Stratégie d'innovation
Le ministre Bachand met la table: «On regarde pour des nouveaux fonds en démarrage technologique...»
2006-09-24

Par Daniel Allard

« Actuellement, il n'y a pas assez de fonds disponibles en démarrage technologique. Dans six mois, ce sera différent », a également dit le ministre, conférencier devant les membres de la Chambre de commerce des entrepreneurs de Québec (CCEQ), le 21 septembre. Raymond Bachand a donc laissé entendre que la nouvelle Stratégie de l'innovation que le gouvernement du Québec rendra publique au courant de l’automne 2006 comportera des fonds nouveaux pour appuyer le démarrage technologique.


Le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec est donc conséquent avec la question qu’il s’était lui-même posé: « Sur quoi repose notre développement économique de demain? Sur les deux clés que sont l’innovation et l'exportation! »


« Et la priorité doit aller à la productivité des entreprises, c'est-à-dire leur capacité d'innovation », a aussi soutenu le ministre.

 

60 % de l'écart de productivité
serait attribuable à une plus grande utilisation
des technologies de l'information
aux États-Unis !


Le gouvernement du Québec souhaite, par exemple, que la part des entreprises dans les dépenses en R&D passe de 60 à 66%. Déjà, un nouveau programme permet de payer une bonne partie du salaire d'un nouvel employé ayant un diplôme scientifique dans une PME manufacturière, élément d’un programme de 75 millions $ sur trois ans lancé avec le dernier discours du budget.

 

Il faudra donc surveiller cet automne le dévoilement de deux stratégies gouvernementales, une sur le développement économique des régions, l’autre sur l'innovation. Mais c’est la participation à un autre événement tenu la même journée, à l’initiative de l’Institut d’administration publique de Québec (IAPQ), qui permettait d’aller beaucoup plus en profondeur sur le sujet de l’innovation et de son importance stratégique pour l’avenir de l’économie du Québec.


COLLOQUE DE L’IAPQ : LES COÛTS/COUPS DE L’INNOVATION

La capacité à apprendre et à innover fait plus que jamais la différence entre les entreprises, mais également entre les économies nationales. Et dans cette économie du savoir, même si elle a changé de mode, l’action de l’État est plus que jamais nécessaire: soutien à la R&D, éducation et formation, capital de risque, valorisation des innovations, etc. C’est ainsi que l’économie américaine, qui bénéficie de la croissance la plus forte parmi les économies développées, connaît le plus fort taux d’investissement dans l’immatériel : dépenses nationales de R&D en % du PIB, dépenses de R&D des entreprises en % du PIB, dépenses consacrées à l’enseignement supérieur en % du PIB, capital de risque en % du PIB, effectif de chercheurs par actif, etc.

 

Qu’en est-il au Québec? L’État québécois est-il à la hauteur du défi posé par la nouvelle économie? Et l’administration publique, a-t-elle pris le tournant? Est-il même possible d’innover dans la fonction publique? Accorde-t-on les ressources et la valorisation nécessaires à l’innovation?


Les participants au colloque « Les coûts/coups de l'innovation », tenu l’avant-midi du 21 septembre 2006 à l’hôtel Hilton Québec, cherchaient des réponses à toutes ces questions. Dans sa conférence d'ouverture « Un Québec innovateur : non pas une option mais un défi incontournable », l’ancien, et bien connu, sous-ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Camille Limoges, a brossé un portrait à plusieurs égards préoccupant. Surtout lorsqu’il a avancé : « Presque 60 % de l'écart de productivité entre nos deux pays est attribuable à une plus grande utilisation des technologies de l'information aux États-Unis. »

 

Autre point sombre révélé sur le même aspect : en 2004, alors que les gains de productivité étaient de 1,1% au Canada, ils atteignaient 3,6% aux États-Unis et même des scores imposants de 4,5% en Suède, de 6,5% en Islande. Et à l’intérieur de l’économie canadienne, alors que le système universitaire ontarien est en vitesse grand V, le Québec est plutôt en stagnation en matière de recherche.


« Au Québec, nos universités s'en vont vers un déficit accumulé de 300 millions $ ; bon an mal an, il manque ± 375 millions $ dans le réseau (...) En dollars de 1968-69, les frais de scolarité sont actuellement de 260 $ par année au Québec », n'a ensuite pas caché un Camille Limoges qui cherchait certainement ici à passer un message !


Plus globalement, si le gouvernement affirme toujours maintenir la cible du 3% du PIB investi en R&D en 2010 (cible que se donne également l'Union européenne), le Québec fait du surplace depuis les quatre dernières années :

  • 2,77% en 2001 ;
  • 2,75% de 2002 ;
  • 2,74% en 2003 ;
  • 2,74% en 2004 (estimé).

« Oui, le Québec demeure une économie proche de la ‘’frontière technologique’’ (concept qui fait référence à la situation aux États-Unis et à sa productivité exemplaire)... Mais la poursuite de la stratégie d'imitation n'est plus payante, lorsqu'on se rapproche de la frontière technologique. Il vaut mieux, alors, investir sur l’augmentation de ses propres cerveaux... Il vaut mieux produire des innovateurs que des imitateurs », analyse-t-il.


Le Québec est-il une société technologique? Le constat des experts la qualifie plutôt de société en transition. Selon Camille Limoges, le Québec « est en situation de transition vers une véritable économie du savoir (...) Mais, malheureusement, en perte de vitesse par rapport aux concurrents. Ce qui fait que le statu quo serait un recul ! Particulièrement avec les quatre dernières années de vaches maigres ».


Dans ce contexte, les choix politiques ont une importance primordiale. Et il a donné l’exemple de la Finlande, qui était dans la déprime en 1990 : « On y a fait un choix politique d’investir en recherche-développement et dans l’enseignement supérieur. Résultat: l’investissement privé a pu y être attiré (...) Le pays compte notamment un Conseil des partenaires pour la recherche. »


Autre exemple de choix politique : « Le Québec comptait zéro emploi en biotechnologie en 1982. Deux décennies plus tard, c’est une industrie de 35 000 personnes. »

 

Camille Limoges pense donc que la politique de la recherche et de l'innovation va nécessiter beaucoup plus qu’un réaménagement.


« Le gouvernement annoncera une nouvelle Stratégie de l’innovation cet automne, mais il faut savoir que par rapport à 2002-03, il manque 60 millions $ en 2006-07 », prévient-il, en précisant qu’il faut donc attendre beaucoup de la nouvelle stratégie, pour laquelle, par ailleurs, il souhaite une consultation publique avant adoption.

  
LES 7 PARADIGMES DE LA R&D AU QUÉBEC

Aussi conférencier au même colloque, Claude Rousseau, Premier vice-président - Ventes grandes entreprises - Québec et secteurs publics - Bell Canada, a partagé une liste de 7 paradigmes auxquelles sont confrontés, selon-lui, les entreprises québécoises devant le défi d’innover :

  1. « Innover, ça coûte cher ! »
  2. « Innover, c’est réservé au cerveau blanc, à une élite ! »
  3. « Innover, c’est faire face à la page blanche, toujours partir de 0... »
  4. « Innover, c’est une dépense ! »
  5. « Innover, c’est surtout une question d'argent ! »
  6. « Innover, c’est relié à un produit précis »
  7. « Innover, c'est la confusion entre imagination et innovation »

Évidemment, il avait pour chacune des 7 boutades, voire des 7 excuses pour ne pas faire de R&D, une réplique implacable ! Mais le fait est que cette liste d’excuses pour ne pas faire suffisamment de R&D fait d’énormes ravages dans l’économie québécoise et qu’il lui semble préoccupant que la R&D, au Québec, soit le fruit « d'un seul millier d'entreprises (...) et que moins de 2% des PME investissent significativement en R&D ».


Il n'aime pas voir non plus que le soutien gouvernemental dans les autres provinces devance le Québec. Exemple, l’Ontario qui vient d'accorder 7 milliards $ de plus pour les cinq prochaines années.


Claude Rousseau a aussi fait deux propositions: de resserrer les normes d'octroi de capital de risque, pour encourager les entreprises à réinvestir davantage en cette matière; il suggère aussi d'augmenter le nombre d'incubateurs au Québec.


Se rappelant sans doute l’importance des choix politiques dont avait parlés Camille Limoges juste avant lui, il a osé un parallèle avec le fait que l'Union Européenne a engouffré des milliards de dollars dans son industrie du charbon, avant de finalement la fermer de toute façon; alors qu’au Québec, après 850 millions $ déjà consacrés dans le dossier de la forêt, il observe la tentation du ministre à en ajouter 150 millions supplémentaires comme un exemple de choix politique qui n'est pas sans conséquences !

 

www.iapq.ca

 

Fait à Québec le 22 septembre 2006.


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