Chronique "Veille d'affaires, technologie et changement"
Changement !!! Ah oui ?
2006-02-13


Par Richard Legendre
Chroniqueur
legendre@siiq.qc.ca
Veilleur technologique et courtier en information

legendre@siiq.qc.ca

On parle beaucoup de changement de nos jours. On le retrouve dans les slogans électoraux, dans la publicité et dans les grands titres des nouvelles. On pourrait affirmer sans hésiter que le changement revient constamment dans notre quotidien. Par exemple, on retrouvait le mot «changement» près de 800 fois dans les titres des principaux journaux québécois en 2005, alors qu’il s’y retrouvait environ 365 fois en 2002 et seulement 103 fois par année entre 1990 et 1995 !

Souvent, la surutilisation d’un mot provoque sa banalisation et on perd de vue son sens et les nuances pouvant s’y appliquer. Le Petit Larousse définit ainsi le changement : Changement : « Action, fait de changer, de se modifier, en parlant de quelqu’un ou de quelque chose ; ensemble des mécanismes permettant la transformation des sociétés. »

L’intensité du changement pourra varier de faible (où l’on parlera d’un changement cosmétique n’affectant que l’apparence et contenant peu d’innovation), à intense (où le niveau d’innovation amènera des changements majeurs pouvant provoquer une cascade de modifications conduisant à une transformation de la société, des habitudes des consommateurs ou d’un secteur industriel).

Une veille des évolutions technologiques par l’analyse des brevets permettra à l’observateur attentif de constater qu’il existe des brevets qui marquent plus l’évolution technologique et qui provoqueront une cascade d’innovations à l’origine d’autres brevets moins spectaculaires.

En fait, le niveau d’innovation de certains changements est tel qu’il remet en cause des paradigmes établis et ouvrent de nouvelles pistes sur des terrains non balisés où tout devient possible, pavant la voie à une réorganisation.

Plusieurs spécialistes et veilleurs estiment que depuis 2005 nos sociétés voguent vers une période fertile en créations et innovations en fonction des trois pôles : technologie - société - économie. En effet, on dit qu’au moins 40% des nouveaux services et modèles d’affaires restent à créer.

Le nouvel espace-temps et la dématérialisation des produits provoqués par les innovations technologiques et la mondialisation modifient déjà les règles du jeu et déclenchent des réactions de la part des joueurs qui n’ont pas vu venir le changement et qui résistent avec la force du désespoir.  Regardons de plus près ces deux conséquences de changements importants.

DÉMATÉRIALISATION
« Material Girl » ! Ce titre d’une chanson de Madonna ne correspond plus aux nouvelles réalités du marché de la musique d’aujourd’hui. En effet, le domaine de la musique est le plus bel exemple de l’effet de dématérialisation d’un produit. On ne peut plus parler de l’industrie du disque, mais plutôt de l’industrie de la musique. Les évolutions technologiques ont permis de passer d’un mode de stockage analogique de la musique (45 et 33 tours) à un mode de stockage numérique sur des disques compacts (CD). Ce changement des années 80 n’a pas modifié l’industrie du disque. Le produit vendu, le disque, compact ou vinyle, demeure un produit physique. On ne bouscula pas les fondations d’une industrie où les profits liés à la distribution du produit représentent la pierre angulaire.

L’évolution technologique permettant une compression des données numériques et l’utilisation d’Internet dans un contexte de commerce électronique a provoqué un bouleversement important nous conduisant à une industrie de la musique basée sur le contenu, plutôt qu’une industrie du disque basée sur le contenant. Évidemment, les grandes compagnies de disques réagissent depuis plusieurs années à coup de procédures judiciaires afin de limiter les dégâts. Les poursuites contre les Napster de ce nouveau monde illustrent bien cette réaction de défense. L’évolution technologique se poursuit et la compression des données et les vitesses de transmission de données permettent le succès commercial des lecteurs MP3 que l’on retrouve maintenant dans certains téléphones cellulaires.

Cette dématérialisation dans le domaine de la musique nous conduit réellement dans une dynamique de commercialisation et de profit liés au contenu. Les impacts de cette migration se traduisent dans une évolution du domaine de la gestion des droits d’auteur et de l’industrie du disque qui devra s’adapter ou disparaître. On tente de vendre le contenu digital par téléchargement comme les exemples de iTunes et Zik au Québec. Chose intéressante, l’expérience de Zik est effectuée par une importante chaîne de distribution de disques.

De plus, certains exemples nous laissent croire que les créateurs reprendront une place plus importante dans l’industrie de la musique. Par exemple, le groupe Artic Monkey vient de réussir la vente en une semaine de plus de 300 000 copies d’un disque, et ce, malgré que le contenu était disponible sur le web depuis les débuts du groupe. Le téléchargement par Internet a permis au groupe de se faire connaître sans devoir obtenir l’endossement d’une compagnie de disque. Le groupe québécois Les Trois accords vient  tout récemment d’obtenir de bons succès avec une première série de spectacles en France alors que leur disque n’est pas disponible en France. Le téléchargement leur a permis d’être connus des Français malgré leur absence dans l’industrie du disque français.

Cette dématérialisation du produit provoque donc des bouleversements dans les habitudes de l’industrie du disque qui devra vendre du contenu plutôt que des disques où la logistique de distribution perdra de son importance. On peut s’attendre à voir des changements visant la mise en marché et les droits d’auteur.

Cette dématérialisation de la vente de produit amènera également des changements relativement à  la question de taxation qui est habituellement liée à la géographie. L’achat de contenu dans le cyberespace bouleversera également ce paradigme. Comment les gouvernements réagiront ?

MICRO-MARCHÉ DE TAILLE MONDIALE
La dématérialisation de la vente de contenu permettra d’éliminer les distances et rendra possible d’atteindre des marchés de niches très spécialisées de trop petites tailles à l’échelle locale, mais de taille intéressante globalement.

ESPACE-TEMPS
Voilà un autre changement qui provoque plusieurs bouleversements importants : la disparition de l’espace-temps. Depuis plusieurs années, l’utilisation du courriel permet de communiquer avec des correspondants sans devoir tenir compte de la présence du correspondant ou du décalage horaire. On transmet le courriel et le correspondant en prendra connaissance lorsqu’il le pourra et nous répondra sans se soucier de notre disponibilité. L’apparition d’appareils cellulaires intégrant l’accès Internet et la transmission sans fil de courriel élimine la nécessité d’être à son bureau ou de se relier à son serveur par modem. On peut se trouver sur un autre continent, continuer à suivre ses courriels et garder le contact avec ses clients ou confrères de travail.

La baladodiffusion «podcasting» perturbe également les habitudes des consommateurs et des diffuseurs radiophoniques. En effet, les mêmes technologies permettant la compression de données qui facilite la transmission par Internet éliminent l’obligation d’écouter une émission radiophonique durant sa diffusion. Les animateurs d’émissions radio baladodiffusées peuvent rejoindre de nouveaux auditeurs qui ne pouvaient écouter en raison de l’heure de diffusion ou d’un déplacement empêchant l’accès aux ondes radio ou l’accès à Internet. D’ailleurs, cette modification de l’espace-temps complique la gestion des droits d’auteur pour certaines émissions où on retrouve la présence de diffusion de musique. L’effet cascade de modifications et d’adaptation démontre bien le caractère important du changement induit par l’utilisation de ces technologies.

NOUVELLES RÉALITÉS ET NOUVEAUX CONSOMMATEURS
Le consommateur d’aujourd’hui est pressé et ne tolère plus la perte de temps. Le consommateur d’aujourd’hui est fiché et il commence à pendre conscience qu’il laisse de plus en plus de traces en raison de l’utilisation de ces nouvelles technologies numériques et par le recours à des systèmes de gestion de la relation client (GRC ou CRM). Ce nouveau consommateur plus instruit développe une nouvelle logique de consommation (commerce électronique et micro-commerce de niche hyperspécialisée). Malheureusement pour les marchands, ce nouveau consommateur moins fidèle a tendance à se faire une opinion à l’extérieur des médias de masse en se fiant à des groupes d’intérêts qui lui ressemble.

OUVRIR SON CHAMP DE VISION
Bien qu’une veille technologique/concurrentielle peut aider l’entreprise à anticiper les changements  pouvant se manifester, pour arriver à s’adapter, il faut se donner une vision globale des situations et tenir compte des trois pôles que sont la technologie, la société et les finances. Les changements importants induisent des conséquences dans ces trois pôles. Se cantonner dans seulement un de ces trois pôles, c’est adopter une vision de type tunnel qui laissera le champ libre à des opposants ou limitera le potentiel de l’innovation. Cette attitude prend tout son sens lorsqu’il s’agit d’innovation provoquant des changements profonds.

Sachez identifier les changements pouvant induire le plus d’impact et qui risquent de remettre en cause des paradigmes établis.

En cette période des jeux olympiques de Turin, une publicité de Samsung illustre bien que certaines choses changent, mais d’autres demeurent. On voit un spectateur lors de l’arrivée de la flamme olympique à la cérémonie d’ouverture au stade olympique. Ce spectateur désire montrer le spectacle à la personne au bout de la ligne. Il tourne son téléphone face au spectacle. Les milliers d’autres spectateurs font de même. Le porteur de la flamme voit donc s’illuminer la foule par des milliers de sources lumineuses des téléphones cellulaires. On vient ici de remplacer le traditionnel briquet utilisé lors des spectacles par l’éclairage du téléphone cellulaire. L’objet a changé, mais l’effet d’ambiance de foule demeure !

Fait à Québec le 13 février 2006.


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