Le Canada au Conseil de sécurité de l'ONU
Priorité à la "sécurité humaine"

par Daniel Allard

 

Le ministre des affaires étrangères du Canada, Lloyd Axworthy, a fait un passage remarqué devant les membres de la Société des relations internationales de Québec (SORIQ), réunis au Musée du Québec, le 25 février dernier.

Depuis janvier - et ce pour un mandat de deux ans - le Canada fait partie des quinze pays siègeant au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, l'ONU. Quelles stratégies sous-tendront l'action du Canada au sein de ce cercle stratégique?

Le Canada a siégé pour la première fois au Conseil de sécurité il y a dix ans. Aujourd'hui, un nouveau contexte international guide sa politique étrangère. Selon le ministre: "Nul doute que la paix et la sécurité dans le monde, qu'il s'agisse d'y parvenir ou de les préserver, demeurent la préoccupation centrale de la communauté internationale et la principale responsabilité du Conseil. Mais le monde a changé, et il continue de le faire, tout comme notre définition de la paix et de la sécurité, ce qui doit nous amener à actualiser notre stratégie dans ce domaine."

A la lumière des événements survenus récemment au Kosovo et en Sierra Leone, force est de constater que les populations civiles deviennent de plus en plus les victimes des conflits armés.

 

Le nombre des victimes de conflits armés a doublé
au cours des 10 dernières années
pour atteindre près de 1 million par année.

 

Une situation dûe en partie à la nouvelle physionomie de la guerre. La majorité des conflits se livrent maintenant à l'intérieur des États, et non plus entre eux. Dans les États en déroute, apparaissent des seigneurs de la guerre et des justiciers des temps modernes, aidés par des marchands d'armes et d'autres intéressés pour qui les conflits constituent un marché lucratif. Ces individus exploitent, brutalisent et terrorisent les civils.

"Notre monde en mutation place de plus en plus l'individu au centre des affaires mondiales. En conséquence, la sûreté et le bien-être de l'individu - la sécurité humaine - sont devenus la nouvelle mesure de la sécurité planétaire, et le moteur de l'action internationale. Non pas que les préoccupations traditionnelles concernant le sécurité des États soient désuètes. Sécurité humaine et sécurité nationale ne sont pas mutuellement exclusives. Au contraire, elles sont les deux faces d'une même médaille, la sécurité planétaire", croit-il.

"C'est dans ce nouveau contexte que le Canada a réorienté ses priorités en matière de politique étrangère. Nous nous occupons de plus en plus de questions qui concernent directement l'individu," confirme-t-il.

Pour illustrer cette approche, le ministre a par exemple parlé de l'application des principes du pouvoir discret, c'est-à-dire la négociation plutôt que la coercition, la puissance des idées plutôt que celle des armes, la diplomatie publique plutôt que les marchandages en coulisse.

 

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA SÉCURITÉ HUMAINE

Le Conseil de sécurité de l'ONU demeure le principal instrument mondial pour sauvegarder la paix et la sécurité. Un Conseil fort, efficace et déterminé est donc essentiel. Cependant, à l'heure où le Canada commence à y siéger, ce dernier doit surmonter des difficultés qui nuisent à sa crédibilité. "Il est loin de s'acquitter de toutes les responsabilités que lui a confiées la communauté internationale", analyse le ministre.

Pour le ministre, le Canada remplira donc son nouveau mandat à un moment historique. C'est l'occasion d'amener le Conseil à s'acquitter de sa tâche plus énergiquement qu'il l'a fait au début de cette décennie: "Pour cela, nous nous efforcerons d'élargir les priorités et la portée des décisions du Conseil, de façon à y inclure les thèmes qui se rattachent à la sécurité humaine."

Déjà, le Conseil a réussi à élargir son mandat. La définition de ce qui constitue une menace pour la paix et la sécurité dans le monde, sur laquelle repose toute intervention du Conseil, englobe maintenant les conflits internes.

Lloyd Axworthy soutient que le Conseil doit aussi cesser de privilégier, comme il a tendance à le faire, certains conflits au détriment d'autres. Le Conseil représente la communauté internationale dans son entier. Par conséquent, sa crédibilité dépend de sa volonté de s'attaquer aux menaces où qu'elles soient: "Pour ce faire, le Canada s'emploie à orienter davantage l'attention sur les problèmes de sécurité qui menacent l'Afrique."

Lorsque le Conseil prend des décisions, celles-ci doivent être appuyées. Il faut trouver les contrevenants et leur faire porter la responsabilité de leurs actes. En sa qualité de président du comité chargé de l'application des mesures contre l'Angola, le Canada s'efforcera d'atteindre cet objectif: "Il verra, notamment, au plein respect des sanctions existantes concernant le pétrole, les diamants et les armes."

Pour jouer le rôle de chef de file, le Conseil doit aussi être prêt à agir, et ce, rapidement. C'est pourquoi le Canada continue d'appuyer la création d'un état-major de mission à déploiement rapide.

Enfin, pour être plus efficace, le Conseil doit être plus inclusif. Ainsi, le Canada continuera de favoriser une plus grande participation des pays non membres dont les ressortissants sont impliqués dans les conflits faisant l'objet de délibérations au sein du Conseil.