Quand un gouvernement et toute une région sont à la remorque des journalistes

par Benoît Routhier

Le bogue de l'an 2000 en a énervé plus d'un. On n'en entend presque plus parler si ce n'est pour dire qu'on ne craint pas de problème majeur. Aussi les animateurs (pour ne pas dire les bonhommes sept heures) de la radio locale se sont jetés comme des lions affamés sur la manchette du SOLEIL du lundi 13 septembre, dévoilant que le projet d'une grande fête dans la capitale pour saluer le nouveau millénaire était en train de tomber à l'eau, faute de gens responsables pour en prendre le leadership et surtout faute de financement!

Une chose est sûre: la nouvelle a réveillé à peu près tout le monde. À commencer par la Ville et le gouvernement du Québec. Le maire Jean-Paul L'Allier a convoqué une conférence de presse la journée même pour demander au ministre responsable de la région, M. Paul Bégin, de réunir tous les décideurs de la région pour élaborer et financer un projet. Il a profité de l'occasion pour dénoncer que personne ne veut payer la note d'un tel événement et pour préciser que le financement ne revient pas seulement à la Ville, mais aussi à la région et au gouvernement. Il a aussi demandé à Loto-Québec de faire sa part et d'organiser des feux d'artifice au-dessus du fleuve. Si Loto-Québec met 2 millions $ dans un spectacle sons et lumières et des feux d'artifice le 31 décembre au casino de Hull, elle peut bien collaborer  à un spectacle dans la capitale!

Ça bouge enfin

Dès le lendemain de ces propos, ça s'est mis à bouger: on a annoncé qu'un comité se penchait sur le dossier avec le ministre Bégin.  Ce dernier a annoncé que son gouvernement investira entre 500 000 $ et 1 million $, alors que quatre jours avant il ne savait pas si des budgets seraient consacrés à la célébration du passage à l'an 2000 à Québec…

Loto-Québec se dit maintenant prête à collaborer. M. Marcel Dallaire, organisateur des Grands feux Loto-Québec à la chute Montmorency, est prêt à apporter sa contribution lui aussi.

Un groupe d'individus replace sur la table un projet d'un hôtel de glace.

Tout cela sent bon. Malgré le cafouillage qui semble présider à la tenue du Jamboree international scout sur les Plaines d'Abraham qui réunirait passablement moins de scouts que les prévisions…

L'important c'est que l'on n'entre pas dans le 21e siècle sans un événement qui puisse avoir un certain impact hors territoire, au niveau internaitonal. Il nous faut participer au concert des feux d'artifice qui illumineront la terre entière le 31 décembre au soir.

N'était-ce de la presse…

Mais, que diable, pourquoi faut-il toujours que les médias brassent la braise afin que le feu ne meure chaque fois qu'un projet veut voir le jour dans la région? La Communauté urbaine de Québec (CUQ) dort du sommeil, non du juste mais de l'innocent! Son président, le maire de Loretteville, Denis Giguère, est bien prêt à assister à des réunions pour représenter les maires de la CUQ, mais il précise que, quant à lui, ni la CUQ, ni les municipalités n'ont les moyens de financer un party de l'an 2000. La ministre Louise Harel ferait mieux de renoncer à son projet d'un conseil métropolitain élargi aux deux rives… Si on étend l'inertie!

De leur côté, depuis toujours, les hommes d'affaires de la région se disent d'accord à apporter leur contribution monétaire à tout projet censé. Ça c'est quand ils parlent en public. Mais quand vient le temps de participer, on préfère dire que c'est le tour du voisin…

Et que dire de la Commission de la capitale nationale (CCN) du Québec? Depuis lundi le 13 septembre elle répète ad nauséam qu'elle ne financera aucun projet, si ce n'est l'illumination du Château Frontenac et du Parlement. Il me semble que la CCN est l'organisme tout indiqué pour prendre le leadership d'un tel événement. Quitte à aller chercher les fonds chez l'entreprise privée.

Et les péteux de broue…

Ce qui me fait aussi rebrousser le poil dans cette affaire c'est l'exploitation éhontée qu'en font les animateurs de radio. Je veux bien qu'un Jean Casault et qu'un Guy Bertrand profitent de toute occasion pour tirer à boulets rouges sur les péquistes et les souverainistes, c'est leur droit. Quoique il y a des limites à abuser des ondes pour cracher son venin en toute subjectivité.

Mais quand je les ai entendus, lundi le 13 septembre, dégobiller sur les ondes de CHRC, croquant du Jean-Paul L'Allier à qui mieux mieux, l'accusant de n'avoir pas de leadership, de ne pas prendre à sa charge l'organisation d'une fête pour souligner le passager à l'an 2000, ils m'ont fait rire, pour ne pas pleurer...

Pourtant. Pourtant. On sait tous que s'il l'avait fait, avec ce que cela implique d'argent public à investir, dès l'annonce du projet, ces deux animateurs, et d'autres, et, bien sûr, leur chorale fidèle de groupies, se seraient hâtés de lancer sur les ondes des accusations de gaspillage, de dire que L'Allier était un maire qui ne pense qu'aux fêtes et aux jeux, peu importe ce que ça peut coûter en fonds publics. Bien sûr, aujourd'hui ils s'empressent de dire qu'une fête pour entrer dans l'an 2000 c'est différent d'un projet de Jeux olympiques et que ça coûte moins cher. Mais comme ces “ showmen ” font flèche de tout bois, ils se seraient empressé de prendre le contrepied du leadership manifesté par le maire.

Je n'aurais pas dû écrire cela. C'est leur faire trop