CHRONIQUE "Veille d'affaires, technologie et changement"
L'immobilisme tranquille !
2007-02-14


Par Richard Legendre
Chroniqueur
legendre@siiq.qc.ca
Veilleur technologique et courtier en information

legendre@siiq.qc.ca

Les plus âgés se souviendront de cette boutade attribuée à un ancien chef de parti politique des années 1970 au Québec : « Il faut mettre un frein à l’immobilisme ». Qu’elle soit réelle ou issue de l’imagination collective, cette petite phrase illustre bien cette volonté de la région de Québec à mettre fin à la morosité régionale.

Le printemps dernier, le premier ministre du Québec rencontrait les gens d’affaires de la région de Québec. Plus de 1 000 personnes participèrent à ce plus grand rassemblement de gens d’affaires depuis un grand nombre d’années. L’automne dernier, une annonce du Canadian Business Magazine indiquait que la région de Québec est le meilleur endroit au Canada pour les affaires. Un taux de chômage à son plus bas et pourtant... Pourtant, on entend des voix réclamer des embargos, des moratoires, dès l’annonce d’un nouveau projet. 

On a vu apparaître le Manifeste des « lucides » auquel un groupe de gauche a répondu par son manifeste des « solidaires » et, pour terminer l’année 2006, un film documentaire pamphlétaire s’intitulant « L’Illusion tranquille ». On oppose la lucidité à la solidarité !

Pourtant, d’après le dictionnaire Le Grand Druide des synonymes et des antonymes, les antonymes de lucidité sont : aveuglement, confusion, démence, égarement, illusion, ivresse, passion et rêve. Pour la solidarité, les antonymes sont : indépendance et individualisme. Aucun média n’a soulevé cette importante erreur linguistique de la part du manifeste des « solidaires » qui tentent de faire déraper le débat vers la solidarité afin de positionner les « lucides » dans le clan des « méchants individualistes ». Ce débat  linguistique illustre bien les fondements même d’un immobilisme trop présent au Québec qui bloque tout projet avant même qu’il n’apparaisse. 

Aucun média
n’a soulevé cette importante erreur linguistique
de la part du manifeste des « solidaires » !

Au delà du syndrome « pas dans ma cour », tout promoteur de projet semble faire face à une levée de boucliers de groupes utilisant des éléments dramatiques de manière à exciter les médias avides de nouvelles, particulièrement les canaux de nouvelles en continu. Il en faut du matériel pour meubler 24 heures de diffusion par jour. 

Ces groupes de pression utilisent des arguments pour exploiter une faiblesse collective de notre société, soit  le manque de rigueur scientifique. En effet, notre système d’éducation ne donne pas une formation scientifique de base suffisante. Ceci se révèle particulièrement criant pour la formation de niveau supérieur. Par contre, on  impose à tous les diplômés du secteur collégial (CÉGEP) tant du secteur technique que général, une formation de base comportant des cours visant à donner un minimum de culture en sciences humaines, soit les cours de philosophie et de français. L’objectif visé consiste à former des professionnels pouvant être des citoyens à part entière même s’ils se destinent à des carrières scientifiques, technologiques ou administratives. Pourtant, les diplômés des secteurs des sciences humaines et administratives ne suivent aucun cours visant à doter ces futurs citoyens d’un minimum de conscience et de rigueur scientifique pour faire face aux réalités de nos sociétés où la technologie et la science sont omniprésentes. Il ne s’agit pas ici de faire de tous les citoyens des scientifiques, mais de leur inculquer quelques notions de base afin d’augmenter le niveau de  rigueur scientifique dans nos débats de société. 

Le professeur de communication Michel Cartier, auteur de plusieurs ouvrages concernant les nouvelles technologies et l’impact des technologies de l’information (TI) sur la société, affirme que nos sociétés modernes reposent sur trois pôles : 
- le pôle technologique;
- le pôle économique;
- le pôle sociétal;

Dans une société moderne et complexe, les trois pôles coexistent à divers niveau d’intensité. Un projet peut impliquer plus d’impacts économiques que technologiques ou sociétal, mais tous s’y retrouvent. En ne considérant pas les questions relevant de ces trois pôles d’intérêts, une discussion relative à un projet ne peut conduire qu’à des débats stériles plus émotifs que rationnels et créer un climat d’immobilisme. Mais pour considérer l’ensemble d’une question, le citoyen moderne doit tenir compte des trois pôles scientifique-économique-sociétal, sinon il devient une cible facile pour la désinformation de groupes de pression.

En effet, il est facile de faire peur à quelqu’un s’il ne possède pas un minimum de connaissances scientifiques pour comprendre les enjeux du pôle technologique. La publicité utilise souvent cette faiblesse. Par exemple, on annonce un produit bénéficiant d’une innovation technologique importante : des fentes perforées !!! 

Plusieurs dossiers économiques importants pour le Québec se heurtent à ce manque de rigueur scientifique des journalistes et des citoyens :
- le projet de port de gaz naturel liquéfié RABASKA;
- les projets d’éoliennes;
- l’exploitation des forêts.

PISTES DE SOLUTIONS
Pour améliorer la culture scientifique de notre société, nous pouvons :

  • demander une plus grande rigueur scientifique des médias par le recours à des journalistes ou chroniqueurs scientifiques pour considérer les enjeux technologiques de dossiers socio-économiques ;
  • soutenir le projet de Centre d’expérimentation des sciences pour la région de Québec ;
  • augmenter le contenu scientifique des formations en sciences humaines dans les Cégeps. 

UNE SOCIÉTÉ ET DES CITOYENS ÉQUILIBRÉS POUR DES DÉBATS SAINS
Les pseudos « solidaires » prônent l’immobilisme au nom d’une solidarité sociale. Pourtant, nous devons collectivement relever les défis d’aujourd’hui comme la mondialisation des marchés et la convergence des technologies. Le statu quo ne peut que nous faire reculer si les autres continuent à avancer. Dans son livre Éloge de la richesse, Alain Dubuc affirme que nous avons trop souvent préféré nous « accommoder du confort de l’immobilisme... Les choix que nous n’étions pas prêts à faire pour améliorer notre sort, il va falloir les faire de toute façon pour ne pas reculer et pour ne pas perdre une partie de ce que nous avons. » 

Nous ne pouvons nous permettre de tout bloquer en ne considérant qu’un aspect d’un projet. Envisageons les aspects rationnels et empiriques des projets se présentant devant nous. La véritable solidarité consiste à travailler ensemble afin de créer de la richesse collective. Pour y parvenir, rappelons-nous que les enjeux, les défis, la sécurité, les dangers, les résultats bénéfices sont à la fois technologiques, économiques et sociétaux. Méfions-nous de ceux qui ne nous présentent qu’un seul de ces trois angles et exigeons de nos médias une couverture complète afin de pouvoir mieux s’y retrouver.  

Méfions nous également de ceux qui, tout en ne nous présentant qu’un seul des trois angles, le font  de plus avec les mêmes arguments et les mêmes approches que dans les années 60. Pour la plupart, ces gens nous affirment que les temps ont changé, et je suis d’accord. Par contre, si c’est là une vérité que personne ne conteste, il faudrait que les biens pensants de ce monde adaptent leurs approches, leurs argumentations et leur vision aux conditions d’aujourd’hui. Entre l’illusion collective d’un immobilisme en pleine accélération ou l’application brusque et vive des freins pour arrêter cet immobilisme, notre bien être collectif impose ce dernier choix. Il s’agit de la seule solution solidairement lucide et raisonnable. 

Fait à Québec le 14 février 2007.


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