La Catalogne courtise Québec

par Daniel Allard

Un ministre et neuf entreprises de la Catalogne sont venus présenter, fin octobre, leur région d'Espagne comme un partenaire stratégique en Europe pour le Québec.

Avec 6 millions d'habitants - l'Espagne entière en compte 40 millions - et un haut niveau de développement industriel, la Catalogne représente 20% du PIB et 28% du commerce extérieur espagnol, particulièrement grâce à ses industries de l'automobile, des motos, de la pharmacie, de la chimie, de l'électronique et du textile. Le PIB catalan est environ le double de celui de l'Irlande ou 30% plus élevé que celui du Portugal.

UN DES "QUATRE MOTEURS D'EUROPE"

L'une des régions les plus développées d'Europe, avec le Baden-Wurttemberg, Rhônes-Alpes et la Lombardie, elle constitue le groupe dénommé "Les Quatre Moteurs de l'Europe". Historiquement, la Catalogne est l'un des premiers endroits du continent où a eu lieu la révolution industrielle. Au cours des prochaines décennies, elle demeurera, avec les régions de Lyon et Milan, l'une des principales zones de croissance de l'Europe.

Huit universités et 48 collèges techniques universitaires assurent à la Catalogne (une des 17 Communautés Autonomes que compte le pays), un niveau de main-d'oeuvre hautement qualifié. En fait, depuis 1979, le ratio de croissance annuelle de la productivité dépasse de 50% la moyenne du ratio de productivité des pays membres de l'OCDE.

A la préparation des travailleurs s'ajoute l'éthique du travail traditionnelle, qui considère l'effort et la constance comme des valeurs de base de la société. Comparativement au reste du monde, les usines catalanes ont ainsi les niveaux parmi les plus bas de pruduits défectueux.

Nombre de produits défectueux par million d'unités produites

(Source: Anderson Consulting)

 Japon  193
 États-Unis  263
 Espagne  314
 Allemagne  885
 France   897
 Royaume-Uni  1 650
 Italie  1 976

Locomotive du "sun-belt" européen, Barcelone et sa région se défendent aussi d'offrir des coûts de production pour les entreprises de 5% à 20% moindres que chez les pays du Nord de l'Europe.

Un peu comme Bruxelles, qui se retrouve stratégiquement au centre de l'Europe du Nord, Barcelone est stratégiquement au centre de l'Europe du Sud. Elle est ainsi à deux jours de camion de Rome ou de Lisbonne, mais aussi de Londres!

"Barcelone est à 12 heures de camion de Frankfurt et à égale distance de Stuttgart que de Séville", faisait à ce titre remarquer le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de la Catalogne, Antoni Subirà.

D'autres infrastructures de communication avantagent aussi cette région, aux yeux des gens d'affaires. Les aéroports de la ville offrent 35 liaisons hebdomadaires avec Rome et Amsterdam, 44 avec Bruxelles, 67 avec Paris et 75 avec Londres. Barcelone est également le plus important port à container de la Méditerranée, bien avant Gênes et Marseilles. Sa capacité vient dernièrement de doubler à 800 000 TEU, suite à l'expansion du terminal de container complétée en 1996. Quelque 250 lignes maritimes régulières y assurent des services de transports partout dans le monde. Barcelone rivalise en fait avec celui de Rotterdam comme l'un des meilleurs ports européens.Carrefour géographique, la Catalogne avait déjà été choisie, en 1996, par au moins 2 526 entreprises étrangères - seulement 2 sont Canadiennes - dont 350

Américaines et 108 Japonaises (c'est d'ailleurs dans cette région que 60% des entreprises de ces deux pays qui choisissent l'Espagne décident de s'établir). Une décision qu'appuieront d'autant plus les employés, qui

sauront que Barcelone arrive bonne troisième, après Paris et Munich, en terme de niveau de qualité de vie pour les employés, devant Genève, Zurich, Bruxelles et Londres.

 L'Espagne représente la nation qui offre le plus haut niveau de profitabilité du capital (ROI-Return On Investment) de tous les pays de l'OCDE, chaque année,depuis 1988!

En avance sur son calendrier d'application des mesures de convergence du Traité de Maastricht, il semble enfin acquis que l'Espagne sera qualifiée et fera partie du noyau des fondateurs de l'Union monétaire européenne, selon la date prévue.

DES VISITEURS DE PRESTIGE

Fortement industrielle, la délégation d'entreprises qui accompagnait le ministre Subirà à Québec se composait de AFEI Sistemas y Automatizacion (système d'éclairage public), la banque SABADELL, Bufete Pintò Ruiz (cabinet d'avocats et d'économistes, membre du Pannone Law Group), Grup FIBOSA (machinerie pour l'industrie alimentaire), IDOM (génie-conseil), MACSA ID (systèmes de marquage et codification laser), OLISEFI (recyclage de produits alimentaires), Trama Technoambiental (génie énergétique) et SGT (génie-conseil).

PIERRE VILLA VEUT Y REPRÉSENTER LE QUÉBEC

Ingénieur consultant de Québec, originaire de Barcelone, Pierre Villa était particulièrement heureux du passage de la délégation catalane dans la capitale. Dans la dernière année, il a visité la Catalogne plusieurs fois et souhaite maintenant y établir une représentation commerciale permanente pour le Québec. A cette fin, il a créé le Consortium de Promotion Économique du Québec (COPEQ). "Je veux que les entreprises québécoises puissent compter sur une représentation permanente à Barcelone" soutient l'homme d'affaires, qui négocie présentement avec le Gouvernement du Québec.

Dernièrement, il a appris que, dans son discours du budget de mars 1997, le ministre Bernard Landry s'était engagé à ouvrir un bureau du Québec à Barcelone. Il semble que cette annonce soit sur le point de se concrétiser et que le ministère des Relations internationales ouvrira un bureau politique, avec un fonctionnaire en poste, dans la capitale catalane. "Cette nouvelle me refroidit un peu, mais je continue mes représentations et je compte bien rencontrer bientôt le ministre pour enfin y voir clair. En appuyant plutôt COPEQ, le Québec économiserait 50% du coût et contribuerait davantage au développement économique", confiait Pierre Villa, début novembre.

Commerce Québec-Espagne (Balance commerciale, en millions $)

(Sources: BSQ et MICST)

   1996  1995
Export. québécoises  126 M$  126 M$
Import. québécoises  250 M$  265 M$
Déficit  (124 M$)  (139 M$)

Reste à voir si le Gouvernement du Québec choisira de prioriser davantage la filière politique, avec une région d'Espagne qui n'a jamais peur d'afficher son autonomie devant Madrid. Pour le Québec, il ne faut également pas oublier l'opportunité de séduire les quelque 17,5 millions de touristes étrangers et 4 millions d'Espagnols qui visitent la Catalogne chaque année.