondial.

 

...A LA BIOMASSE

La volonté, à l'Université Laval, d'innover, en s'aventurant dans des voies nouvelles au plan de la R&D et du transfert de technologie fut, un facteur de succès qui mérite d'être souligné dans le cheminement du professeur Roy. La création d'un laboratoire expériemental hors campus s'en suivit, grâce à un acccord à cet effet avec le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ).

Maintenant privatisé dans sa presque totalité, le laboratoire comprend une usine pilote permettant la mise au point d'applications diverses de la pyrolyse sous vide. C'est cette usine pilote qui permet aujourd'hui le démarrage d'une première véritable unité industrielle. Après deux décennies d'efforts et bien des embûches, les rêves de Christian Roy semblent enfin à portée de main.

Nul autre que le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, était présent au dévoilement de la phase 1 du plan d'investissement du groupe à Jonquière, le 27 avril dernier. Privilégiant maintenant la biomasse, Pyrovac mobilise immédiatement plus de 6,5M$ pour aménager une unité de démonstration industrielle qui sera prête dès l'automne 1998.

Impliquées dans cette Phase 1, les sociétés Amisk, par le biais de la Société en Commandite Sodexfor, et Rexfor contribuent chacune pour 1,5M$.

 

Un projet global de 40M$ au Saguenay

 

On transformera annuellement 40 000 tonnes d'écorces de bois résineux en huile de bois, en charbon de bois, en eau et en gaz. Des matières qui seront ainsi rendues disponibles pour la revente sur les marchés internationaux et la production novatrice d'électricité.

Le Québec produit chaque année quelque 2,2 millions de tonnes d'écorces, dont seulement les deux tiers trouvent une application commerciale

Non complété à l'heure actuelle, le montage financier de la phase II nécessite 32,5M$ pour ajouter deux autres réacteurs, construire d'autres équipements connextes et acquérir la propriété du bâtiment. Dans sa stratégie de développement, pour loger sa première unité de production, Pyrochem Saguenay loue d'abord un bâtiment qu'un contracteur local a accepté de bâtir et prendre à sa charge et dans lequel sera installé d'ici l'automne pour 6,5M$ d'équipement. Lors de l'achèvement de la Phase II du projet, le Groupe Pyrovac deviendra ultimement propriétaire de l'ensemble du complexe. Une fois la technologie éprouvée, il est prévu que les sociétés Rexfor, Sodexfor et Ecotechniek investiront à nouveau pour finaliser la réalisation du projet de l'usine Pyrochem-Saguenay. Après la Phase II, qui ajoutera deux réacteurs, le site de Pyrochem Saguenay pourra transformer 160 000 tonnes d'écorces par an.

Outre l'abondance de biomasse, c'est le volet électricité qui est responsable de la venue de Pyrovac au Saguenay. Jonquière possède son propre réseau de distribution d'électricité et il est prévu que la ville s'engage à acheter l'électricité que Pyrochem Saguenay produira. Doublant la mise - grâce à une alliance stratégique avec Orenda Aerospace Corporation, une entreprise de Toronto qui possède la GT 2500 - l'initiative permettra de promouvoir la première turbine à gaz au monde capable de produire de l'électricité (8 mégawatts) en utilisant comme carburant de l'huile de bois. Celle-ci permettrait aux producteurs d'électricité d'avoir des résultats supérieurs de 25 à 30% par rapport à l'utilisation d'autres sources de biomasse.

Outre l'huile de bois, la pyrolise sous vide produit aussi un excellent contenu phénolique que Pyrovac commercialisera sous la marque "Biophen" en tant que substitut potentiel au phénol, un produit présent dans les résines phénol-formaldéhydes utilisées pour la production de panneaux OSB et de contre-plaqués. "Il y a seulement 4-5 gros producteurs de résine de phénol-phormaldéïde en Amérique du nord. Nous, on va produire un <phénol vert>, c'est-à-dire à partir de matière organique, plutôt qu'à partir du pétrole. Une révolution, d'une certaine façon. Un bel exemple de carbo-chimie, explique l'ingénieur Morin, qui va conduire ultimement à la mise en opération de <raffineries vertes> à travers le monde"!

 

NÉGOCIATION A CUBA

"Les Cubains ont un besoin urgent de sources énergétiques alternatives et nous étions en tête de liste prioritaire lors d'un séminaire tenu à La Havane, en janvier et organisé par le Canada et Cuba. Je sais que le premier ministre Jean Chrétien a aussi parlé de notre projet avec le président Castro, lors de son voyage en avril", explique Denis Morin, directeur général de Pyro Systèmes et actionnaire du Groupe Pyrovac.

L'opportunité commerciale qui entoure le couplage biomasse-électricité n'anime d'ailleurs pas que les gens de Pyrovac. Une semaine après l'annonce du Groupe Pyrovac, la filiale du Groupe Cascades, Boralex, annonçait l'acquisition d'une centrale de génération d'électricité à partir de biomasse à Stratton, au Maine (USA). Grâce à Boralex Industries, sa nouvelle filiale américaine, Boralex vise particulièrement l'acquisition d'une précieuse expertise obtenue des employés de Stratton Lumber, son nouveau partenaire, dans le domaine de la génération d'électricité à partir de biomasse. Jacques Gauthier, vice-président exécutif de Boralex, estime à 200 mégawatts le potentiel au Québec de génération d'électicité à partir de biomasse.

 

QUÉBEC, CAPITALE MONDIALE DE LA PYROLYSE SOUS VIDE

La somme des efforts investit et des embûches traversées permettent au Groupe Pyrovac de voir l'avenir avec beaucoup d'optimisme. "On nous voit déjà comme plus gros que Bombardier dans quelques années", prédit Denis Morin. Et l'exclusivité de leur approche, doublée de la ferme volonté du Dr Roy de voir les fruits de ses innovations profiter le plus possible au Québec, rend très crédible leur intention de faire de Québec, la capitale mondiale de la pyrolyse sous vide.

Avec l'ouverture du chantier de Jonquière, Christian Roy est maintenant à l'aube de voir le rêve de toute une vie se réaliser: celui d'assister au démarrage de la première application commerciale du procédé de PyrocyclageMC. En même temps, il concrétisera la réalisation d'un véritable corridor technologique de classe mondiale entre la ville de Québec, qui concentre les chercheurs et ingénieurs responsables du développement de la technologie, et la région du Saguenay-Lac-St-Jean, où se trouvera l'usine et toute la grappe d'activités connexes qui peut se greffer à une nouvelle percée technologique