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La ville de Québec accueille le nouveau dirigeant de l'IÉPF

Entrevue avec El Habib Benessahraoui, directeur de l'Institut de l'énergie et de l'environnement des pays ayant en commun l'usage du français.


 

Entrevue réalisée par Daniel Allard et Asma Azizi

Tout juste arrivé en poste à Québec le 15 janvier dernier pour un mandat de trois ans, Habib Benessahraoui prend la tête de l'IÉPF, un organisme international qui a son siège dans la Vieille Capitale et qui appuie les actions de la Francophonie mondiale en matière énergétique et d'environnement. Arrivant de Paris, où il occupait depuis 1994 le poste de conseiller au Secrétaire général de l'Agence de la Francophonie (ACCT) en tant qu'un des principaux bras droit du Québécois Jean-Louis Roy, il a accepté d'accorder sa première entrevue au cyberjournal COMMERCE MONDE, qui l'a rencontré au siège de l'IÉPF au 56, rue Saint-Pierre, au coeur de Place-Royale, le 18 février dernier.

MISSION : L'IÉPF, qui a maintenant dix ans d'existence et cherche un second souffle, doit relever le défi d'un nouveau leadership alors que Jean-Marc de Comarmond passe le flambeau après un passage bien marqué.

L'IÉPF a été créé en 1987 par la Conférence générale de l'ACCT à la suite des décisions des deux premiers Sommets de la Francophonie (Paris 1985 et Québec 1987). Son siège a été fixé à Québec. Pour plus d'information: www.iepf.org

(CMQC) Après vos années au Q. G. de la Francophonie, à Paris, quelles seront vos priorités, ici à Québec, à la direction de l'Institut?

(Habib Benessahraoui) "J'arrive alors que l'Institut a maintenant dix ans et mon intention est de faire un bilan. Pourquoi un bilan? Je ne suis pas juste pour les aspects festifs. Il ne s'agit pas de réaliser un audit, je pense plutôt qu'il faut saisir ce moment propice à une vaste rétrospective, en débouchant par exemple sur un séminaire à saveur prospective pour les dix ans à venir.

Depuis 1992, les mots clés de l'Institut sont: concertation, consolidation et partenariat. Mon intention, c'est de poursuivre dans le sens de la consolidation et du renforcement des capacités des États Membres - qui sont maintenant 50 vous savez - et de l'enrichissement des partenariats tant techniques que financiers."

 

(CMQC) Votre prédecesseur, Jean Marc de Comarmond, a eu à intégrer un Programme environnement d'importance au niveau de la coopération multilatérale francophone. Poursuivrez-vous avec la même insistance sur cette lancée? Comment comptez-vous vous y prendre pour relever ce défi?

(H. B.) "Les instances de l'ACCT avaient effectivement décidé d'effectuer la transition du secteur environnement pour le faire passé du siège, à Paris, vers l'IÉPF, ici à Québec, en 1996. C'est donc depuis deux ans déjà que le mandat de l'Institut est à double volet. Mon intention est effectivement de renforcer cette transition. Ceci prendra deux formes: - d'abord en profitant de l'expertise acquise dans le domaine de l'énergie pour insuffler le même dynamisme pour le volet environnement; - ensuite, avec Rio+5, on a en main des outils, on a fait un premier stade. Maintenant, on en est au stade de la mise en oeuvre (pensons aux défis de la désertification, de l'eau, des fôrets, du changement climatique).

Notre rôle, c'est d'outiller nos États membres face à de tels défis. Comment? En les accompagnant par de la formation et de l'information, en vu de l'appropriation de technologies propres. Le mandat de l'Institut en est un qu'on peut résumer en trois temps: formation, information et transferts technologiques.

En choisissant des priorités pour créer des capacités nationales, on devra par exemple travailler à un Programme d'énergies nouvelles et renouvelables, pour aider nos États membres face au contexte de déréglementation de l'énergie électrique qui s'impose dans le monde et à la vague de privatisations. Car il importe absolument de réussir cette mutation dans l'ensemble des pays membres. Et pour l'environnement, je veux prendre la même tendance.

Dans une autre perspective, il y a aussi la formation de formateurs, qui d'ailleurs se fait notamment ici à Québec. Par ailleurs, nous sommes à bâtir un réseau sur le terrain de Programmes de formation permanents, par exemple on a déjà un contrat avec l'École de Yaoundé en matière d'efficacité énergétique et un autre est en négociation en Côte-d'Ivoire pour le problème en tarification d'électricité.

Enfin, par le support à la création d'entreprises éco-énergétiques. Un Fonds de la Banque mondiale finance, avec nous, un tel programme et permet à des experts nationaux de créer leur propre entreprise. Dans ce contexte, on peut mesurer l'intérêt de cette formule par le fait de voir ces experts nationaux venir à ce type de formation à leurs propres frais. D'ailleurs, certaines de ces sessions de formation sont organisées par l'IÉPF (pensons entre autres, en 97, a celles tenues en Côte-d'Ivoire, au Cameroun, au Sénégal et au Vietnam)."


(CMQC) Etes-vous d'accord avec l'idée d'une taxe mondiale sur les énergies non renouvelables qui servirait à financer des programmes de développement durable?

(H. B.) "Oui! Mais je répond ici à titre personnel, bien sûr, parce que les instances de la Francophonie n'ont pas pris de position officielle à ce sujet. Par ailleurs, pourquoi ne pas regarder aussi du côté de d'autres idées comme l'utilisation des stocks d'or des États, dont une partie pourrait être gagée en vue de la concrétisation des projets environnementaux spécifiques?"

 

(CMQC) Ingénieur agronome marocain ayant préparé la Conférence des ministres francophones de l'environnement (Tunis 1991), pour ensuite participer à celle de Rio, en 1992, à l'heure de Rio +5, bientôt +6 ans, êtes-vous satisfait des progrès réalisés? Que tirez-vous comme leçons de la Conférence de Kyoto de décembre 1997?

(H. B.) "Personnellement, après Rio, en 1992, j'ai vécu, comme beaucoup, une certaine déception parce que les moyens n'ont pas suivi les Déclarations. Avec Rio+5 et maintenant l'existence de grandes Conventions internationales, on a en main des outils. Maintenant, on est au stade de la mise en oeuvre et je reste cependant confiant."

 

(CMQC) A lire le Plan d'action pour les deux ans à venir adopté à Hanoï, en novembre 97, lors du dernier Sommet de la Francophonie, on a toujours l'impression que la promotion de la coopération économique n'est pas la grande priorité puisqu'elle arrive au quatrième rang sur quatre! De quelle ampleur seront les ressources mises à votre disposition pour les deux prochaines années?

(H. B.) "Rappelez-vous que le Sommet de Hanoï avait comme thématique centrale l'économie. Je pense aussi que la Déclaration de Hanoï reflète des orientations qui seront concrétisées l'an prochain, à Monaco, en avril 1999, à l'occasion de la Première rencontre des ministres de l'économie et des finances de la Francophonie. Il faut reconnaître que le Plan d'action adopté à Hanoï a montré tout de même une préoccupation certaine relative aux questions économiques.

Sur le deuxième aspect de votre question, le budget de l'Institut a été légèrement diminué, mais tous les crédits liés ne sont pas totalement entrés et je crois qu'à la fin, comparativement aux années passées, il sera stable. Le budget propre de l'IÉPF a été de 6,5 millions $ CAN en 1997. Dans le contexte actuel, je pense que la stabilité du budget est très positive.

Par ailleurs, il faut signaler que l'Institut cherche à mobiliser des fonds additionnels. A ce titre, des négociations ont été entreprises avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) pour coordonner leurs efforts avec ceux de la Francophonie. La BAD ne connaissait pas du tout l'Institut jusqu'à récemment. Un symposium entre les deux parties sur les politiques d'investissements dans les secteurs énergétiques et dans le cadre de la libéralisation de ces secteurs, a dernièrement permis de rapprocher les deux institutions. La BAD nous demande maintenant de travailler avec eux, en tant qu'opérateur dans nos domaines d'expertise. Pour nous, c'est donc très intéressant afin de mobiliser des ressources supplémentaires."

 

(CMQC) On parle de technologies novatrices pour éviter que les pays du Sud fassent les mêmes erreurs de surconsommation que les pays plus industrialisés et ce, pour éviter un désastre planétaire. Que doit-on penser de celà?

(H. B.) "J'ai participé, à Montréal, à la Conférence ministérielle de la Francophonie sur les inforoutes l'an dernier et je vois dans ce processus beaucoup d'espoir et énormément d'atouts pour le développement de nos pays membres. Il faut faire le suivi attentif de cet événement."

 

(CMQC) Comment intéresser les investisseurs privés à la protection de l'environnement?

(H. B.) "L'exemple des éco-entreprises, dont on a parlé tout à l'heure, est une manière de mobiliser des investissements et de créer du développement. Je crois par ailleurs à l'importance d'études d'impacts environnementaux bien faites. Il y aurait peut-être des encouragements aussi à mettre en place."

 

(CMQC) Que va faire maintenant Jean-Louis Roy?

(H. B.) "Et bien, pour l'instant il reste lié avec l'ACCT jusqu'à la fin de mars, afin de faciliter la transition avec ses successeurs, le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali et l'administrateur général Roger Dehaybe. Après, je ne serais pas surpris de le voir reprendre sa plume d'écrivain pour écrire de nouveaux livres ou s'engager dans de nouveaux grands projets. On verra..."

 

(CMQC) Au nom des lecteurs de COMMERCE MONDE, merci pour ces explications et meilleurs voeux pour votre nouveau défi.