EXCLUSIF - Haute finance
Une filière québécoise bien présente à Londres
2006-09-02

Par Daniel Allard

Motage photo:
Daniel Moisan,
Moisan Marketing



Ce n’est pas encore très connu, mais une communauté financière d’origine québécoise très bien portante anime la grande capitale européenne de la haute finance qu’est la ville de Londres. Fière et dynamique, elle a même son propre site Internet, en français !
 

« Je suis analyste financier à Londres. J'y suis depuis quatre ans. C'est avec plaisir - et surprise! - que j'ai observé que plusieurs Québécois vivent à Londres et que la majorité s'y est installée pour travailler en finance. À force de rencontrer des compatriotes québécois en Angleterre, j'ai créé le site Internet à but non lucratif ( www.survivrelondres.co.uk ) pour vivre et travailler en haute finance à Londres», explique Nicolas Cadieux, lui-même à l’emploi de Fitch Ratings, une agence de notation financière - il n'y en a que trois - de 1 500 employés. 

Informé de la chose, le Cyberjournal CommerceMonde.com s’est intéressé au phénomène et après un mois d’enquête et d’entrevues, nous voici prêts à vous offrir en exclusivité notre dossier sur la filière des Québécois - et des Québécoises - dans la haute finance londonienne. 

À chacun des Québécois à Londres que nous avons identifiés, nous avons demandé invariablement des réponses aux quatre questions suivantes : 

  1. De se présenter, ainsi que l’entreprise qui les engage.
  2. De dire à quel rang il situe Londres comme centre financier international?
  3. Comment pense-t-il qu'il faut percevoir le marché financier de Londres, dans la perspective des gens d'affaires nord-américain?
  4. Enfin, pourquoi avoir choisi de travailler à Londres? 

Notre intention étant de résumer l'importance de Londres comme grande capitale financière dans le monde, à travers un certain nombre de témoignages de Québécois, acteurs à différents titres.

Le résultat est fascinant ! Voyons voir... 

LONDRES, PLUS QUE NEW YORK !
Personne ne le contestera, Londres se situe parmi les plus grands centres financiers internationaux avec New York et Tokyo. Ce trio de tête n’est cependant pas une équation à trois équivalents! Tokyo, c’est un autre monde. Certains ayant même pu comparer en vivant dans les deux autres villes, nos témoins pensent tous que la ville de Londres est préférable à la capitale financière des États-Unis. Autant d’un point de vue des affaires que de la qualité de vie. 

« Londres, c’est l'endroit où la finance est née!  Il s'agit d'un endroit où un grand nombre d'expatriés choisissent de travailler, ce qui rend l'expérience de travail hautement stimulante », témoigne Catherine Chapleau, FSA, consultante pour Towers Perrin depuis sa sortie de l'université. « (...) Et le marché financier de Londres est d'avant-garde, même si peut-être moins que celui de New York », poursuit-elle, alors que pour Antoni Forgues, FSA, ALM, consultant pour Aon Consulting, il n’y a pas place à hésitation : « En terme de grosseur je ne sais pas, mais en terme de qualité et profondeur, il ne fait pas de doute que Londres est # 1 (...) Ce que je sais, c'est que Londres est très, très innovateur et le marché est beaucoup plus libre qu'aux USA à cause de législations plus flexibles. Londres est aussi un acteur très important dans le marché de l'Europe. Londres sert aussi de lien entre les marchés boursiers asiatique et américain. Mon opinion, c'est que les marchés boursiers londoniens sont extrêmement dynamiques et innovateurs. » 

« De par le volume des transactions qui passent par Londres et de par le nombre d'entreprises étrangères qui y vendent leurs actions et obligations, la City se classerait selon en tête du peloton. Quant aux bourses américaines, celles-ci  sont énormes, et je n'oserais pas avancer le contraire. Or, si Wall Street est en effet le centre nerveux financier des entreprises états-uniennes, canadiennes, israéliennes et latino-américaines, elle ne l'est pas pour le reste du monde. Pour la majorité des entreprises aux grands besoins de capitaux, hormis celles des quatre régions que j'ai nommées, Londres demeure la caisse populaire du coin. Pour les entreprises d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient ou d'Asie Orientale, Londres comme bailleur de fonds est le sine qua non de toute transaction d'envergure », argue Nicolas Cadieux. 

« Si Wall Street
est en effet le centre nerveux financier
des entreprises états-uniennes, canadiennes, israéliennes
et latino-américaines, elle ne l'est pas
pour le reste du monde. »
 

Un point de vue que partage le compatriote Dimitri Douaire, mais avec une autre perspective : « Comme centre financier international, si cela ne l’était déjà pas, je pense que Londres est #1. Juste d’un point de vue temporel, Londres est le seul marché financier d’envergure qui intersecte entre Tokyo et New York. C’est ici que s’effectuent la majorité des transactions sur les devises et les métaux, c’est ici que sont créés la plus grande proportion de nouveaux produits et c’est d’ici qu’est gérée la distribution de ces produits dans les autres endroits du monde. » 

« Ce n’est pas par hasard si le gouvernement russe a choisi Londres, plutôt que New York, pour écouler ses actions de Rosneft (AOA aujourd’hui). Une des conséquences insoupçonnées de la mise en place de la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis est la multiplication des rapports et communiqués que les sociétés doivent produire et la complication dans l’obtention de visa. Il en résulte des inconvénients majeurs pour les entreprises voulant ouvrir des bureaux aux États-Unis et y transférer des employés compétents. Les grandes sociétés se tournent donc vers Londres », ajoute Dimitri Douaire, 32 ans, originaire de Joliette, qui avec son baccalauréat et sa maîtrise en finance obtenus à l’Université de Sherbrooke, est maintenant analyste pour Caliburn Capital Partners LLP. 

« Londres est l’un des centres financiers les plus dynamiques au monde et attire en conséquence des gens de plus d’endroits au monde que toute autre ville du monde (voir: The World Comes to London, The Economist, August 2003). On sent bien cette présence internationale dans tous les milieux de travail du domaine financier. Dans le domaine de l’investissement, il est intéressant de noter que beaucoup de fonds de placement européens sont basés à Londres, même si souvent ni les investissements et ni les investisseurs ne sont britanniques! D’ailleurs, les gens d’affaires de Montréal le moindrement actifs sur la scène internationale y sont régulièrement attirés, que ce soit pour des conférences spécialisées, des foires commerciales, des opportunités d’investissement, etc. Je ne compte plus les visites d’amis et anciens collègues basés à Montréal qui viennent à Londres en voyage d’affaires quelques fois par années », nous témoigne Evelyne Dubé. Avocate, avec un diplôme de MBA en plus, elle travaille à Londres pour l’un des plus importants gestionnaires de fonds d’investissement en immobilier au monde: Curzon Global Partners/ IXIS AEW Europe 

Avec le titre de directrice, son rôle y est de lever des capitaux auprès d’investisseurs institutionnels européens pour tous les nouveaux fonds d’investissement créés par le groupe. Elle est aussi en charge de mettre sur pied la structure juridique et fiscale de tous ces nouveaux fonds d’investissements. Depuis 2002, elle a mené à bien la structuration, la commercialisation et la levée de fonds pour les fonds Logistis II, Prime Real Estate Fund et European Property Investors LP. Auparavant, elle était Manager dans le département Finance d’entreprise de KPMG Corporate Finance à Londres et Montréal, ainsi que Consultant senior chez Arthur Andersen à Montréal. 

Pour Jean-Michel Parizeau, Londres est au même rang que New York. « Les origines de l’importance de Londres sur les marchés financiers résident tant à certaines tendances actuelles qu’à des raisons historiques. Grâce aux nombreux atouts de Londres, il est facile de comprendre pourquoi cette ville a bénéficié de la tendance qu’avaient,  il y a de cela quelques années, les institutions financières de réduire leurs effectifs dans les pays européens et de concentrer leurs ressources sous un même toit, dans une même ville. De plus, il faut se rappeler que Londres a toujours été la capitale du l’empire britannique et plus récemment une plaque tournante du commerce, du secteur d’assurance, avec un taux d’imposition relativement simple et une réglementation fiscale appréciée des expatriés. Au surplus, dans les dernières années, les coûts règlementaires exorbitants associés à un listing aux États-Unis ont encouragé de nombreuses entreprises à choisir Londres plutôt que New York. 

(...) Pour un homme d’affaires nord-américain, Londres devrait être considérée comme étant un New York européen, une source de capitaux importante, un cadre législatif pour les corporations moins stricte qu’aux États-Unis, un degré de raffinement impressionnant à différents niveaux mais particulièrement du point vue des instruments financier, un rassemblement de main-d’œuvre étrangère et des frais d’exploitation importants! », explique encore celui qui vient de passer l’essentiel des huit dernières années à Londres, notamment à l’emploi de KPMG UK. 

« Il existe quatre grands centres financiers en Europe (Londres, Frankfurt, Paris et Zurich), et par un concours de circonstances historiques et linguistique, Londres y siège au premier rang pour le nombre d'employés et le volume transigé quotidiennement sur de nombreux produits financiers (voir par exemple European Capital Markets, Seifert, Achleitner, Mattern, Streit & Voth). Londres est l'équivalent européen de places financières telles que New York, Hong Kong, Tokyo, etc. La plupart des grandes institutions financières ont une présence significative à Londres, dont plusieurs leurs bureaux principaux en Europe, ou même leur unique présence européenne pour les plus petites institutions. La plupart des pays y sont représentés, et conséquemment on y fait des rencontres extrêmement intéressantes. Un groupe typique de banquiers à leur pub préféré après une longue journée d'ouvrage comprendra probablement trois ou quatre nationalités distinctes,  des gens avec des formations et expériences qui seront le plus souvent complètement différentes. C'est l'esprit de la City, mais aussi son attrait principal. 

(...) Personnellement, je m'étais donné comme défi de travailler à New York et Londres après mes études. Je voulais être au centre de l'action. Ceci étant dit, je dois néanmoins avouer ma passion pour le voyage : Londres est une formidable plateforme pour découvrir le Vieux Continent. On peut se retrouver en Scandinavie, en Andalousie ou même en Europe de l'Est en moins de trois heures d'avion, en partant de l'un des cinq aéroports de Londres. Sa situation géographique compense largement pour son climat monotone et grisâtre ! », témoigne pour sa part Alexandre Dubé, gradué avec une M.Sc. en économie de l'Université de Montréal et cambiste, marché monétaire, à la trésorerie de la Banque Nationale du Canada à Londres depuis deux ans. 

La situation géographique de Londres
compense largement
pour son climat monotone et grisâtre !
 

Dimitri Douaire a pour sa part une vision très personnelle à propos de comment un Nord-Américain devrait percevoir Londres : « Ne pas penser qu’il a quelque chose à enseigner ou quelque service unique à offrir sans en être sur. Autrement dit, regardez tout ce qui se fait ailleurs qui ressemble de près ou de loin à ce que vous faites et soyez prêts à défendre votre produit ou service avec tous les outils en main. Les Londoniens sont ouverts d’esprit, mais donnent rarement de deuxième chance. Ils demeureront toujours polis, mais vous n’obtiendrez rien d’eux. Ils détectent les « vendeurs » mieux que quiconque. Si au Québec cette approche fonctionne bien (et franchement l’une des raisons pour lesquelles il y a tant de problèmes dans la belle province), c’est beaucoup plus difficile ici. » 

Bougie d’allumage de ce dossier, Nicolas Cadieux y va d’un apport substantiel sur ce qu’il pense de Londres comme centre financier et pourquoi la ville lui plaît!  

« Tout en reconnaissant que le coût de la vie est en effet très élevé et que la qualité de vie est souvent meilleure ailleurs, Londres est pour moi l'eldorado. Pourquoi? Pour le travail en général et en particulier parce que la Mecque de la finance internationale, c'est Londres ! », débute-t-il. 

Et les arguments qu’il apporte ont effectivement du poids ! 

  • ÉNORMES OPPORTUNITÉS DE TRAVAIL POUR LES JEUNES DIPLÔMÉS

« Les employeurs ne s'attendent pas à ce que l'on ait de l'expérience en sortant de l'université. On mesure donc la qualité d'un candidat à travers d'autres critères: résultats universitaires, motivation, projets entrepris, sens de l'initiative, tests d'arithmétique simple (mais rapide) et test de lecture. Les employeurs britanniques procèdent ainsi en reconnaissance qu'un bon candidat ne peut pas vraisemblablement être le produit seul de son éducation. Bien que l'Angleterre ait un réseau d'universités élites comme aux États-Unis, les chances d'accès à de hauts postes sont égales pour tous. Comme ailleurs dans le monde, un candidat d'une université prestigieuse sera toujours forcément avantagé, mais ce qui est unique ici, c'est qu'un candidat dont les résultats ont été bons, mais qui a fréquenté une université ordinaire n'est jamais désavantagé aux yeux de l'employeur londonien.  Lorsqu'un jeune candidat est finalement choisi et embauché, il n'est pas abandonné à lui seul. On lui donne une formation rigoureuse au travail à l'aide d'un mentor. Ce qui est le plus surprenant, c'est que l'employeur londonien forme ses jeunes candidats en leur donnant accès à leurs clients importants dès le début. L'employeur raisonne qu'en donnant de grandes et d'importantes fonctions à leurs jeunes employés dès le début, le jeune diplômé sera responsabilisé très tôt dans sa carrière. »  

  • UNE GRANDE FLEXIBILITÉ

« Au-delà des opportunités de travail que Londres offre aux jeunes diplômés, ce qui surprend toujours c'est la tradition britannique selon laquelle la formation universitaire n'a aucune relation avec la carrière que l'on veut poursuivre (avec l'exception des branches scientifiques). Voici l'exemple qui m'a le plus surpris. Une étudiante a complété un doctorat en littérature, mais elle aimerait maintenant bien gagner sa vie. Son parlé est exemplaire, sa prose est souple, mais elle ne connaît rien à la finance. Et bien à Londres, ce qu'elle fera, ce sera de devenir banquière! À Londres, ce que l'on reconnaît à cette candidate, c'est qu'elle est forcément très éduquée, qu'elle a fait preuve de persévérance et qu'elle est capable de raisonner. Son parcours n'a rien à voir avec une carrière en finance, mais elle détient des traits qui pourront être bénéfiques à tout employeur. »

  • DÉSIGNATIONS PROFESSIONNELLES

« Puisque Londres admet des candidats avec des formations universitaires diverses, les désignations professionnelles sont très populaires. Pour revenir à l’exemple de la candidate dont la formation était en littérature, il est probable que son future employeur, quel qu’il soit, lui demandera de poursuivre une désignation professionnelle qui sera utile à son employeur. Par exemple, tout en étant formée pendant 12 à 24 mois au travail, elle passera aussi par exemple des examens professionnels en comptabilité, en finance, en marketing, etc. Et il est habituel que ce soit l’employeur qui paie. Les choses sont ainsi à Londres, parce que dans la tradition britannique, la fonction de l’université c’est d’enseigner à réfléchir et c’est dans l’industrie même que l’on apprend à travailler. Il est clair que dans un système comme celui-ci l’employeur porte un fardeau plus important, dans la mesure que c’est à lui que revient la tâche de former ses jeunes employés, mais le résultat final en vaut la peine, parce que les employeurs ont des candidats intelligents qu’ils ont formés entièrement selon les besoins du secteur. » 

Sans doute pas moins heureux que Nicolas Cadieux, sa satisfaction de Londres, Antoni Forgues la résume ainsi : « En gros je tripe sur Londres, pour moi tout est meilleur! Plus, plus souvent, plus gros, plus longtemps, plus tout quoi! (...) Pour ce qui est de la Finance, le Québec n'est pas un choix. Pour ce qui est de New York, je ne suis pas trop un fan de vivre aux USA, il me semble qu'il y a trop de valeur que je ne partage pas avec l'opinion générale des Américains. Ceci étant dit, je commence à penser qu'il y a de bonnes opportunités en finance pour moi à Hong Kong (que je viens juste de visiter et que je suis tenté de décrire en un mini Londres) ». Bref, ce natif de Repentigny, ancien étudiant en actuariat à l'Université Concordia gradué de 2002, a mis le Québec dans le rétroviseur! 

« Plus,
plus souvent,
plus gros, plus longtemps,
plus tout quoi! »
 

« Durant mes études j'ai fait quelques stages en actuariat (St-Hyacinthe, puis Boston, puis Toronto). Mon premier travail permanent a été à Londres, en septembre 2002, après avoir passé l'été à étudier l'italien et visiter l'Italie. Je suis venu à Londres pour l'expérience de vie et la possibilité de voyager dans plusieurs pays et aussi pour parfaire mon anglais (que je vois et verrai toujours comme la langue pour faire des ''grosses'' affaires). J'ai un nouveau travail depuis trois mois, mais en gros j'ai toujours été en consultation pour les régimes de retraite. Maintenant, je fais de l'Asset Liability Modeling/Management (ALM) - ce qui est très à la mode ces temps-ci pour les régimes de retraite. Je suis donc très bien placé pour voir les produits d'investissement qui sont offerts aux régimes de retraite – malgré que mon expérience, à ce moment-ci, soit limitée. Je suis maintenant fellow de la Société des actuaires (FSA) et j'attends mon résultat pour le CFA 3. Mon nouvel employeur, Aon, fais partie des grandes firmes d'actuariat-conseil (en plus d'être un des plus gros "insurance broker" dans le monde). Ma division, Aon Consulting Limited, a une présence très importante au Royaume uni et est un des plus gros joueurs en ce qui concerne les conseillers en investissement pour les fonds de retraites », raconte encore en détail Antoni Forgues. 

LE FRANÇAIS, C’EST TRÈS PAYANT!
« Au risque de dire ce qui a déjà été dit, les Québécois sont les candidats idéaux pour s'intégrer dans un nouveau milieu et se réaliser à leur plein potentiel, probablement dû au multiculturalisme présent au Québec (Anglais/Français et aussi ouverture sur les autres nations).  Donc, c'est un plus pour Londres! », ajoute Antoni Forgues.

Ce que confirme à 100% un « plus londonien » que lui, Jean-Michel Parizeau : « Pour y vivre, il est surprenant combien il nous est facile en tant que Québécois de s’intégrer en terre Anglaise. J’ai vraiment réalisé à quel point notre côté « English » est bien présent et a été conservé à travers les années. Une adaptation à certaines traditions est bien entendu requise, la culture du pub est une parmi tant d’autres, mais il est clair que de nombreux atomes crochus existent entre les Québécois et les Anglais, qui ne l’oublions pas, reste un peuple qui a beaucoup de difficulté à se définir! » 

Une
leçon
pour le Québec!
 

Évidemment, si le caractère international de Londres se ressent aussi au travail, où être bilingue, voire polyglotte, pour un financier, n’a rien d’exceptionnel, s’est d’y découvrir quel statut y a la langue française qui surprendra bien des Québécois, et ce des deux côtés de l’Atlantique! 

« Même si les financiers britanniques ne s'en ventent  pas, il est surprenant d'observer que le français en milieu financier est plus répandu dans la City que dans le Canada anglais (...) En tant que Nord-Américain et en particulier en tant que Québécois, il est difficile de ne pas y reconnaître un brin d'ironie. Avec tous les efforts que nous avons déployés, au Québec et au Canada, pour stimuler l'usage du français, la City sans le chercher est un excellent véhicule pour la promotion du français dans la mesure que le français, c'est très payant. J'en conclu pour le Québec, que si nos lois linguistiques nous ont servi pour bien enraciner le français au Canada, la prochaine étape pour que le français s'épanouisse en terres d'Amériques, devra passer par les affaires : si la langue française est associée à la richesse et l'enrichissement en Amérique, alors on voudra apprendre le français, si ce n'est que par besoin économique », lance sans ménagement  Nicolas Cadieux.  

HEUREUSEMENT, CERTAINS REVIENNENT!
Jean-Michel Parizeau s’est expatrié en 1999, quittant son poste à la Trésorerie Corporative de la Banque Laurentienne, pour aller compléter une Maîtrise en Finance en Angleterre. Par la suite, il passe près de deux ans à travailler la majeure partie de la semaine en Suisse et le reste à Londres. Au terme de deux années, il obtient de la part de son employeur (Syngenta, spin-off de Novartis et de AstraZeneca) un transfert permanent au bureau de Londres. Il continua à œuvrer au sein de la Trésorerie Corporative en gestions des risques et financement, lorsque KPMG UK lui offrira un poste en gestion des risques financiers pour sa clientèle du secteur corporatif, mais également du secteur des institutions financières.  

« J’ai donc eu la chance de performer des analyses détaillées des cadres de gestion de trésorerie et des risques financiers pour des sociétés clientes de KPMG UK, telles que Shell, BP, SABMiller, Crédit Suisse, P&O Neddloyds, Roll Royce. J’ai également piloté la conversion aux normes IAS 39 et FAS 133 des activités de gestions des risques financiers et d’opérations de trésorerie pour le compte de plusieurs clients internationaux », nous raconte-t-il. Mais après deux ans passés à KPMG UK, basé aux bureaux de Londres, il a accepté une offre du bureau de KPMG Montréal pour se joindre, à titre de directeur principal, au nouveau groupe de la gestion des risques financiers. Il occupe ce poste depuis mai 2006.  

« Cet avec un pincement au cœur (et à gros sanglots) que j’ai quitté Londres pour Montréal. Mais Montréal a une qualité de vie qui est tout simplement extraordinaire et à un prix incomparable! Travailler à Londres, c’est accepter de vivre dans une ville qui a plus d’habitants que la province de Québec ou que certains pays européen.  C’est profiter d’une ville qui a une concentration difficilement égalée d’institutions financières et non financières. C’est de vivre dans une ville qui reste à l’échelle humaine, malgré sa population. Dont le skyline vous séduit après quelques temps, malgré sa diversité où le vieux et le nouveau se côtoient sans se comparer. C’est de côtoyer, de pouvoir distinguer avec aise les faits et gestes de l’Europe du confort de son fief, de son bastion anglo-saxon, de son île. C’est de vivre dans une ville, où aller à l’aéroport à n’importe quel temps de la journée, peut prendre autant de temps que certains québécois prennent pour aller au chalet…un vendredi soir en pleine heure de pointe! Mais c’est vivre dans une ville vibrante et qui déborde d’énergie, dans bien plus de secteurs que juste celui de la finance. En quelques mots mais malheureusement pas les miens: ''London is the epitome of our times, and the Rome of toda'', témoigne un Jean-Michel Parizeau manifestement encore nostalgique. Mais qui prouve, tout de même, qu’il y a « une vie au Québec » après le faste de Londres ! 

VIVE CES QUÉBÉCOIS OUVERTS SUR LE MONDE !
Cette génération de Québécois a clairement la piqûre de l’international. Pourquoi choisissent-ils en grand nombre de travailler à Londres et ailleurs dans le monde? 

Comme tous, d'abord parce que « (...) j'avais envie de voyager et d'apprendre à connaître une autre culture », avance d’abord Catherine Chapleau. « (...) Maintenant surtout parce que les opportunités dans mon domaine sont inestimables. Je suis convaincue qu'il serait beaucoup plus difficile - voire même impossible - d'avoir un boulot similaire à Montréal ou à Toronto. Londres est une ville stimulante, où des professionnels de partout dans le monde se rassemblent.  On y rencontre des gens de cultures différentes qui ont tous fait un parcours différent, et je pense qu'on ne peut qu'agrandir nos horizons en y vivant », explique cette graduée de l'Université Laval en actuariat en 2002, qui quitta immédiatement le Québec pour l'Europe pour initialement travaillé à Bruxelles, puis à Londres depuis février 2004.  

La firme qui l’engage, Towers Perrin, est une boîte de consultation internationale qui offre des prestations dans plusieurs domaines reliés aux ressources humaines, à l'assurance et à la réassurance. Pour sa part, elle travaille pour la ligne d'affaires qui traite de régimes de retraite et d'avantages sociaux au niveau international. Towers Perrin a des bureaux à travers le monde et sa maison mère est située aux États-Unis. 

L’histoire de globe-trotter que nous raconte Dimitri Douaire est un exemple de plus. Dans la jeune trentaine, ce CFA travaille depuis 8 ans dans le domaine des stratégies alternatives, plus précisément dans les fonds de couverture. À la suite d’un bref stage sur les produits dérivés au sein de La Caisse de Dépôt et Placement du Québec, il accepte une position d’analyste chez Norshield Asset Management, entreprise qu’il aura eu la lucidité de quitter dès l’été 2000, avant même que les problèmes liés à Cinar débutent. Il passe alors chez Northern Trust Global Advisors (NTGA), une société basée à Stamford, au Connecticut, et filiale de Northern Trust dont le siège social est à Chicago. À l’époque, la Caisse de Dépôt avait un joint venture avec NTGA par l’entremise duquel la Caisse avait commencé à investir dans les fonds de couverture.  

« Ce qui représente maintenant près de 4 milliards $ à la Caisse aujourd’hui ne valait que 400 millions $ à l’époque et ce n’était pas très organisé. J’avais plusieurs fonds de couverture à analyser et plusieurs candidats à interviewer. Le joint venture a pris fin en 2001 et je me suis vu offrir une position au siège social de Northern Trust à Chicago, où j’ai passé un an à orchestrer le re-démarrage de l’activité de fonds de couverture suite au désistement de la Caisse de Dépôt », se rappelle-t-il.  

« (...) au Québec,
l’esprit d’innovation, le souci de la qualité
dans l’offre de produits financiers
et le capital font défaut »
 

« Pour des raisons personnelles, je suis revenu chez HR Strategies, à Montréal, au début de l’année 2003. Au moment où je suis arrivé, cette compagnie avait besoin d’une restructuration quasi complète de ses portefeuilles de fonds de couverture, qui étaient en piteux états. Au cours des trois années suivantes, j’ai donc supervisé tous les aspects de la gestion quotidienne des fonds de couverture. Puis les scandales Norshield et Portus ont sévèrement compromis les chances de croissance de HR Strategies et j’ai choisi de regarder ailleurs. Bien que ces deux situations étaient prévisibles si vous demandez a quiconque dans l’industrie, cela a néanmoins entaché la réputation des fonds de couverture.  Bien que 99% des fonds de couverture soient respectables, l’incapacité des autorités financières et des différents intervenants à empêcher le désastre a fortement compromis les chances de firmes spécialisées dans le domaine. J’ai donc choisi de venir travailler dans un milieu plus mature, soit Londres, parce que je n’étais pas intéressé à travailler de nouveau aux États-Unis, surtout en raison du potentiel de perte de pouvoir d’achat. » 

Analyste pour Caliburn Capital, il est à Londres parce qu’il adore les fonds de couverture. Et il n’est pas le seul, car une proportion de plus en plus grande d’investisseurs se tourne vers eux! Malheureusement, selon-lui, au Québec, l’esprit d’innovation, le souci de la qualité dans l’offre de produits financiers et le capital font défaut. Et après des dizaines de séjours à New York, il dit en avoir assez vu pour se dire que cette ville impose à ses citoyens un rythme inhumain! Pour ce qui est du reste du monde, il trouve Tokyo « un peu trop loin culturellement ». Mais sa conclusion est typique de cette génération sans limite : « Dans quelques années on verra! » 

Troisième exemple, même constat : « J’habite à Londres depuis plus de cinq ans. Je suis avocate de formation, membre du Barreau du Québec depuis 1993, avec un MBA en finances de l’École des Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal. J’ai d’abord choisi de travailler à Londres pour compléter ma formation professionnelle (des études supérieures à la London Business School) et acquérir une expérience d’affaires internationale. J’ai choisi d’y rester en raison de l’environnement de travail stimulant, l’ouverture de Londres sur le monde (par exemple, la majorité des 50 employés de mon entreprise à Londres sont étrangers et nous y parlons au moins 14 langues autre que l’anglais), la vie culturelle trépidante (des célèbres Royal Opera House et Tate Modern à une multitude d’événements culturels plus alternatifs, on ne peut jamais s’y ennuyer), l’accès facile au continent européen (Londres est si près des grands centres européens: songez que Paris n’est qu’à 2 heures et demi de train, ce qui est plus rapide que la liaison Montréal-Québec!) ainsi que la beauté de la ville et ses magnifiques espaces verts », nous explique Evelyne Dubé. 

Morale de toute cette histoire : la prochaine fois que vous passerez par Londres par affaires, sachez donc qu’une filière québécoise de jeunes loups – et louves (« (...) la présence des femmes nord-américaines à Londres pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un autre article », propose Evelyne Dubé)  - de la finance y a place. Et osez les contacter! 

www.survivrelondres.co.uk

Fait à Québec le 1er septembre 2006.


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