Zone de commerce international
Aéroportuaire: Montréal-Mirabel!
Portuaire: Québec?

par Daniel Allard

Le dernier budget du gouvernement du Québec contenait des innovations fiscales qui aideront grandement la région de Mirabel à maximiser son potentiel de développement économique. Dotée d'une sur-capacité d'infrastructure aéroportuaire, la région de Mirabel profitera d'avantages fiscaux facilitant le développement d'un secteur bien précis de l'économie du Québec.

Il s'agit d'une première au Québec, où le discours concernant les "zones franches" se résumait toujours à soutenir que la législation au Canada faisait du pays entier une immense zone franche, rendant inutile toutes autres initiatives de la sorte. Le cas de Mirabel démontre qu'une marge de manoeuvre subsiste pour nos gouvernements. Il faut se réjouir que Québec passe à l'action. S'agit-il d'un début? D'autres régions du Québec se prêteraient-elles à une mesure similaire?

LE POTENTIEL DU PORT DE QUÉBEC

Les gouvernements sont plus facilement imaginatifs, en matière d'incitatifs fiscaux, lorsqu'il faut venir en aide à une portion particulièrement dévaforisée du territoire. Mais les mesures de la sorte font également partie de l'arsenal de l'État qui veut contribuer à maximiser un potentiel de développement sur un lieu précis. Le cas du Port de Québec, dans le contexte de la Politique de diversification de l'économie de la capitale, tombe plutôt dans cette deuxième catégorie.

Depuis deux ans, la volonté du gouvernement du Québec d'agir concrètement pour provoquer une réelle diversification de l'économie de la région de Québec ne fait plus de doute. Cette initiative découle, il est vrai, des conséquences désastreuses du "dégraissage" de l'appareil étatique, qui aura coûté environ 5 000 emplois dans la capitale. Mais la suite des choses concerne, avant tout, la volonté de tous à travailler, pour que le potentiel économique des forces de Québec contribue rapidement à assurer le développement dans des voies d'avenir.

Peu de gens se souviennent qu'une superficie de 42,5 hectares a été accordée, en 1984, par une commission du Bureau fédéral d'examen et d'évaluation environnementale pour l'expansion du secteur portuaire de Beauport. Depuis quelques temps, les administrateurs du Port de Québec ne manquent plus une occasion de souligner que, bientôt, ils manqueront d'espaces, si les projets actuellement en négociation sur la table se concrétisent tous. Évidemment, lorsqu'on parle de possibilité d'expansion, le jeu de l'oeuf et de la poule entre en scène. "Il sera difficile d'attirer de nouvelles entreprises si nous n'avons pas les espaces et sans espaces de nouvelles entreprises hésiteront à se décider", soutient-on dans le milieu.

 

Carte du projet d'expansion

Légende: zone de 42,5 hectares à construire, incluant une relocalisation de la plage à l'Est. 

Qu'importe, le précédant de Mirabel ouvre définitivement de nouvelles pistes de solutions. Surtout que lors de la tenue des dernières élections municipales à Québec, un candidat avait proposé dans la lignée du concept de zone franche, la mise en place d'une "Zone économique spéciale" vouée au commerce international. Pour sa part, l'actuel maire de Québec, Jean-Paul L'Allier, a reconnu, depuis, que si le concept de zone franche est crédible à Québec, c'est du côté du port qu'il faut regarder (voir entrevue avec le maire L'Allier dans le #7 de COMMERCE MONDE).

En vouant au développement du commerce international les 42,5 hectares de son plan d'expansion, couplé d'un statut fiscal de zone de commerce international, les chances de voir se réaliser le projet portuaire de la zone de Beauport dans les cinq prochaines années passeraient probablement du simple au double. Un enjeu considérable en terme de croissance économique et d'emplois. Coût de l'opération: rien! Il ne s'agit que de garantir des mesures étatiques pour favoriser la prise de décisions destinées aux futurs investisseurs.

DE QUELLES MESURES S'AGIT-IL?

Les zones franches existent pour promouvoir le commerce international depuis l'Antiquité. Il en existe dans de nombreux pays nouvellement industrialisés, dans nombre de pays en développement, plusieurs centaines aux États-Unis même - au moins 230 zones franches et 420 sous-zones réparties dans 49 états - et dans la plupart des pays d'Europe de l'Est, qui y voient un instrument majeur de leur intégration à l'économie mondiale.

L'initiative que le gouvernement du Québec prend à Montréal n'est pas un projet-pilote. Le document du ministère des Finance qui présente la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel (93pp., mars 1999) à lui seul donne les exemples internationaux de quatre expériences similaires comme gage de succès: la "Shannon Free Zone" en Irlande, le recyclage de l'aéroport de Liège-Bierset en Belgique et les cas du projet "Alliance", à Dallas-Fort Worth, et de la "Foreign Trade Zone" de Plattsburgh, aux États-Unis.

Le programme de mesures qu'il prend dans les cas de Mirabel est évidemment adapté au contexte local. L'encadré qui suit présente l'ensemble des incitatifs maintenant en vigueur, pour attiser le développement de l'industrie aéroportuaire à Mirabel.

Le programme d'aide de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel comprend des mesures pour:

  • faciliter l'implantation d'entreprises sur le site et réduire leurs coûts d'opération;

- crédit d'impôt remboursable de 25% pour l'acquisition ou la location de biens d'équipement;  

- aide financière à la construction de bâtiments par les entreprises pour lesquelles une attestation d'admissibilité aura été obtenue sans jamais excéder 25% de leur valeur;

- aide financière pour la construction par des tiers de bâtiments, jusqu'à concurrence de 20% de leur valeur;

exemption d'impôt sur le revenu, de la taxe sur le capital et de cotisations au Fonds des services de santé;

 - crédit d'impôt remboursable sur les salaires des employés admissibles, à plein temps, de:

40% jusqu'au 31 décembre 2000, avec un maximum de 15 000$ par employés annuellement;  
30% du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, avec un maximum de 12 000$ par employés annuellement;
20% du 1er janvier 2004 au  31 décembre 2009, avec un maximum de 8 000$ par employés annuellement;

  • les aider à opérer en "zone franche";

- un accès à des spécialistes sera offert par la Société de développement pour aider les entreprises à gérer les programmes douaniers et de taxes de vente;

- un programme de garantie de prêt et de congé d'intérêts afin de pallier à certaines lacunes qui ne premettent pas d'opérer totalement en "zone franche" avec les programmes actuels au Canada et ainsi alléger le fonds de roulement des entreprises;

- crédit d'impôt remboursable sur les honoraires versés à des courtiers en douane de:

40% jusqu'au 31 décembre 2000, jusqu'à concurrence de 30 000$ par entreprise annuellement;
30% du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, jusqu'à concurrence de 24 000$ par entreprise annuellement;
20% du 1er janvier 2004 au  31 décembre 2009, jusqu'à concurrence de 16 000$ par entreprise annuellement;

  • former et recruter la main-d'oeuvre dont elles ont besoin;

- un bureau d'Emploi-Québec sur le site pouvant fournir de l'aide adaptée aux besoins des entreprises en matière de recrutement, de formation de la main-d'oeuvre et de gestion de ressources humaines;

 

  • favoriser la venue de spécialistes étrangers;

- exemption totale d'impôt sur le revenu pour une période de cinq ans.

ACTIVITÉS ADMISSIBLES DANS LA ZONE:

  •  la logistique internationale, qui comprend notamment les centres de distribution continentaux;

  •  les services d'entretien et de réparation d'aéronefs, d'appareils de navigation et d'équipements de services au sol;

  •  la formation complémentaire en aviation;

  • des activités de transformation (fabrication légère) seront aussi admissibles pourvu qu'elles permettent la mise en valeur d'installations spécifiquement vouées à des fins aéroportuaires.  

UNE COMPLÉMENTARITÉ MONTRÉAL-QUÉBEC

Comme les aéroports à Montréal, les installations portuaires de Québec sont des actifs stratégiques importants pour la région métropolitaine de la capitale.

Les installations portuaires de Québec ont en plus l'avantage de compter sur un port en eau profonde déjà construit et ouvert 365 jours par année. Et juste en face, sur la rive sud du fleuve, le chantier maritime de classe mondiale représente un autre élément d'actif très pertinent. Devant l'absence d'une réelle politique en matière de construction navale au Canada, l'établissement d'une zone de commerce international à proximité du chantier de Lévis, incluant quelques mesures appropriées, donnerait même une importante valeur ajoutée à la concentration d'infrastructures portuaires de Québec.

Le gouvernement du Québec reconnait déjà la pertinence d'agir pour la diversification économique de la région de la capitale. Doter Québec d'un avantage comparatif en matière portuaire, comme il vient de le faire pour Mirabel et Montréal en matière aéroportuaire, permettrait même aux deux régions-mères du Québec de se développer en complémentarité. Les avions, c'est Montréal. Les bateaux, c'est Québec.

Dans un horizon de dix à vingt ans, l'apparition de portes-conteneurs géants obligera d'ailleurs les multinationales du secteurs à se réinstaller à Québec. Un regard visionnaire montre déjà la voie. Montréal - d'où plus de la moitié des conteneurs manutentionnés est destinée aux États-Unis - est déjà le principal port de conteneurs de l'Atlantique Nord, même devant New York. Mais le jour n'est pas loin où pour garder un rôle de leader, Montréal devra peut-être compter significativement sur Québec comme avant-port! L'âge des portes-conteneurs géants de 4 000 unités et plus se rapproche et ce type de bateau sera physiquement obligé de finir sa route du Saint-Laurent à Québec. Une vision à moyen-long terme commande ce genre de réflexion et de planification.

Québec, comparativement à la nouvelle zone de Mirabel, a par ailleurs un bel avantage. Pouvant compter sur l'actuelle structure de l'Administration portuaire de Québec (APQ), le gouvernement n'aurait pas à prévoir la création et le financement d'une société de développement de la zone, comme il doit le faire à Mirabel. L'APQ pourrait très bien prendre en charge la gestion et le développement de la Zone de commerce international de Québec.

Et si l'industrie du conteneur n'était pas au rendez-vous, ou que le secteur de la construction navale demeurait léthargique, viendra bientôt le temps de savoir d'où partira l'eau en vrac du Québec pour les marchés étrangers? Et il faut aussi saisir le créneau de l'industrie des croisières internationales. Qui dans le monde s'occupe actuellement de cette industrie en pleine croissance? Quelle part - aménagement et entretient des navires, formation du personnel (une force du Collège Mérici), modernisation des équipements, centre d'appel de réservations, etc... - Québec pourrait aller y chercher?