Mondialisation et perspectives agroalimentaires québécoises
Faire ou laisser faire?

par Daniel Allard

À quelques mois de la reprise des négociations ministérielles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) prévue en décembre 1999, c'est sous le thème de Mondialisation: faire ou laisser faire? que le Groupe GÉAGRI - Gestion et économie agricoles - (www.geagri.qc.ca) conviait les participants à son 11e colloque annuel. Ils étaient plus de 550 à prendre le départ, à la Salle Albert-Rousseau de Sainte-Foy, le 16 avril dernier, pour un grand tour d'horizon des enjeux en question.

Même la mise en scène était au rendez-vous pour incruster davantage les messages à passer. Trois comédiens de la troupe de théâtre "Mise au jeu" s'intercalaient intelligemment entre les débats de conférenciers. Débats, parce qu'il y en a eu. Comme rarement on le vit dans ce genre d'événements, qui voient plutôt se succéder des allocutions l'une à la suite de l'autre, l'auditoire a cette fois assisté à de véritables échanges, avec droit de réplique, lorsque Jean-Paul Gagné, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire de Montréal LES AFFAIRES, a confronté ses idées avec celles de Michel Chossudovsky, professeur d'économie à l'Université d'Ottawa.

L'éditorialiste accepte qu'il faille corriger certains dégâts collatéraux qu'occasionne la mondialisation des marchés, mais persiste à croire que le monde va dans la bonne direction et se refuse à voir l'avenir aussi noir que ce que dépeint l'universitaire. "Vous critiquez beaucoup, mais n'apportez aucune solution concrète," lui a-t-il lancé pour clore, en matinée, cette épisode de turbulences, après avoir défendu qu'il vaut mieux travailler à éliminer ses effets pervers que de revenir au protectionnisme.

ACCORD QUÉBEC-FRANCE

Le Club Export Agro-Alimentaire du Québec a annoncé fin mars la signature d'un accord de coopération industrielle et commerciale avec le Pôle des Industries Alimentaires de la région Nord/Pas de Calais, en France. Le directeur général de Club Export, Paul-Arthur Huot, souligne en se sens que les membres du club prévoient visiter la région Nord/Pas de Calais à l'automne 1999.

INFO: http://profil-cdi.qc.ca/export/export.htm

Désormais confrontés au "Village global", avons-nous tous les outils pour faire ou sommes-nous en position de laisser faire? À cette grande interrogation face à l'état du milieu agroalimentaire du Québec, les réponses d’Yvan Le Moing, directeur général, CFCA-Paris, spécialiste du monde coopératif, résonnait parfaitement avec la réalité québécoise. Ici aussi, la voie coopérative tire sa force de la solidarité locale et doit miser sur la continuité de cette stratégie gagnante. Mais il faudra plus que ça!

Yvan Le Moing n’hésite pas à parler d’abord de confusion: "Car la confrontation à la concurrence mondiale, la recherche constante de la compétitivité et l'économie de marché ne constituent pas en elles-mêmes des facteurs négatifs. Elles ont été et seront probablement encore longtemps sources de progrès. En revanche, elles peuvent s'avérer dangereuses et destructrices si elles s'accompagnent de dérégulation et d'un abandon des politiques d'organisation".

Ensuite, il en vient au faux débat: "...ce n'est pas tant l'ouverture qui est en cause que la volonté d'en édicter les règles et de les faire respecter, de ménager les transitions nécessaires et d'en gérer les conséquences parfois difficiles", avance-t-il..

Selon cette analyse, les entreprises coopératives agricoles françaises font donc le pari d'une agriculture d'ouverture et de conquête, mais dans le cadre d'une économie de marché régulée et d'une organisation des échanges. Dans l'absolu, la baisse des prix est le moyen le plus radical pour positionner ses produits sur un marché ouvert à la concurrence. Mais si la compétitivité par les prix devient une fin en soi, elle risque alors de s'apparenter à la loi de la jungle. Les entreprises coopératives ne pourront à la fois s'y soumettre et demeurer fidèles à leur finalité. Seuls survivront les plus forts, ce qui n'est pas acceptable. 

L'enjeu dans les années à venir
tant pour l'entreprise que pour la société toute entière,
consiste à redonner un sens à la performance.

Vu de France, la première réponse à l'adaptation des entreprises coopératives conduit donc à affirmer qu'elles dépendent de l'existence de choix politiques en faveur de la régulation et de l'organisation des marchés.

LE PROCHAIN CHANTIER DE L'OMC

Au Canada, l'ensemble des acteurs ferait semble-t-il consensus pour protéger le système de gestion de l'offre et demander la fin des programmes de subventions à l'exportation. Mais pour l'instant, la partie n'est pas officiellement débutée. Les équipes de négociation nationales se préparent encore, chacune sur son terrain.

Que faut-il attendre des négociations de l'OMC? De quoi sera fait demain? La réponse d’Yvan Le Moing n’est pas loin du consensus québécois: "...nous attendons que l'Organisation mondiale du commerce, dont les débats vont reprendre prochainement, organise et régule en même temps qu'elle libère, que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et que ne s'introduisent pas des distorsions de concurrence qui pourraient naître des politiques ou de l'absence de politiques en matière monétaire, environnementale, sociale ou liées à la qualité et la sécurité alimentaire. Les entreprises coopératives agricoles attendent également des politiques agricoles qu'elles encouragent et aménagent la performance du plus grand nombre possible d'exploitations en organisant les transitions nécessaires. Pour ce faire des outils existent. Nous en citerons deux: la maîtrise de l'offre et des politiques de soutien différenciées."

Mondialisation, laisser faire? Certainement pas, l’homme termine même avec son agenda :

  • À Seattle, tout d'abord à partir de la fin de l'année;

  • Dans l'élaboration des politiques agricoles et des règles de concurrence qui régissent nos économies;

  • En dépassant les égoïsmes "de boutiques";

  • En répondant par la performance;

  • Mais surtout si les entreprises objet de notre propos veulent continuer à être qualifiées de coopératives en donnant un sens à leur performance.

AGRITECH 99

Cette foire commerciale, qui se tient chaque année en Israël, est parmi les plus importants rendez-vous mondiaux de l'industrie agro-alimentaire. En partenariat avec le Géagri, un voyage de groupe avec départ de Montréal est en préparation. Se déroulant du 1er au 13 septembre 1999, il permettra de participer à la 14e Exposition agricole internationale de Haïfa. Les dates d'AGRITECH en tant que telles sont du 5 au 9 septembre.

Et le Québec? Est-il globalement prêt pour faire face à la musique et gagner la guerre de la mondialisation? Pour Carl Grenier, sous-ministre adjoint Industrie et Commerce, le Québec peut répondre à la mondialisation par la régionalisation. Comme il tire sa force du dynamisme régional, cette voie doit, selon-lui, s'imposer rapidement.