Chronique TI : Parlez vous COBOL* ? (suite)
Des conseils pratiques pour présenter efficacement ses projets de technologie
2005-12-13


Par Jacques Pigeon
Chroniqueur
jpigeon@elara.ca

À la fin des années 80, j’ai donné une conférence que j’avais intitulée : « Parlez vous COBOL ? » J’étais alors sous-ministre des Communications au gouvernement du Québec et je recevais à mon bureau toutes sortes de demandes d’acquisition de matériels du Bureau central de l’informatique auxquelles je ne comprenais strictement rien. On me servait une salade d'arguments pour décrire les projets d’acquisition, mais jamais ne s’attardait-on à la vraie question : qu’est ce que cela donne ?

Presque vingt ans plus tard, les technologues semblent toujours éprouver des difficultés à communiquer avec ceux qui ne parlent pas en code. Comme il y a toujours des opportunités dans l’adversité, j’ai trouvé là ma mission : construire des ponts entre les spécialistes et ceux qui vont mettre en marché le fruit de leurs recherches. En langage d’universitaire, on parle de transfert technologique. C’est un beau défi.

Il y a d’ailleurs deux habilités qui sont devenues essentielles au succès professionnel dans notre société : la maîtrise des outils informatiques et la capacité de communiquer efficacement. L’acquisition de la première est une évidence ; toute une industrie a été développée pour combler ce besoin. Mais même si le pouvoir appartient à ceux qui savent communiquer efficacement (dixit Benjamin Franklin il y a près de 200 ans) on semble y accorder peu d’importance.

Pourtant, – tenez vous bien ! – il se fait pas moins de 30 millions de présentations à chaque jour que le Bon Dieu amène. Il y a près d’un demi milliard de logiciels PowerPoint dans la nature avec lesquels autant d’individus s’improvisent communicateurs.

J’ai ainsi développé un séminaire d’une demie journée que je donne à des groupes aussi variés que des entrepreneurs qui veulent se faire valoir auprès d’investisseurs ou de chercheurs qui veulent transférer le produit de leur recherche à des entreprises pour les mettre en marché. J’appelle çà des présentations gagnantes.

C’est ce qui m’amène à vous proposer ce petit guide pour une présentation gagnante.

DIX CONSEILS POUR DES PRÉSENTATIONS RÉUSSIE

  1. Connaître son auditoire. Çà peut sembler évident mais on ne parle pas à des gens d’affaires comme on parle à des programmeurs. Tout bon présentateur se pose trois questions avant de débuter sa préparation. Pourquoi ces gens là devraient-ils m’écouter ? Qu’est ce que j’ai d’unique et de particulièrement intéressent à leur dire ? Et que vont-ils en retirer ?
  2. Un bon départ. C’est durant les deux premières minutes d’une présentation que les participants à l’évènement décident s’ils vont vous écouter ou pas. Plus souvent qu’autrement, ils le feront inconsciemment et feront semblant de vous écouter religieusement mais, comme on dit en québécois, çà leur rentre par une oreille et çà sort par l’autre. Un bon début interpelle l’auditoire, l’intrigue, suscite sa curiosité et le convainc qu’il va passer un moment enrichissant.  Un début, çà se prépare avec le plus grand soin.
  3. Un seul et unique message. « Qui trop embrasse mal étreint », dit le proverbe. Qui veut parler de trop de sujets engendre la confusion. D’ailleurs, le pire ennemi du présentateur sont les généralités. On sait que les politiciens français excellent dans le genre. Malheureusement, plusieurs chez-nous parlent aussi à 50,000 pieds. On sait tous d’ailleurs que le diable est dans les détails. Je dirais en caricaturant à peine qu’une présentation se fait en trois temps. Dire d’abord à son auditoire ce qu’on va leur dire. Puis leur dire. Et, à la fin, leur dire ce qu’on leur a dit.
  4. Clarté et simplicité. Ce sont d’autres martyrs de la communication. Le monde de la technologie, en particulier, souffre de complexité. Trop souvent, on s’évertue à dire ce que fait la technologie plutôt que de se concentrer sur sa finalité : à quoi elle sert.
  5. Des exemples. La communication des choses abstraites présente de grands défis car l’auditeur n’a pas toujours une référence à laquelle il peut s’agripper. La mention du mot automobile fait apparaître l’image dans notre tête. Parlez d’outils CRM (Customer Relationship Management) à des sociologues et vous produirez de la perplexité. La façon de s’en sortir, c’est par l’analogie. En trouvant une image, une situation connue de l’auditeur moyen qui lui servira de référence. Les bons communicateurs utilisent beaucoup de métaphores et de comparaisons.
  6. Des images, beaucoup d’images. Une présentation est composée de trois éléments : L’image, la voix et le texte. Le plus fort, c’est indiscutablement l’image. On oublie rarement un visage, rarement une voix mais un nom ? Notre mémoire est ainsi faite qu’elle retient beaucoup plus facilement l’information qui lui est communiquée par l’image. La première que vous lui offrez, c’est la votre. La façon dont vous vous tenez devant une salle, le regard franc ou furtif, la façon dont vous bougez sont autant d’éléments stratégiques dans votre communication. On a tous entendu parler du « body language » mais on oublie qu’il représente près de 80% de la communication. Une bonne présentation s’appuie aussi sur de bonnes images, généralement véhiculées par des diapositives sur PowerPoint. L’utilisation de cet outil mériterait toute une chronique.
  7. Le piège PowerPoint. Cet outil est un piège car il sert à deux fins que la plupart des présentateurs confondent. Tout comme Word et les autres logiciels du genre, PowerPoint peut servir à la création de documents conçus pour être visionnés par un seul individu à son poste de travail. La plupart des grands cabinets conseils l’utilisent d’ailleurs pour la production de leurs rapports. Ils digèrent l’information pour produire des tableaux et graphiques plutôt que d’utiliser la forme épistolaire pure qui devient fastidieuse. Malheureusement, bon nombre de conférenciers utilisent le même processus lors de leurs présentations. Ils se placent ainsi en concurrence avec leurs diapos. L’auditeur essaie de les lire, de comprendre et n’écoute plus le conférencier. Pire, lorsque le présentateur lit ses diapos, l’auditeur a le sentiment qu’il maîtrise mal son contenu et a besoin de cette béquille pour communiquer son contenu. Lire ses diapos est le pire des sept péchés capitaux du présentateur. Les diapositives doivent être dépouillées et servir d’outil d’accompagnement à la présentation.
  8. Gérer les perceptions. Intelligence sociale et intelligence émotionnelle sont les nouveaux concepts à la mode. La communication efficace n’est pas qu’une affaire de raison. En fait, elle est surtout affaire d’émotion. C’est notre cerveau gauche qui gère les données. Il procède de manière séquentielle et logique ; il est rationnel et analytique. Mais un contenu, une proposition solide et articulée ne suffisent pas à convaincre. On oublie le cerveau droit qui lui traite les émotions, apprécie la musique. C’est lui qui gère nos intuitions et subjectivités. Ce qui reste dans la tête des individus lorsqu’ils ont tout oublié, ce sont les perceptions. On dira d’un présentateur qu’il était bon, convaincant, qu’il avait de la profondeur, qu’il connaissait son affaire : toutes des perceptions.
  9. Conclure efficacement. Posez-vous cette simple question : que voulez-vous que votre auditoire retienne de votre présentation ? Quel geste voulez-vous que les participants posent une fois que vous aurez terminé ? Idéalement, vous aurez laissé votre auditoire sur son appétit mais vous lui aurez communiqué le désir d’en savoir plus. Rien de pire que ces conférences qui n’en finissent plus ; ces conférenciers qui nous amènent constamment à consulter notre montre. C’est pourquoi une conférence a avantage à être trop courte. La règle veut que l’intérêt d’un auditoire tombe en chute libre après 22 minutes. C’est ce que les étude américaines ont appelé le « 22 minutes wall ».
  10. Une période de question bien gérée. Il n’y a pas de substitut à l’interactivité et une bonne période de questions bien gérée peut emporter le gros lot. La première règle à suivre est de s’assurer que la question est claire et qu’elle a été bien comprise par les participants. Souvent, il est utile de la reformuler dans ses propres mots. Les deux objectifs sont ainsi atteints : on sait de quoi on parle et tout le monde a compris. La deuxième règle est celle du « je ne sais pas ». Rien de pire que ces conférenciers qui tentent de donner une réponse à une question qu’ils ne maîtrisent pas. C’est toute leur crédibilité qui vient de s’évanouir. Restent enfin les questions piège, hors contexte ou insidieuses. Que voilà une bonne occasion de ne pas dire ce que l’on pense. La bonne façon de s’en sortir est souvent d’inviter l’interlocuteur à une rencontre privée après la conférence.

Un dernier conseil en guise de conclusion. Choisissez un environnement physique qui vous permet de vous balader et de faire un contact visuel avec votre auditoire. Rien de pire que de présenter à partir du  lutrin où l’on vous fait rôtir sous les « spot » alors que les participants baignent dans une douce pénombre. C’est un environnement pour comédiens professionnels. Recherchez une salle où les tables sont placées en forme de U, où vous serez en contact intime avec votre auditoire.

Je réponds à tous mes courriels : jpigeon@elara.ca

* Le COBOL (COmmon Business Oriented Language) est encore le langage le plus couramment utilise dans les grands ordinateurs (Mainframes).

Fait à Montréal le 9 décembre 2005.


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